Dans Le Chasseur Français de septembre 1949, nous
avons donné la réduction partielle des plans d'un yacht de croisière de 8m,50.
Cette série, dite « Atalante », a obtenu un succès remarquable,
puisqu'une cinquantaine d'unités ont aussitôt été mises en chantier, la plupart
chez des amateurs.
Considérant qu'un yacht de 10 mètres de long est le maximum
limitant les possibilités de construction d'un non-professionnel, on a édité
les plans d'un yacht plus important, pour quatre personnes recherchant leur
aise et leur confort, ou pour six personnes, type familial. Ce super-Atalante,
dit « Alphée », présente les caractéristiques suivantes :
— longueur totale : 10 mètres ;
— longueur à la flottaison : 8m,10 ;
— largeur maximum : 3m,10 ;
— tirant d'eau : 1m,05 ;
— déplacement : 4 tonnes ;
— lest extérieur : 1t,625 ;
— franc-bord avant : 1m,25 ;
— franc-bord minimum : 0m,95 ;
— surface de voilure : 36 mètres carrés ;
— puissance du moteur : 10 CV.
Le dessin de ce yacht est d'une belle venue : bonne
stabilité de formes, lignes tendues, arrière norvégien avec gouvernail
extérieur, coque immergée à bouchains vifs, mais coque en forme au-dessus de la
flottaison ; membrures en chêne, bordés acajou rivés cuivre, fonds à double
bordé. Un tirant d'eau réduit, un tonnage modéré, voilà qui promet un voilier
relativement rapide par rapport à sa surface vélique limitée à 36 mètres carrés.
Un lest extérieur en plomb de 1.625 kilogrammes donne toute garantie de
sécurité. Gréement bermudien avec foc bômé, ce qui amplifie la manœuvre, ne
laissant que deux écoutes sous la main du barreur, qui peut virer de bord par
simple action sur la barre sans toucher aux écoutes. En résumé, bateau de
conception simple, économique, pouvant être conduit par un seul équipier. Pas
d'équipage et entretien facile ; accès possible dans les petits ports, les
calanques et les eaux intérieures, grâce à la réduction du tirant d'eau. Le
moteur prévu aura une puissance de 10 CV, donnant une vitesse moyenne de
12 kilomètres-heure.
Deux types d'aménagement ont été étudiés ; l'un avec
six couchettes, l'autre avec quatre couchettes et un accroissement du confort.
Avec chaque version varie la répartition des coffres, penderies, tiroirs, w.-c.-toilette,
glacière, cuisine avec vaisselier, butagaz avec four, évier pourvu d'une
évacuation à la mer. Enfin, un cockpit étanche avec moteur en dessous. La
version standard à six couchettes, solution pour famille nombreuse, représente
un capital d'un million environ à investir. (Mais quel serait le prix d'une
villa pour six personnes au bord de la mer ?) On peut en envisager l'achat
ou la construction en commun, ce qui présente les inconvénients classiques de
l'association, mais le grand avantage de l'économie, c'est-à-dire, pour la
plupart d'entre nous, la possibilité de réaliser immédiatement ce qui n'était
et ne serait resté qu'un rêve. Avec un capital de 100.000 fr., même pas le prix
d'un caneton, vous avez la certitude de pouvoir cingler vers les rivages de la
Corse ou de mettre votre cap sur les Baléares aux vacances prochaines. Nous
avons connaissance d'une association faite en novembre dans les conditions
suivantes :
Douze amateurs ont décidé de construire un super-Atalante,
chacun versant une part de 100.000 francs, ce qui, d'après leur devis, doit
suffire pour équiper complètement le bateau, moteur compris. Chaque été, ils se
diviseront en deux équipes de six, l'équipe A terminant sa croisière le 15 août
l'équipe B commençant la sienne à cette date. L'année suivante, ce sera
l'inverse. Chaque membre d'une équipe peut céder son droit de croisière à une
personne étrangère à l'association, à la condition que cette personne soit
acceptée par tous les autres membres de l'équipe. Un des associés peut
également vendre sa part, mais le nouvel associé doit être agréé par les onze
autres. Les frais de croisière sont supportés par chaque équipe et les frais
d'entretien par tous les associés, etc. Nous ne donnons ici que les conventions
principales, à titre de documentation et de suggestion, mais tous les cas
litigieux ont été minutieusement étudiés et, en principe, solutionnés. Ce genre
d'association peut être envisagé naturellement pour six équipiers, l'apport de
chacun devant, dans ces conditions, être doublé.
Il est évident que l'association est toujours délicate, et
la condition primordiale est de bien choisir ses coéquipiers. Mais il y a, au
bout la réalisation, la certitude de pouvoir enfin hisser ses voiles et la
grande évasion qu'on n'osait plus espérer ; cela vaut bien de courir un
risque et de s'imposer une discipline pour essayer de devenir un être sociable ...
ce que l'homme n'est malheureusement pas. Cependant, une certaine expérience de
ces associations m'a amené à faire les constatations suivantes : les
chances de succès viennent du fait que le but recherché est le plaisir et non les
affaires, et que la vie en commun a bord donne l’esprit d'équipe et un
sentiment de camaraderie qui rend les concessions plus faciles. Mais ces
conditions ne sont valables que si l'association ne groupe que des hommes. Si
l'élément féminin intervient, prévoyez le pire ...
Je n'ose en dire davantage dans le cas où cette rubrique
aurait des lectrices, ce qui aggraverait singulièrement ma réputation de
mauvaise langue.
A. PIERRE.
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