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Ravageurs des arbres à fruits à pépins

Le tigre du poirier

L’extrême sécheresse des derniers étés a été très favorable au développement d’un grand nombre d’insectes nuisibles aux cultures. Les cultures fruitières n’en ont pas été exemptes. Celles comportant des essences à fruits à pépins, des poiriers surtout, ont été particulièrement éprouvées par le tigre.

Description et habitat.

— C’est une sorte de très petite punaise, de 3 à 4 millimètres de long, plate et élargie, dont la tête et le thorax portent des expansions arrondies finement réticulées. La tête est petite, avec deux yeux sombres et luisants ; les antennes sont fines et longues, composées de trois articulations dont la dernière est plus longue. Les élytres sont larges, à angles arrondis, transparents et marqués de deux taches foncées ; en outre, ils portent des sortes de dessins géométriques inégaux entre eux, Les ailes inférieures sont transparentes et portent des nervures bien visibles. L’abdomen est arrondi, de couleur noire et luisante, de même que les pattes. En France, cet insecte est très répandu. Il s’attaque à beaucoup d’arbres fruitiers, mais surtout au poirier et au pommier qu’il défeuille souvent entièrement.

Évolution de l’insecte.

— Les observations faites récemment sur la biologie de cet insecte ont permis d’affirmer que, contrairement à ce que l’on croyait autrefois, le tigre passe l’hiver à l’état d’insecte parfait et ne se rencontre qu’exceptionnellement sous les écorces. Il s’abrite, le plus souvent, au ras du sol, sous les feuilles tombées, ou dans tout autre endroit, et y reste immobile pendant la mauvaise saison.

À partir de la fin de mai, les femelles commencent leur ponte. Les œufs sont pondus à la face inférieure des feuilles. Ils sont longs d’environ 2 millimètres, de couleur noire et brillante, et sont implantés obliquement dans la cuticule. Ils n’éclosent qu’au bout de vingt-cinq à trente-cinq jours pour donner naissance à des larves qui vivent un mois environ et passent par cinq stades successifs, séparés par des mues. C’est après la dernière mue qu’apparaît la forme adulte caractérisée par le développement complet des ailes. Sous cette forme, l’insecte est à nouveau capable de se reproduire.

Dans la région parisienne et le Centre, on n’observe que deux générations d’adultes par an, l’une apparaissant du 15 juillet au 1er août, la seconde du 20 septembre au 5 octobre, cette dernière hivernant jusqu’en mai.

Les dégâts causés par le tigre sont considérables et il nous a été donné d’observer, surtout en 1949, des cultures très envahies où la récolte a été à peu près anéantie.

Ce sont les feuilles qui sont attaquées par les larves et les insectes adultes localisés à la face inférieure. Ceux-ci font de multiples piqûres ; ils souillent les feuilles de leurs excréments contenant un miellat sucré qui détermine des brûlures du feuillage et en entraîne la chute prématurée. La face inférieure de chaque feuille atteinte porte des mouchetures très apparentes, tandis que la face supérieure se décolore, prenant une teinte gris pâle très caractéristique. C’est ainsi que la totalité des feuilles peut se trouver envahie et que leur chute complète peut survenir, fatiguant énormément les arbres quand elle ne les fait pas périr.

Il est à remarquer que le tigre du poirier, bien que possédant des ailes, se déplace peu et que l’invasion ne s’étend que très progressivement, à la façon d’une tache d’huile.

Les attaques sont le plus souvent importantes à partir du mois de juillet alors que les larves sont parvenues à leur grosseur maximum. Les poiriers et pommiers plantés en espalier le long de murs exposés à l’est, au sud-est et au midi sont plus particulièrement attaqués. Elles s’aggravent en août et septembre et sont d’autant plus virulentes qu’elles sont plus tardives.

Méthodes de traitement.

— Les traitements d’hiver, cependant recommandés dans certains traités d’arboriculture, ont été reconnus à peu près inefficaces. Cela tient à la façon dont les insectes passent l’hiver. Tout au plus peut-on conseiller de ramasser avec soin les feuilles tombées et de les détruire par le feu. Les traitements d’été, effectués dès l’apparition des premières colonies, vers la mi-juin, et poursuivis par la suite, ont, au contraire, une efficacité certaine.

L’insecticide le plus actif est la nicotine en solution à raison de 300 grammes de sulfate de nicotine et 500 grammes de savon blanc pour 100 litres d’eau. Cependant, l’été dernier, nous avons pu remarquer l’insuffisance complète des pulvérisations nicotinées.

Il convient donc d’y associer soit une huile végétale, soit une huile blanche sélectionnée et raffinée. On trouve actuellement dans le commerce différentes spécialités, qui donnent d’excellents résultats.

Les pulvérisations doivent être effectuées à l’aide d’appareils à pression préalable avec le jet brouillard. Elles doivent être abondantes, de façon que la face inférieure des feuilles soit intégralement mouillée par le liquide insecticide.

Conclusion.

— On voit, par ce bref exposé, qu’il s’agit là d’un redoutable ennemi de nos arbres à fruits à pépins. Il convient donc d’engager la lutte dès son apparition pour éviter la perte rapide d’arbres, même jeunes et jusque-là en bon état de végétation et de production.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°634 Décembre 1949 Page 801