Accueil  > Années 1950  > N°635 Janvier 1950  > Page 32 Tous droits réservés

Mon jardin en janvier

La couche familiale.

— Il n'est pas possible de pratiquer les cultures forcées, ni même hâtées, permettant d'obtenir les primeurs ou les demi-primeurs, si on ne dispose pas d'une couche à plusieurs châssis. C'est un gros ennui, surtout dans les campagnes mal ravitaillées, où l'on ne trouve ni plants, ni légumes nouveaux à acheter, en dehors des périodes de pleine production.

La dépense faite, une fois pour toutes, des coffres et des châssis vitrés, il suffira d'acheter tous les ans le fumier de cheval nécessaire au montage de la couche, en mélangeant trois quarts de fumier chaud à un quart de feuilles mortes. Ces matières associées modéreront la température au début (coup de feu) et elles prolongeront avantageusement la durée du chauffage. Ce qui soutiendra la végétation, des cultures à longue échéance, telles que carottes, etc., sans être obligé de recourir à l'emploi des réchauds.

Semis saisonniers.

— Dans tous les jardins familiaux, on devrait pouvoir monter, au début de janvier, une couche de fumier chaud, épaisse de 35 centimètres environ, chargée jusqu'à 5 centimètres du verre, avec une épaisseur de 15 centimètres de terreau passé à la claie.

Pour assurer un approvisionnement convenable en légumes nouveaux et en plants de repiquage, on devrait disposer :

    1° D'un châssis pour y semer, en rayons espacés de 12 centimètres, des carottes rouges parisiennes à forcer et, dans les intervalles, des radis roses à bout blanc, mais très clair. Au bout d'un mois, les radis étant récoltés, les carottes disposeront de toute la place.

    2° Dans le deuxième châssis, on élèvera le plant nécessaire aux premiers repiquages de pleine terre, notamment les poireaux courts de Rouen, les choux express, les milans hâtifs, les choux-fleurs Lenormand, les céleris à côtes et raves, les laitues gotte ou crêpe, etc. : deux ou trois rayons de chaque sorte.

    3° Le troisième châssis sera réservé au repiquage des plants de salades élevés à l'arrière-saison (laitue passion, gotte, crêpe, etc. — cette dernière n'ayant pas besoin d'air pour pommer). Ces salades étant repiquées par rangs de six, en quinconce, on laissera une petite place, en bordure, pour y semer un rang ou deux de navets demi-longs à forcer.

Dans le cas où on disposerait de plusieurs couches, on pourrait consacrer un châssis au forçage des pommes de terre germées (Victor ou Marjolin) ; le deuxième châssis recevrait des fraisiers Marguerite Lebreton, et, dans le troisième, on forcerait des griffes d'asperge, à moins qu'on ne préfère l’utiliser au blanchiment des endives, de la barbe-de-capucin, des pissenlits ou d'autres salades, en tamisant la lumière avec des paillassons. Cela ne doit pas empêcher le placement de quelques pieds de persil, de cerfeuil, de ciboulette, etc., repiqués avec la motte, afin de pouvoir récolter même par les plus grands froids les plantes condimentaires les plus employées par les ménagères.

Les terreaux et les fumiers.

— Mettre à profit les loisirs de la mauvaise saison pour augmenter les stocks de fumier et de compost, dispensateurs du précieux humus dont l'épuisement ou la disparition entraîne la stérilité des potagers, des vergers et des champs.

C’est pourquoi, dans les potagers soumis à une culture intensive de légumes, il est absolument nécessaire, si on veut obtenir des récoltes satisfaisantes, de faire des apports d'engrais organiques riches en humus, les engrais chimiques ne devant être considérés que comme fumure complémentaire.

Le rôle physico-chimique joué par l'humus étant le grand régulateur de la nutrition végétale, pour la production intensive des légumes et des fruits, il faut donc s'en préoccuper en confectionnant, à défaut de fumier d'étable, des composts, des terreaux et des fumiers artificiels, de manière à ne jamais laisser tomber la teneur de la terre de jardin en humus au-dessous de 5 p. 100, bien que l'on se contente d'une moyenne de 2 p. 100 dans les terres à blé.

Au profit du potager, on mettra en tas tous les détritus provenant du jardin, de la cave, de la maison, du grenier, du clapier, du poulailler, les mauvaises herbes, les terres de route, les curures de fossés, les feuilles mortes, etc. Si on a soin de saupoudrer de temps à autre les composts en formation avec de la chaux éteinte en poudre et d'arroser les tas en période de sécheresse, la masse fermentera et se transformera en beurre noir, surtout si on a soin d'effectuer un recoupage au bout de quelques mois. Six mois après, le compost est bon à être employé, à la même dose que le fumier mixte de ferme, soit 350 à 400 kilogrammes à l'are.

Fumier artificiel et engrais verts.

— Toujours dans le but d’enrichir les jardins en humus, lequel contient, sous une forme progressivement assimilable, les quatre minéraux essentiels (azote, acide phosphorique, potasse et chaux), on fera fermenter en tas tous les ligneux dont on dispose et que l’on a sous la main (herbes folles, foins et pailles avariés, varechs et autres végétaux marins).

Ces substances organiques sont stratifiées par couches de 25 centimètres, séparées par un saupoudrage de cyanamide (nitrate de chaux) à la dose de 10 à 13 kilogrammes par mètre cube, bien tassé. Il suffit de maintenir une bonne fraîcheur dans le tas pour que la décomposition en beurre noir s'effectue au bout de six à huit mois.

On peut remplacer la cyanamide par le sulfate d'ammoniaque à la même dose, mais il faut saupoudrer en même temps 7 à 8 kilogrammes de chaux éteinte en poudre.

À défaut de fumier, qu'il soit naturel ou artificiel, on devra recourir aux engrais verts, pour empêcher la stérilité de la terre arable. Dans ce but, après l'enlèvement des récoltes précoces, on sèmera une plante de croissance rapide, telle que la moutarde, que l'on enfouira par un labour d'arrière-saison, lorsque la plante sera en pleine fleur.

Les récoltes effectuées plus tard seront remplacées par des semis de légumineuses améliorantes, telles que la minette. Cette minette se développera surtout au printemps. On l'enfouira également en pleine fleur. La matière organique qui se décomposera en terre n'aura rien coûté à produire puisque, après son enfouissement, on peut planter des pommes de terre ou d'autres légumes.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 32