Accueil  > Années 1950  > N°635 Janvier 1950  > Page 30 Tous droits réservés

Le camping hivernal

J'ai donné, dans ma dernière chronique, quelques conseils pour les nombreux pratiquants du camping qui, dès les premiers froids, cessent de sortir en attendant les beaux jours et j'ai fait allusion aux « durs », à ceux qui, au contraire, estiment que la meilleure saison pour camper est l'hiver ...

Il est bien certain que le camping hivernal présente de nombreux charmes et qu'il mérite d'être encouragé et développé. C'est vraiment le camping sportif, c'est peut-être celui qui fait goûter le mieux les beautés de la nature. Il est, en tout cas, pratiqué par l'élite des campeurs, je devrais même dire : il n'est pratiqué que par des « campeurs ». Beaucoup de gens qui font du camping en été ne peuvent soupçonner qu'il est possible de continuer à camper par le froid et la neige. Et pourtant, rien ne s'oppose à la pratique du camp d'hiver, si l'on prend quelques précautions supplémentaires et si l'on emploie un matériel approprié.

Avant toute chose, disons que, pour la période des frimas, le camp fixe doit, en général, être abandonné au bénéfice du camping itinérant de randonnée pédestre. Dans les associations de camping, il est facile de constater que canoéistes, automobilistes, motocyclistes, et même cyclistes, abandonnent, pendant l'hiver, leur embarcation ou leur véhicule pour pratiquer la marche à pied et la randonnée à travers monts et forêts.

Ceci posé, reste la question du matériel, qui doit être parfait. En un mot, l’on peut dire que le matériel d'hiver est le même que le matériel de haute et de moyenne montagne, ce qui est parfaitement naturel, puisque les conditions estivales du camping en haute montagne sont les mêmes que celles du camping hivernal de plaine.

Tente.

— La meilleure tente pour le camping hivernal est, sans conteste, la tente isothermique. Cette tente, qui a été mise au point par une commission technique du C. A. P. chargée de préparer le matériel pour l'expédition française à l’Himalaya, a fait ses preuves au mont Blanc et au cours de l'expédition précitée ; au Karakoroum, où elle subit pendant dix jours la violence de la mousson, par un froid de -25 degrés.

Depuis, elle a équipé, avec quelques variantes, la plupart des camps sur neige, et notamment Marc Augier lors de sa randonnée en Laponie, Paul-Émile Victor dans son expédition au Groenland.

La tente isothermique est constituée par deux canadiennes emboîtées l'une dans l'autre. La tente intérieure est suspendue à la tente extérieure qui, seule, comporte des mâts ainsi que deux absides, Une à l'avant, une à l'arrière. La tente intérieure possède un tapis de sol cousu, l'abside arrière de la tente extérieure un petit tapis de sol amovible pour poser les affaires qui risqueraient d'encombrer dans la tente intérieure. L'abside avant, sans toile de sol, sert généralement à faire la cuisine. La tente extérieure recouvrant jusqu'au sol la tente intérieure, un matelas d'air se trouve enfermé entre les deux toiles et constitue la meilleure protection contre le froid.

En ce qui me concerne, j'avais, il y a de plus de quinze ans, utilisé l'ancêtre des tentes isothermiques, qui était tout simplement constituée par deux Itisas (1m,50 et 1m,70) placées l'une au-dessus de l'autre. Le résultat était excellent.

Mais — car, hélas ! il y a un mais — la tente isothermique est un matériel de haute qualité, donc très cher et pas souvent à la portée des bourses moyennes.

Heureusement, les conditions atmosphériques hivernales en plaine, ou même en basse montagne, ne sont pas aussi rudes qu'en haute montagne, et les tentes courantes peuvent être employées dans l'immense majorité des cas, à condition d'avoir un double toit bien enveloppant.

Si le tissu est imperméabilisé — ce qui est maintenant courant, — une aération suffisante devra être prévue, si l'on ne veut pas se réveiller trempé par l'eau de condensation. Cet inconvénient n'existe pas dans des tentes en tissu hydrophile (de plus en plus rare à trouver).

Couchage.

— Le tapis de sol sera avantageusement recouvert par une fine couverture de laine. Par grand froid, étendre en dessous du matelas de simples journaux, qui donnent une protection très efficace. Le matelas s'impose, ainsi que le duvet. Le matelas sera recouvert d'une housse légère. Les duvets à cagoule sont très agréables. Un sac en laine fine pourra recouvrir le duvet. Les lits de camps sont à proscrire en hiver, à cause de l'air circulant en dessous.

Un bon conseil, en tout cas : se coucher en ayant chaud, car, enfermé dans le duvet, on arrive à bien conserver sa chaleur, mais il est difficile de se réchauffer.

Avant guerre, il existait une boule radiante spéciale qui, mise sur le réchaud, chauffait la tente en quelques minutes. En tous les cas, faire très attention en manipulant un réchaud sous une tente.

Éclairage.

— Il ne diffère pas de celui d'été. À signaler que la simple bougie, placée sous une tente de pédestre, suffit souvent à y élever la température de plusieurs degrés.

Cuisine.

— Cuisiner sous la tente en hiver est l'un des plaisirs bien agréables du randonneur. Mais attention au danger d'incendie, et prendre toutes précautions en manipulant les réchauds. Dans le cas d'un tapis de sol amovible, il est recommandé de relever le tapis, afin de poser le réchaud directement sur le sol.

Vêtements.

— Pour la nuit, le pyjama de laine ou le survêtement d'athlétisme sont indispensables. On peut également conserver ou mettre aux pieds des chaussettes de laine. Pour la journée, pas d'indications spéciales ; cela dépend de votre sensibilité au froid; Par temps très rigoureux, la veste de duvet est très recommandée. Un imperméable léger, mais très enveloppant, doit également figurer dans tout matériel de camp d'hiver.

Pour le camping sur neige, et notamment le camping à ski, le matériel que je viens de décrire convient également, mais il ne faut s'engager dans un tel mode de camping qu'après un entraînement sévère et avec un matériel de bonne qualité et soigneusement révisé avant le départ.

Toutefois, ce n'est pas une chose absolument réservée à des super-as, et, depuis quelques années, les rallyes d'hiver en montagne se multiplient. Nos amis suisses, en particulier, organisent maintenant, tous les ans, un rallye de neige qui comprend de plus en plus de participants : hommes, femmes et enfants ...

Concluons donc en affirmant la possibilité et les joies du camping hivernal, et en résumant en peu de mots ses conditions essentielles : très bon matériel, entraînement progressif et soutenu.

Jacques-J. BOUSQUET,

Président du Camping-Club de France.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 30