Le greffage ne doit pas être considéré seulement comme un
procédé de multiplication rapide des essences fruitières, mais envisagé
également par les nombreuses applications qu’il offre aux arboriculteurs.
C’est, en effet, un moyen pratique pour régénérer les vieux arbres, pour
substituer une variété qui a cessé de donner satisfaction par une nouvelle
remplissant les considérations recherchées.
Dans toutes opérations culturales, on doit tendre à obtenir
le maximum de récolte. Pour atteindre ce résultat, il est indispensable que
tous les sujets composant la plantation y concourent individuellement. Or,
fréquemment, dans une plantation, on remarque certains types isolés,
quelquefois groupés, qui ne donnent plus autant de fruits qu’autrefois. Ces
sujets se révèlent par divers caractères.
La fertilité diminue ; les fruits, qui étaient
nombreux après la fécondation des fleurs, tombent, et, la récolte arrivée, il
n’en reste qu’une faible quantité. La vigueur se ralentit ; l’arbre
prend un aspect chétif, il n’arrive plus à alimenter ses fruits ; ceux-ci
restent petits, mal constitués. La qualité s’amoindrit, la chair du
fruit est plus dure, moins fondante, remplie de cellules scléreuses.
La résistance aux maladies, aux insectes nuisibles,
est très atténuée. Ne réagissant pas aux diverses attaques que subissent ces
arbres, leur végétation s’affaiblit de plus en plus.
Cultiver des arbres donnant de pareils résultats n’est pas
économique ; il devient urgent d’apporter à bref délai une solution. Il
semblerait logique de procéder à l’arrachage et au remplacement complet de ces
arbres, mais l’opération, la reprise et la fructification laissent parfois
longtemps à désirer. L’arrachage est délicat ; pour l’exécuter, il faut
extraire du sol toutes les racines. Les jeunes arbres ne se libéreront que
lentement de la concurrence de leurs voisins plus vigoureux ; ce ne sera
qu’à force de soins, de temps, qu’ils arriveront à prendre possession du
terrain nécessaire à leur développement et à leur production.
Il est plus rationnel d’utiliser ce que l’arbre a de bien
constitué, d’employer la vigueur qu’il possède encore, afin de le reformer en
un nouvel individu ayant les qualités recherchées. Les parties défectueuses
sont les branches, les rameaux ; les racines bien vivantes sont seules capables
de remplir leur rôle ; pour en profiter, il suffira de leur constituer,
par l’intermédiaire de la greffe, une nouvelle charpente.
Se débarrasser tout d’abord de toute la partie à
remplacer : un plein-vent à haute tige aura toutes ses branches ravalées à
20 centimètres au-dessus de la tige. Les arbres à basse tige,
pyramides, quenouilles, vases, palmettes, etc., peuvent avoir leur branches
charpentières : a, en bon état, les écorces saines,
lisses ; dans ce cas, les rabattre à 10 centimètres au-dessus de leur
point d’insertion sur la tige ; b. en mauvais état, les
écorces sont crevassées, couvertes de parties mortes ; dans ce cas,
recéper la tige à 10 centimètres au-dessus du sol quand la charpentière
est malade, et à 5 centimètres au-dessus de toutes les charpentières sur
la tige, quand cette dernière est saine.
Les greffes se placeront sur les branches existantes ou sur
le rameau qui se sera développé en avril-mai ; les greffons auront été
cueillis en novembre, conservés en cave, en terre ou en chambre frigorifique.
Ces greffes pousseront dans le cours de l’année.
Sur les jeunes écorces lisses, on pratiquera la greffe
sous écorce de côté, et, sur les vieilles écorces crevassées, on
exécutera la greffe en placage de côté.
Greffe sous écorce de côté.
— Le greffon aura 7 à 8 centimètres de
long. Sur sa moitié inférieure, il est taillé en biseau plat, d’une longueur égale
à quatre fois son diamètre. Le biseau commence sous un œil, afin que le
coussinet de l’œil donne au greffon mis en place une direction oblique. Quand
il sera possible, ménager un œil sur le dos du biseau, sur le sujet ;
à l’endroit où l’on veut placer la greffe, il est pratiqué deux incisions, une
transversale et l’autre longitudinale, se coupant en forme de T. Les
écorces incisées sont soulevées, le greffon est glissé de manière que le sommet
du biseau coïncide avec l’incision transversale du sujet. Le tout est maintenu
en place par une ligature.
Greffe en placage.
Préparation du greffon.
— Le greffon aura les dimensions indiquées pour la
greffe précédente, il sera préparé avec un biseau plat de 2 à 4 centimètres
de longueur. L’extrémité inférieure du biseau sera coupée horizontalement.
Préparation du sujet.
— Sur un côté du sujet, on enlève une bande d’écorce
égale en largeur et longueur au biseau du greffon. La section, d’abord
superficielle, pénètre de plus en plus dans l’épaisseur du tissu, afin que sa
base se termine par un cran de 1 à 2 millimètres d’épaisseur. Le greffon
mis en place doit recouvrir parfaitement la coupe du sujet. Pour augmenter les
couches de contact et lui donner de la solidité, le biseau du greffon reçoit
sur le milieu une languette dirigée de bas en haut. Sur le sujet, on en
pratique une autre de direction opposée.
Soins à donner après le greffage.
— Les greffes terminées, toutes les charpentières, la
tige sont raccourcies du tiers de leur longueur. Deux à trois semaines après,
dans le but de favoriser la croissance, on supprime à leur naissance toutes les
branches peu vigoureuses ayant des parties mortes. Les greffes reprises
s’allongent, sont palissées pour leur donner la direction qu’elles doivent
occuper dans la nouvelle forme. L’année suivante, les greffes sont toutes
taillées à moitié de leur longueur ; les anciennes branches sont réduites
à leur moitié.
Pendant le cours de la végétation, on ébourgeonne, on pince
les nouvelles branches. Ces diverses opérations sont continuées jusqu’à la
formation des productions fruitières. À partir de ce moment, toutes les
branches charpentées sont rabattues au-dessus de la greffe. L’arbre se trouve
définitivement reconstitué avec la nouvelle variété.
Ces diverses opérations seront complétées par un apport
annuel d’engrais, composé pour 1 hectare : 400 kilogrammes
de superphosphate de chaux ; 200 kilogrammes de chlorure de potassium
et 75 kilogrammes de sulfate d’ammoniaque, répandu à l’automne, enterré
par un labour. Au printemps, après la nouaison, dès que les fruits commencent à
grossir, ajouter 75 kilogrammes de nitrate de soude à l’hectare.
E. DÉAUX.
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