J'ai donné, dans ma dernière chronique, quelques conseils
pour les nombreux pratiquants du camping qui, dès les premiers froids, cessent
de sortir en attendant les beaux jours et j'ai fait allusion aux « durs »,
à ceux qui, au contraire, estiment que la meilleure saison pour camper est
l'hiver ...
Il est bien certain que le camping hivernal présente de
nombreux charmes et qu'il mérite d'être encouragé et développé. C'est vraiment
le camping sportif, c'est peut-être celui qui fait goûter le mieux les beautés
de la nature. Il est, en tout cas, pratiqué par l'élite des campeurs, je
devrais même dire : il n'est pratiqué que par des « campeurs ».
Beaucoup de gens qui font du camping en été ne peuvent soupçonner qu'il est
possible de continuer à camper par le froid et la neige. Et pourtant, rien ne
s'oppose à la pratique du camp d'hiver, si l'on prend quelques précautions
supplémentaires et si l'on emploie un matériel approprié.
Avant toute chose, disons que, pour la période des frimas,
le camp fixe doit, en général, être abandonné au bénéfice du camping itinérant
de randonnée pédestre. Dans les associations de camping, il est facile de
constater que canoéistes, automobilistes, motocyclistes, et même cyclistes,
abandonnent, pendant l'hiver, leur embarcation ou leur véhicule pour pratiquer
la marche à pied et la randonnée à travers monts et forêts.
Ceci posé, reste la question du matériel, qui doit être
parfait. En un mot, l’on peut dire que le matériel d'hiver est le même que le
matériel de haute et de moyenne montagne, ce qui est parfaitement naturel,
puisque les conditions estivales du camping en haute montagne sont les mêmes
que celles du camping hivernal de plaine.
Tente.
— La meilleure tente pour le camping hivernal est, sans
conteste, la tente isothermique. Cette tente, qui a été mise au point par une
commission technique du C. A. P. chargée de préparer le matériel pour
l'expédition française à l’Himalaya, a fait ses preuves au mont Blanc et au
cours de l'expédition précitée ; au Karakoroum, où elle subit pendant dix
jours la violence de la mousson, par un froid de -25 degrés.
Depuis, elle a équipé, avec quelques variantes, la plupart
des camps sur neige, et notamment Marc Augier lors de sa randonnée en Laponie, Paul-Émile
Victor dans son expédition au Groenland.
La tente isothermique est constituée par deux canadiennes
emboîtées l'une dans l'autre. La tente intérieure est suspendue à la tente
extérieure qui, seule, comporte des mâts ainsi que deux absides, Une à l'avant,
une à l'arrière. La tente intérieure possède un tapis de sol cousu, l'abside
arrière de la tente extérieure un petit tapis de sol amovible pour poser les
affaires qui risqueraient d'encombrer dans la tente intérieure. L'abside avant,
sans toile de sol, sert généralement à faire la cuisine. La tente extérieure
recouvrant jusqu'au sol la tente intérieure, un matelas d'air se trouve enfermé
entre les deux toiles et constitue la meilleure protection contre le froid.
En ce qui me concerne, j'avais, il y a de plus de quinze
ans, utilisé l'ancêtre des tentes isothermiques, qui était tout simplement
constituée par deux Itisas (1m,50 et 1m,70) placées l'une au-dessus de l'autre.
Le résultat était excellent.
Mais — car, hélas ! il y a un mais — la tente isothermique
est un matériel de haute qualité, donc très cher et pas souvent à la portée des
bourses moyennes.
Heureusement, les conditions atmosphériques hivernales en
plaine, ou même en basse montagne, ne sont pas aussi rudes qu'en haute
montagne, et les tentes courantes peuvent être employées dans l'immense
majorité des cas, à condition d'avoir un double toit bien enveloppant.
Si le tissu est imperméabilisé — ce qui est maintenant
courant, — une aération suffisante devra être prévue, si l'on ne veut pas se
réveiller trempé par l'eau de condensation. Cet inconvénient n'existe pas dans
des tentes en tissu hydrophile (de plus en plus rare à trouver).
Couchage.
— Le tapis de sol sera avantageusement recouvert par
une fine couverture de laine. Par grand froid, étendre en dessous du matelas de
simples journaux, qui donnent une protection très efficace. Le matelas
s'impose, ainsi que le duvet. Le matelas sera recouvert d'une housse légère.
Les duvets à cagoule sont très agréables. Un sac en laine fine pourra recouvrir
le duvet. Les lits de camps sont à proscrire en hiver, à cause de l'air
circulant en dessous.
Un bon conseil, en tout cas : se coucher en ayant
chaud, car, enfermé dans le duvet, on arrive à bien conserver sa chaleur, mais
il est difficile de se réchauffer.
Avant guerre, il existait une boule radiante spéciale qui,
mise sur le réchaud, chauffait la tente en quelques minutes. En tous les cas,
faire très attention en manipulant un réchaud sous une tente.
Éclairage.
— Il ne diffère pas de celui d'été. À signaler que la
simple bougie, placée sous une tente de pédestre, suffit souvent à y élever la
température de plusieurs degrés.
Cuisine.
— Cuisiner sous la tente en hiver est l'un des plaisirs
bien agréables du randonneur. Mais attention au danger d'incendie, et prendre
toutes précautions en manipulant les réchauds. Dans le cas d'un tapis de sol
amovible, il est recommandé de relever le tapis, afin de poser le réchaud
directement sur le sol.
Vêtements.
— Pour la nuit, le pyjama de laine ou le survêtement
d'athlétisme sont indispensables. On peut également conserver ou mettre aux
pieds des chaussettes de laine. Pour la journée, pas d'indications spéciales ;
cela dépend de votre sensibilité au froid; Par temps très rigoureux, la veste
de duvet est très recommandée. Un imperméable léger, mais très enveloppant,
doit également figurer dans tout matériel de camp d'hiver.
Pour le camping sur neige, et notamment le camping à ski, le
matériel que je viens de décrire convient également, mais il ne faut s'engager
dans un tel mode de camping qu'après un entraînement sévère et avec un matériel
de bonne qualité et soigneusement révisé avant le départ.
Toutefois, ce n'est pas une chose absolument réservée à des super-as,
et, depuis quelques années, les rallyes d'hiver en montagne se multiplient. Nos
amis suisses, en particulier, organisent maintenant, tous les ans, un rallye de
neige qui comprend de plus en plus de participants : hommes, femmes et
enfants ...
Concluons donc en affirmant la possibilité et les joies du
camping hivernal, et en résumant en peu de mots ses conditions essentielles :
très bon matériel, entraînement progressif et soutenu.
Jacques-J. BOUSQUET,
Président du Camping-Club de France.
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