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Balistique de chasse

L'énergie destructrice

Nous avons eu l'occasion d'exposer fréquemment à nos lecteurs comment les blessures infligées aux différents gibiers en vue de leur capture nécessitaient une certaine multiplicité dans les atteintes, en même temps qu'une puissance individuelle minima de ces dernières.

Il est certes possible d'amener la mort d'un animal ou de lui causer une grave blessure au moyen d'un projectile unique, mais, dans le cas des gibiers de petite taille, il est toujours avantageux de se ménager la possibilité d'atteintes multiples dont le nombre doit être d'autant plus élevé que l'on recherche la certitude d'au moins une blessure mortelle.

Tenu compte des lois de la dispersion des projectiles et des probabilités de leur répartition dans le groupement, on est amené à considérer que cinq atteintes sont en moyenne suffisantes pour avoir des chances très notables d'obtenir une blessure grave, et souvent mortelle. D'autre part, chacune de ces atteintes devra posséder un minimum d'énergie destructrice, dont la valeur varie avec le poids du gibier dont on convoite la capture.

Il en résulte que, pour chaque distance, il nous est possible de contrôler l'existence de ces divers facteurs. Dans quelle mesure pouvons-nous nous en écarter, et n'est-il pas possible de remplacer partiellement la puissance des atteintes par leur multiplicité ? Cette question nous est fréquemment posée par les chasseurs ; elle offre un certain intérêt par la discussion de ses conséquences et nous allons l'examiner en indiquant comment varie numériquement l'énergie de choc.

Cette dernière, dans le tir à plombs, n'est pas la même sur une surface donnée, suivant le numéro de plomb utilisé. On sait que cette énergie est proportionnelle à la charge, puisque tous les calibres usuels donnent pour un même type de forage un même pourcentage dans le groupement. Le nombre des plombs qui atteindront, à trente-cinq mètres, une surface d'un décimètre carré ne dépendra que du numéro employé et de la nature du forage pour un même calibre. Raisonnons, par exemple, sur le calibre 12.

À raison d'une charge normale de 32 grammes, nous pouvons employer :

    262 grains de n° 6 ;
    477 grains de n° 8.

Dans un choke normal, les cercles contenant 50 p. 100 des atteintes, qui varient avec la grosseur du plomb, auront à 35 mètres les valeurs suivantes :

    229 millimètres de diamètre pour le plomb n° 6 ;
    263 millimètres de diamètre pour le plomb n° 8.

Tenu compte des surfaces correspondantes, cela revient à dire qu'un décimètre carré de ces cercles recevra à la distance considérée :

    avec le plomb n° 6 environ 8 atteintes ;
    avec le plomb n° 8 environ 11,5 atteintes.

Nous savons, d'autre part, que l'énergie destructrice est, à égalité de vitesse initiale, d'autant plus faible que le plomb est plus petit et, avec V0 = 375 mètres, nous aurons :

    énergie destructrice du n° 6 par grain 0kgm,305 ;
    énergie destructrice du n° 8 par grain 0kgm,140.

On constate immédiatement que, sur un décimètre carré, la percussion totale est beaucoup plus puissante avec le n° 6 qu'avec le n° 8, malgré l’augmentation du nombre des atteintes. Elle varie en effet de 2kgm,450 à 1kgm,600 au total. La comparaison serait encore plus évidente entre les numéros extrêmes de la série. Tout ceci tient à la dispersion moindre des gros grains et à la résistance de l'air ; ce résultat n'est pas évident à priori et beaucoup de chasseurs pensent le contraire. Tant que nous aurons, pour un gibier donné, la possibilité d'obtenir un nombre d'atteintes suffisant, il conviendra d'employer le plus gros plomb possible.

Le compromis le plus avantageux semble celui qui permettra l'obtention de cinq atteintes, étant entendu que chaque atteinte sera représentée en kilogrammètres par un chiffre variant entre ceux qui expriment le tiers et le cinquième du poids du gibier, suivant la nature de ce dernier.

Voici donc la question parfaitement définie au point de vue théorique dans le cas très précis où nous utilisons le fusil à plombs sur un gibier connu et à une distance fixe. Mais, en pratique, nous aurons fréquemment, en poursuivant un certain gibier, à le tirer à des distances très variables et inconnues à l'avance. Nous pouvons même avoir à tirer à des distances très différentes des gibiers dont nous ne connaîtrons l'espèce que lors de leur départ. Dans ces divers cas, il convient évidemment d'avoir recours à deux numéros de plomb moyen et de choisir au moment du tir. C'est pour cette raison, entre beaucoup d'autres, que l'arme à deux coups, chargée comme nous venons de le dire, restera toujours celle de la grande majorité des chasseurs. Le fusil à répétition manque de sélectivité et sera, lui, un outil spécialisé destiné à certaines chasses dans lesquelles il peut rendre des services.

Les propriétés de l'énergie de choc que nous venons d'examiner expliquent en partie les divergences de vues entre les gros plombistes et les petits plombistes. Ces derniers sont en général des chasseurs tirant vite et bien et qui tuent avec le centre de la charge. Les gros plombistes, tireurs plus lents, se trouvent mieux de l'usage de quelques gros projectiles plus dynamiques.

Le terrain intervient aussi grandement dans cette discussion ; le tir, à courte distance du sous-bois demande des groupements larges pouvant s'accommoder de multiples petits plombs, alors que le tir de plaine réclamera plutôt un choke serré et le maximum de puissance à grande distance.

Généralement les plombs n° 6 et n° 4 répondent à tous les besoins. Nous connaissons même des chasseurs qui, pendant toute la saison, à l'exception des premiers jours de l'ouverture, n'emploient que le plomb n° 6 pour le faisan, la perdrix, le lapin et le lièvre, qu'ils tirent le plus souvent de près. Ils peuvent avoir à tirer inopinément l'un quelconque de ces gibiers et la différence de groupement des deux canons leur permet l'utilisation du même plomb dans les meilleures conditions possibles. Ils mettent ainsi tout le monde d'accord et simplifient singulièrement leur approvisionnement en munitions, ce qui est peut-être la sagesse.

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 1