Vous connaissez sûrement le « pigeon du parc Monceau »
et de presque tous les jardins et parcs de Paris ; c'est un oiseau auquel
les Parisiens distribuent des grains de blé ou du pain lorsqu'il vient se poser
sur leur main. La palombe de passage est, la crainte en plus, exactement le
même oiseau que ce pigeon docile. Je me souviens du livre de Demaison : Les
Bêtes qu'on appelle sauvages, et, dans la nature, nous nous rendons compte
à quel point certains oiseaux sont faciles à acclimater par l'homme. Au nord du
Limousin on appelle notre oiseau le ramier. Dans le Sud-Ouest, le nom
scientifique : palumbus palomba est devenu palombe. On la chasse
chez nous depuis fort longtemps. Vers le milieu du XVIe siècle, « les jurâts
de la ville de Casteljaloux accordèrent à Blaise de Montluc, gouverneur de Guyenne,
un présent de 15 paires de palombes ». Plus près de nous, messire d'Andichon,
curé archiprêtre de Lembeye, dans le Béarn, établit près de sa cure un attirail
de son invention pour faire la chasse à la palombe, qu'il appelait à tort des
bizets. La Chasse à la palombe est une des plus pratiquées dans la région du Sud-Ouest
à l'appeau, au fusil et au filet, et au fusil sur un mirador bien placé pour le
tir au vol. Cette dernière chasse, moins pratiquée que les autres, sera, à mon
avis, fort amusante, lorsque les cartouches auront baissé de prix.
Vers le mois d'août, ou au début de septembre, un oiseau, le
petit frère de la palombe, ouvre le passage : le rouquet est son
nom local, mais le pigeon colombin est son nom scientifique. D'une taille
inférieure d'un tiers à la palombe, il ne porte pas la petite collerette
blanche qui donne un si grand air à sa grande sœur. Ce tour de cou est remplacé
par des plumes vertes à reflets, les plumes du corps étant plus foncées que
celles de la palombe.
Le pigeon colombin circule beaucoup en plaine, mais suit
aussi les bois. Ces vols, qui peuvent s'élever à 30 oiseaux, s'arrêtent souvent
à l'appeau, mais cet oiseau remuant ne reste pas longtemps à la même place.
Ces précurseurs du grand passage de palombes annoncent les
fortes joies du lendemain et provoquent bien des émotions au coeur vibrant du « paloumaire ».
Si vous cherchez à l'approcher en plaine et que vous ne soyez pas très abrité
pour vous cacher, ne cherchez pas à ramper pour vous rapprocher de lui, cette
reptation ne vous laisserait qu'une courbature.
Le pigeon colombin est bien des fois plus craintif que la
palombe et beaucoup plus rapide qu'elle. Je le préfère à la palombe au point de
vue gastronomique pour la finesse de son goût.
Quelles sont les influences des vents sur le passage des
palombes et des rouquets ?
Le vent d’ouest est le plus mauvais de tous les
vents.
Le vent du nord déclenche en général de très gros
passages par le nombre des vols et la quantité d'oiseaux, mais souvent les
palombes passent vite dans les nues et par grands vols ; elles sont très
difficiles à poser.
Par vent de nord-est, les palombes sont pressées et
ne s'arrêtent pas.
Le vent d'est est un vent régulier et lent qui convient
assez bien à la pose.
Le vent de sud-est est le meilleur des vents, les
palombes passent à une hauteur moyenne, plutôt lentes.
Vent du sud, souvent fort : si la chasse est
bien placée à flanc de coteau à l'abri, les oiseaux volent bas et se posent facilement.
Vent du sud-ouest : même remarque que pour le
vent du sud.
Vent du nord-ouest : très médiocre.
En ce qui concerne la question des vents, il faut noter les
vents solaires et, en dehors de ceux-là, des vents hauts et des vents bas qui
ont une influence sur le passage.
D'une façon générale, dans mon pays de Gascogne, les
passages de cette année ont été très irréguliers, mais l'abondance considérable
de palombes par bon vent a permis de réussir très bien dans l'ensemble.
Dans mon bois de Saint-Christophe, le passage a été trois
fois meilleur que l'an dernier. Vers Grateloup, la chasse de M. Fournié, qui
est une des meilleures de la région au fusil et au filet, a, je crois, dépassé
900 palombes.
En ce qui concerne les pigeons colombins, dits rouquets, il
faut remarquer que les passages des deux dernières années ont été infiniment
supérieurs aux précédents. Je dis bien dans ma région, car, en matière de
chasse, je l'ai dit souvent : « Vérité ici est souvent erreur là-bas. »
Souvent, les chasseurs disent : « Il n'y a plus de palombes. »
Dites : « Il n'y a plus de palombes dans notre région. » Mais il
y a la question du vent, qui crée d'autres voies de migration. Il y a aussi les
coupes importantes de bois qui font varier le passage. Après de nombreuses coupures,
il y a eu, vers le milieu du passage, un arrêt plus long que les autres :
les Pyrénées étalent bouchées de brouillard, qui rendait le passage des cols
impossible. Les chasseurs au fusil ou au filet des Basses-Pyrénées ont profité
de cette concentration de palombes dont les habitants de Bordeaux ont été les
bénéficiaires.
Les palombes volent vite et haut, brûlent les étapes par bon
vent ; c'est l'indication nette que ces oiseaux ont le sens aigu de la
température à venir. Ne l’avons-nous pas remarqué la veille ou l'avant-veille
des gelées ?
Dans le domaine de la migration, je pense que nous avons
beaucoup de choses à apprendre et que nos observations n'ont pas réussi à
percer encore certains mystères.
Jean DE WITT.
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