Un soir de juillet dernier, vingt-cinq éclaireuses de treize
à dix-sept ans, encadrées par deux cheftaines et une « ancienne »
venue diriger l'économat du camp, s'embarquèrent dans le train, à vieux wagons
de bois, qui emmenait des centaines d'enfants vers la Savoie.
Le lieu du camp, choisi et visité très à l'avance, se
situait à trois kilomètres du lac du Bourget, au pied du mont Revard. Les
tentes furent plantées dans un champ. La propriétaire prêta deux pièces de sa
maison : l'une pour l'infirmerie, l'autre pour l'économat. La cuisine
s'installa dans le jardin, et les toiles de jute des cabinets de toilette
furent montées le long d'un petit torrent, derrière le champ.
Dès la première journée, le groupe comprenant quelques aînées
déjà entraînées, le camp était entièrement monté. Le seul travail un peu
pénible fut le montage du mât à drapeau, haut de 5 mètres. Certes, le domaine
n'avait pas la grande allure de certains camps de garçons, qui, maniant avec
facilité la hache, dressent des portes et des enceintes, mais il témoignait du
même souci de confort et d'harmonie. Utilisant couteaux, ficelle, bambou,
osier, les éclaireuses avaient fabriqué un tableau d'affichage, où les divers
avis s'inscrivaient dans des cadres enjolivés à la peinture ; dans les
tentes, elles avaient aménagé des porte manteaux et des porte-chaussures, même
d'élégants supports pour les livres ; aux repas, elles présentaient le
pain sur une jolie claie tressée.
Centré sur la connaissance de la Savoie, le programme se
partageait entre les promenades, les bains, les activités d'habileté manuelle
et de sens artistique. Il faisait place aussi au développement des qualités
féminines : propreté, élégance de la tenue, ordre, et ... bonne
accommodation de la cuisine. Grâce à l'obligeance de l'hôtesse, qui mit son
four électrique à la disposition des éclaireuses, il y eut même une grande
journée de pâtisserie !
Une des préoccupations éducatives constante des cheftaines
fut de combattre l'excès d'individualisme, souvent encouragé à la maison par une
vie aisée, de leurs éclaireuses. Aussi donnèrent-elles une grande importance à
la vie d'équipe : une pour toutes, toutes pour une. Rendue pénible par la
chaleur et l'impossibilité de trouver de l'eau, une excursion en montagne
apprit à chaque fille à taire sa soif ou sa fatigue pour le bon moral du
groupe. Les aînées soulagèrent les petites de leurs sacs. Par contre celles-ci,
à l'étape, voulurent aider à chercher l'eau et à installer l'abri pour la nuit,
avant de se reposer. Malgré des ampoules, des maux de jambes, elles ne
voulurent pas terminer cette journée en laissant apparaître leur lassitude.
N'avaient-elles pas connu la joie de la gorgée d'eau offerte par une vieille
gardeuse de chèvres, sur les deux bidons montés tous les deux jours seulement
par un berger, l'émerveillement de contempler un lac à 1.500 mètres d'attitude
et de le voir s'estomper peu à peu dans la brume bleue, au milieu des petites
lumières s'allumant une à une ? Aussi ce furent des chants gais, avant quelques
pages du Petit Prince de Saint-Exupéry, qui terminèrent cette journée
d'effort, le meilleur souvenir de ce camp savoyard.
F. JOUBREL.
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