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Élevage

Les crevasses des chevaux

Dans la grande majorité des cas, les crevasses que l'on peut constater sur tous les animaux, mais principalement chez les chevaux, qu'elles rendent fréquemment indisponibles, sont des accidents de la mauvaise saison. Le froid, la neige, la pluie et surtout la boue du dégel sont autant de causes déterminantes de leur formation, alors que la mauvaise hygiène alimentaire, la malpropreté des écuries, l'ignorance ou la négligence des soins à donner aux membres des animaux peuvent aussi en être responsables à toute époque de l'année. Certains chevaux se montrent spécialement disposés à contracter des crevasses : ce sont les sujets communs, mous et lymphatiques, dont le système nerveux, ce grand ressort de la vitalité, semble détendu ; ceux qui travaillent durement en étant sous-alimentés, enfin ceux dont les extrémités des membres sont chargées de crins grossiers et abondants, parmi lesquels s'accumulent et s'agglutinent poussières, graviers et boues, qui sont autant de causes d'irritation de la peau.

Au point de vue de leur aspect, les crevasses sont des fissures, des solutions de continuité de la peau, étroites et allongées transversalement, siégeant le plus souvent dans le pli des paturons, parfois au niveau du boulet dans sa partie postérieure, ou dans le pli du genou (malandres) ou du jarret (solandres). En général, elles sont plus fréquentes aux membres postérieurs qu'aux antérieurs, du fait des causes d'irritations supplémentaires provoquées par l'urine et les crottins qui souillent les litières mal entretenues.

Quelle que soit la cause à incriminer, sous son influence, la peau du paturon se refroidit ou se ramollit, perd sa souplesse et sa vitalité, s'enflamme, se gonfle, prend une teinte rougeâtre, se couvre de petites vésicules qui ne tardent pas à laisser écouler un suintement de mauvaise odeur. Par la suite, plus ou moins rapidement la peau se fendille, se « crevasse » en profondeur, provoquant une douleur vive et lancinante et une boiterie d'intensité variable, toujours accusée au sortir de l'écurie, mais qui disparaît au cours du travail.

Quand la crevasse est formée, à cause de la mobilité de la peau dans la région où elle siège, elle ne tend pas naturellement vers la cicatrisation. Au contraire, il se produit le plus souvent de l'infection avec lymphangite consécutive ; le suintement du début est remplacé par de la suppuration abondante et fétide, les bords de la plaie durcissent : le sillon qui les sépare se creuse et il peut en résulter des complications de « fistules » ou de « javarts » toujours graves, parce que très longues à guérir.

L'inflammation cutanée qui annonce et précède l'apparition des crevasses doit être combattue par des cataplasmes émollients de graine ou de farine de lin ou de miel et de son, mélangés sous la forme d'une pâte onctueuse, et que l'on applique en cravate autour du pli du paturon sans trop serrer. Si les plaies sont déjà apparentes, il y aura avantage à arroser ces cataplasmes avec une solution antiseptique, chaude de préférence (crésyl, lysol, eau oxygénée, etc.). Si le cheval n'est pas arrêté dans son travail, les cataplasmes sont mis seulement à la rentrée à l'écurie, mais entre temps il est de bonne précaution de protéger la région du paturon par un léger pansement sec fait d'un manchon d'ouate tenu en place par un tour de bande ou, mieux, par une flanelle remontant sur le boulet. Il faut, en principe, éviter, ainsi que cela se fait couramment, l'usage de corps gras plus ou moins aseptiques (graisse, vaseline, suif), sauf pourtant la glycérine, pure ou en mélange à parties égales avec de l'amidon (glycérolé d'amidon), qui a l'avantage de ne pas rancir, comme l'axonge ou le populéum, et qui ne renferme pas d'huile de pétrole irritante, comme certaines vaselines.

Si les crevasses sont profondes et douloureuses, occasionnant une forte boiterie au sortir de l'écurie, il faut laisser le cheval au repos et le soigner très attentivement. Après une toilette complète de la région malade, par un lavage à l'eau savonneuse tiède, les poils sont coupés aux ciseaux (non pas à la tondeuse) le plus ras possible, avant d'utiliser des lotions ou bains antiseptiques et enfin, précaution importante, on enveloppe toute la région du membre malade, depuis les talons jusqu'au boulet dans un pansement ouaté qui aidera beaucoup à la guérison, en supprimant toute cause de souillure et d'infection de la plaie.

L'abondance et la variété des médicaments préconisés et plus ou moins recommandés contre les crevasses sont une preuve qu'aucun d'eux ne donne des résultats certains, et que la manière de les utiliser influe grandement pour l'obtention d'une guérison rapide. L'énumération ci-dessous permettra à chacun de faire un choix selon ses ressources et commodités :

    1° La glycérine iodée, qui est un mélange à parties égales de glycérine et de teinture d'iode. Bien agiter le mélange avant usage et l'appliquer sur la crevasse à l'aide d'un tampon d'ouate légèrement imbibé.

    Pommades de différentes compositions :

      — a, oxyde de zinc, 1 partie ; acide borique, 2 parties ; glycérine, 4 parties ;

      — b, mélange d'oxyde de zinc, de talc et de lanoline à parties égales ;

      — c, oxyde de zinc, talc, sous-nitrate de bismuth et huile à parties égales.

    3° Si les crevasses sont douloureuses, on peut employer indifféremment un des deux liniments suivants :

      — glycérine, laudanum et sous-acétate de plomb à parties égales ;

      — ou huile d'olive, 5 parties ; extrait de Saturne, 4 parties ; laudanum, 1 partie.

Quand les crevasses sont anciennes et présentent des bords indurés, calleux, il est indiqué de les traiter par des applications légères, mais répétées, avec de la pommade mercurielle ou du nitrate d'argent.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 41