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L'hygiène des chiens d'appartement

Si, à la campagne et dans les fermes, les chiens jouissent d'une entière liberté en ce qui concerne leurs fonctions physiologiques et parfois leur alimentation, dont ils trouvent un supplément dans les boîtes à ordures, il n'en est pas de même pour les chiens d'appartement vivant constamment auprès de leurs maîtres. Ils n'ont pas d'habitation spéciale et couchent, le plus souvent, sur des tapis, des couvertures et, parfois, dans le lit de leur maîtresse. La vie active et en plein air, que remplace ce séjour dans les appartements, serait cependant nécessaire à tous les animaux de l'espèce canine, sans exception ; aussi sont-ils victimes de cette séquestration, dont le résultat se traduit par l'embonpoint, l'inappétence, l’échauffement et des démangeaisons.

Les chiens de luxe, caressés, bichonnés, bourrés de sucre et de friandises, sont les heureux mortels de la race canine ; aussi, lorsqu'ils tombent malades, c'est le plus souvent par suite d'un excès de bien-être.

Quelle doit être l'hygiène de nos chiens d'appartement, ces fidèles compagnons qui partagent nos joies et nos peines, qui nous charment par leur intelligence et dont la perte est si vivement ressentie ? C'est ce que nous essayerons d'indiquer dans la présente causerie.

Hygiène de l'estomac et de la digestion.

— L'estomac et l'intestin doivent tout d'abord attirer notre attention. Ces organes sont, en effet, très fréquemment délicats : il faut donc les placer dans les meilleures conditions possibles pour les faire fonctionner régulièrement. D'abord, il va sans dire que la nourriture doit être proportionnée à l'âge et à la taille de l'animal ; mais aussi, il faut pas oublier que les organes du carnassier sont constitués pour la digestion de la viande. Il est donc de toute nécessité de la faire entrer dans l'alimentation : sa qualité doit être parfaite, qu'elle soit noire ou blanche et qu'elle provienne du bœuf, du mouton, du cheval ou du veau et des volailles. Elle devra être donnée — à moins de cas spéciaux — cuite, de préférence rôtie ou grillée, coupée en petits morceaux et bien mêlée à du pain finement émietté ou incorporée à des légumes bien cuits et, de préférence, réduits en purée. Les poissons maigres tels que la limande, le merlan ou tous autres poissons cuits sont aussi un bon aliment : on aura soin de ne prendre que la chair et de rejeter la peau et les arêtes. L'eau de boisson doit être pure, rendue plus digestive, si l'on veut, par l'eau d'Évian. On peut aussi donner, une fois par jour, du café noir sucré qui constitue un bon stimulant du système nerveux et met nos animaux en meilleure posture pour résister à la « maladie » dite des chiens, s'ils viennent à en être atteints.

Si votre chien manifeste quelque inappétence, profitez de votre promenade pour cueillir quelques jeunes pousses de chiendent que vous lui présenterez une à une ; il les avalera avec un sensible plaisir, puis les vomira en un petit paquet mélangé à un excès de suc gastrique. C'est le meilleur et le plus naturel des vomitifs, après quoi votre compagnon vous manifestera toute sa gaieté.

Il faut que les chiens de luxe aient la facilité d'évacuer le contenu de l'intestin et de la vessie — à cet effet, on surveillera leurs selles. Il faudra donc les descendre, autant qu'on le pourra, à heures fixes, de façon à habituer leurs organes à se plier aux exigences de la vie. L'examen de leurs déjections devra guider le choix des aliments : il faut éviter la constipation, si fréquente, et, pour la combattre, avoir recours aux mets rafraîchissants. Une excellente et simple pratique est de mélanger, de temps en temps, à la pâtée un peu de graine de lin en nature ; elle agit, dans l'intestin où elle se gonfle, comme un corps étranger et elle excite les sécrétions. Il est encore utile, si les matières fécales sont dures, d'introduire dans l'anus, quelques minutes avant la descente du petit animal sur le trottoir, un suppositoire au beurre de cacao ou en savon de Marseille, qui procurera toujours une selle abondante.

Hygiène de la peau.

— La peau doit être l'objet de soins attentifs : il faut, tous les matins, la brosser, avec une brosse un peu dure, sur les chiens à poils ras, et passer ensuite, pour les lisser et les rendre brillants, un chiffon de laine. Possède-t-on des animaux à longs poils, il faut les peigner et les brosser, mais surtout les baigner, au moins une fois par semaine. On alternera les bains à l'amidon et au carbonate avec ceux à l'eau de son. Pendant que le sujet sera dans l'eau, on le savonnera avec du savon blanc et on s'assurera que sa toison ne sert pas d'abri à des puces : si on en aperçoit, on prendra un peigne fin et on les écrasera sur le peigne. L'eau, en effet, n'a pas d'action sur ces parasites ennuyeux. Après le bain, on séchera soigneusement l'animal avec des linges bien chauds. Lorsque les poils ne seront plus humides, on pourra passer à leur surface une brosse imbibée d'eau de Cologne ou de votre parfum préféré.

Hygiène des yeux.

— Les yeux, lorsqu'ils sont collés le matin ou pleureurs, comme il arrive fréquemment dans certaines races de chiens (Pékinois, Japonais, etc.), ou, lorsqu'ils sont couverts d'un peu de matière blanchâtre, devront être lavés avec du coton hydrophile qu'on aura préalablement trempé soit dans de l'eau bouillie un peu chaude boriquée, soit dans l'infusion chaude aussi de camomille romaine bien passée sur un fin tamis. On pourra aussi utiliser un mélange d'eau de roses et d'eau de plantain tiédi au bain-marie.

Hygiène de la bouche.

— Les dents, si on veut les conserver en bon état, devront être soignées. Souvent on passera sur elles et sur les gencives une brosse douce, trempée dans de l'eau bouillie dans laquelle on aura versé quelques gouttes d'eau dentifrice, de thymol ou de teinture de cochléaria si elles paraissent rouges et un peu tuméfiées. Pour s'opposer à un trop abondant dépôt de tartre, si fréquent sur les dents d'en bas, on pourra les frotter doucement avec un petit tampon d'ouate hydrophile mouillée sur lequel on placera une petite quantité de craie préparée ou tout autre dentifrice.

Parfois, le chien dégage une haleine dont l'odeur a été comparée à celle de la colle forte et on l'a vite attribuée à l'usage de la viande. Il n'en est rien, les dents, l'estomac, les intestins sont physiologiquement constitués pour la digestion de la chair. L'inconvénient que nous signalons tient à ce que, souvent, nos animaux digèrent mal pour diverses causes : il suffit, pour y obvier, de donner après le repas une cuillerée à café de charbon de Belloc dans un peu d'eau fraîche additionnée d'eau de fleur d'oranger.

Hygiène des oreilles.

— Les oreilles sont fréquemment, surtout lorsque les chiens vieillissent, le siège d'une inflammation du conduit auditif : c'est le catarrhe auriculaire. Le chien qui en est atteint secoue continuellement les oreilles, cherche à les gratter avec les pattes de derrière ; du resté, en flairant l'intérieur de l'oreille du sujet, on n'hésitera pas à reconnaître la maladie, qui dégage une odeur infecte et très caractéristique.

Le traitement consiste à nettoyer les oreilles, avec précaution, avec de l'eau de son tiède bouillie et boriquée et un peu de savon blanc ; on rincera, on séchera, puis on pourra déposer dans le fond de l'oreille une petite pincée d'acide borique finement pulvérisé. Parfois la maladie, qui est de nature eczémateuse, passe à l'état chronique, contre lequel on aura recours aux injections d'une solution de crésyl ou de lysol à 3 p. 100, employée tiède.

Promenade hygiénique.

— Il faut enfin regarder la promenade hygiénique quotidienne comme le meilleur adjuvant de l'hygiène générale dont nous venons, à grands traits, d'esquisser les lignes principales. Sortons donc nos chiens d'appartement ou de luxe, faisons-les marcher, procurons à leurs poumons de l'air aussi peu vicié que possible, surveillons-les de très près, en vue d'éviter les rencontres avec les chiens inconnus qui peuvent non seulement leur infliger des morsures, mais encore — chose si redoutable, — s'ils sont sous le coup de la rage, la leur communiquer.

Morel,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 20