De temps immémorial, l’homme a exploité les abeilles, pour
s’approprier le miel qui a été longtemps la seule matière sucrée qui fût
connue. Aussi a-t-il d’abord pensé à les loger. Comme à l’état sauvage les
abeilles établissent le plus souvent leurs colonies dans les troncs d’arbres
creux, la première idée à probablement été de les installer dans les conditions
naturelles ; une section de tronc d’arbre scié et creusé à l’intérieur et
recouvert d’une pierre plate, telle a dû être la première ruche, du moins dans
nos climats tempérés. En quelques régions de France, on trouve encore des
ruchers composés de troncs d’arbres, par exemple dans les Cévennes.
La ruche faite de quatre planches assemblées avec
couvercle dessus, plus haute que large, est déjà un progrès sensible sur le
simple tronc d’arbre creux, elle est encore employée dans nos campagnes du
Midi.
Ailleurs on utilise des ruches arrondies en forme de cloche,
fabriquées en paille ou en osier tressé, recouvert d’un enduit composé de terre
glaise et de bouse de vache. Ces deux modèles sont coiffés d’un capuchon de
paille de seigle qui protège les abeilles de la pluie et du froid.
Dans les ruches décrites, la récolte du miel s’opère en
taillant les rayons par le haut où se trouvent les provisions et, lorsque ce
n’est pas possible, par le bas en coupant sur les côtés.
Pour faciliter le prélèvement de l’excédent de miel, on a imaginé
de superposer une autre ruche plus petite sur la première, les deux
communiquant entre elles par un passage intérieur ; on comprend aisément
qu’en enlevant ensuite cette calotte, ce n’est que le miel de surplus qui est
prélevé sans aucun dérangement pour les abeilles ; elles sont dénommées
ruches à calotte.
Nous ne citerons que pour mémoire la ruche à
feuillets mobiles de François Huber et celle dite mixte où le corps inférieur
est une simple caisse dans laquelle les abeilles construisent des rayons fixes,
et la hausse garnie de cadres mobiles pour la récolte, et nous en arrivons à la
ruche moderne indispensable à tout apiculteur digne de ce nom : c’est la
ruche à cadres. Elle présente de nombreux avantages sur les précédentes ;
récolte plus importante, conservation des rayons bâtis et surtout facilité de
voir ce qui se passe à l’intérieur, ce qui permet notamment de remédier à un
manque de nourriture, de remérer une colonie orpheline ou de dépister à temps
une maladie, toutes choses utiles pour la bonne marche du rucher.
Deux systèmes sont employés : la ruche à agrandissement
horizontal dont le type est la Layens, et les ruches à agrandissement
vertical : Dadant, Voirnot, Langstroth, etc. ... C’est de beaucoup ce
dernier système qui est préférable tant pour la facilité des manipulations que
pour la récolte.
La Layens convient à celui qui ne veut ou ne peut intervenir
au rucher plusieurs fois l’an. Elle se compose d’un corps rectangulaire dans
lequel sont placés vingt cadres mobiles mesurant chacun ultérieurement 31 centimètres
de long sur 37 centimètres de haut. Le corps est placé sur un plateau avec
rebord du côté de la sortie pour faciliter le va-et-vient des butineuses ;
sur le dessus est posé un plafond généralement fait de planchettes, puis un
toit protégeant l’ensemble des intempéries. La conduite de la Layens est simple
puisqu’il n’y a pas de hausse à ajouter au début de la miellée, mais, par
contre, le miel est souvent mélangé à du pollen, il est de ce fait de qualité
un peu moins bonne ; aussi, les professionnels lui préfèrent-ils les
ruches à agrandissement vertical.
Il y en a de toutes les formes et de toutes les dimensions,
nous n’en finirions pas de les nommer toutes ; nous ne retiendrons donc
que les plus intéressantes.
La plus employée en France est la Dadant ;
elle est utilisée aussi bien par les amateurs que par les professionnels, pour
la production du miel dans les régions moyennement mellifères. Comme toutes les
ruches à agrandissement vertical, elle est composée d’un plateau, d’un corps ou
nid à couvain, d’une hausse, d’un plafond et d’un toit. Le corps renferme dix à
douze cadres mobiles ayant intérieurement 42 centimètres de long sur
27 centimètres de haut, la hausse moitié moins haute contient neuf à onze
cadres ; remarquons que nous avons un cadre de moins que dans le nid à
couvain, ceci pour deux raisons ; la hausse étant destinée au miel à récolter,
l’espacement plus grand permet aux abeilles d’allonger davantage les cellules,
d’où plus de facilité pour désoperculer les rayons et gène pour la ponte de la
reine, qui ne peut atteindre le fond des cellules pour déposer ses œufs, ce qui
évite l’inconvénient de trouver du couvain parmi le miel à extraire.
L’écartement des cadres d’axe en axe doit être de 38 millimètres, pour le
nid à couvain et 42 millimètres pour les cadres de hausse ; il est
important de ne pas s’éloigner de ces données dans la construction des ruches à
cadres, ces dimensions s’étant révélées les meilleures dans la pratique.
La Voirnot, assez semblable à la Dadant,
diffère cependant en ce sens que les cadres du corps sont carrés : 33 centimètres
sur 33. Ceci permet aux abeilles d’emmagasiner plus de miel dans le nid à
couvain qu’avec la Dadant. Comme la hausse est enlevée pendant l’hiver,
il est moins indispensable de compléter les provisions en automne. Ce modèle
convient surtout aux régions froides ou peu mellifères.
Cependant, à notre avis, la ruche de l’avenir est la
divisible, dont la Langstroth est le type le plus répandu. Là, le nid à
couvain et les hausses sont de même dimensions, ce qui présente une
incontestable supériorité sur les autres. Ceci permet l’interversion des
cadres, d’où de nombreux avantages, notamment facilité de compléter les
provisions d’hivernage par prélèvement de cadres pleins dans la hausse et
pratique des procédés modernes à grand rendement, aussi est-elle de plus en
plus employée par les éleveurs et apiculteurs. C’est aussi la ruche des
contrées très mellifères ; ailleurs, il vaut mieux employer une ruche de
capacité plus réduite. Le seul défaut qu’on puisse lui reprocher est parfois le
dépôt de pollen dans des cadres contenant du miel, ce qui oblige à opérer un
tri à la récolte.
Nous pouvons encore nommer les ruches à cadres triangulaires
ou trapézoïdaux ; elles ont sur la Dadant l’avantage de contenir
plus de provisions pour l’hivernage ; de plus, leur forme évite la
destruction de la reine lors des manipulations, car, dès qu’on soulève le
cadre, il s’écarte des parois, n’étant plus parallèle à celles-ci.
Chacun choisira selon ses capacités et sa région le modèle
qui lui conviendra le mieux et s’en tiendra à un seul, et surtout il l’achètera
dans une maison sérieuse. Une ruche dont on exige un bon et long service n’est
pas un article de bazar.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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