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Le problème de l'automobile

Finis les massacres

Les dernières barrières qui maintenaient encore en tutelle l'automobile s'effondrent les unes après les autres.

Pour l’essence, on avait cru, lorsque les pouvoirs publics établirent le double secteur, que les pompistes débiteraient des quantités énormes d'essence à 63 francs le litre. Or on peut établir le bilan. On avait escompté une rentrée supplémentaire de 10 milliards en instituant le double secteur ; voici des résultats :

En juin, on a vendu, au total, moins d'essence que le montant des tickets émis — 143.000 mètres cubes contre 240.000 de tickets, — cependant que la quantité d'essence réglée à 63 francs le litre atteignait 5 p. 100 du total débité. Le résultat est assez décevant pour le Trésor si l'on considère le nombre de véhicules en circulation, qui avoisine celui de 1938-1939. Il faut donc en conclure que les usagers roulent beaucoup moins. Les randonnées sont réduites au minimum. Ajoutons à cela le nombre considérable de voitures étrangères qui circulent sur nos routes, voitures dont la consommation unitaire est assez élevée — la plupart sont en effet des véhicules de grosses cylindrées — et qui viennent réduire d'autant la quote-part réservée aux voitures de nos nationaux.

En juillet, légère amélioration fiscale, puisqu'on a débité aux pompes quelque 250.000 mètres cubes d'essence, la proportion de l'essence à 63 francs atteignant alors 10 p. 100 au total.

Avec août, période de vacances intensives, nous avons vu le pourcentage de l'essence consommée sur la base de 63 francs le litre passer à 20 p. 100 environ de l'ensemble. Mais, avec septembre, ce chiffre est revenu péniblement à 15 p. 100, pour reprendre, en octobre, sa valeur de juillet, et ce malgré les restrictions manifestes apportées dans la distribution des tickets. On peut donc admettre la faillite de ce système de distribution.

L'essence est véritablement trop chère. De tous les pays du plan Marshall, la France est la seule nation dont la consommation en carburant auto soit considérablement inférieure à ce qu'elle était avant guerre. C'est un record vraiment peu enviable. Il nous faut donc admettre que le double secteur a été le dernier pas — disons le dernier faux pas — avant la liberté totale dans ce domaine.

Avec le retour au prix unique de l'essence, sans contrôle ni contingentement, il faudra savoir choisir un prix raisonnable ; l'avenir de l'automobile en dépend. En Algérie, où la liberté est totale, l'essence se débite à 30 francs le litre et, au Maroc, à 19 fr. 50. Pourquoi vérité là-bas et erreur ici ?

Certes, nous ne pouvons soutenir que le carburant à un prix normal accroîtra la circulation automobile dans des proportions considérables. Loin de là, car il est des facteurs qui, eux, restent immuables. L'entretien et l'amortissement d'une automobile sont des plus onéreux. Les primes d'assurance atteignent des taux prohibitifs ; dans les grandes villes, le garage dépasse, côté loyer, celui payé pour l'habitation personnelle. Demain, ce sera sous cet angle qu'il faudra aborder le problème si l'on veut assister à la généralisation de l'automobile, généralisation si bien commencée, en France, avant la guerre.

Mais voici qu'une autre barrière s'est effondrée : les pneumatiques. Le ministre nous avait promis la mise en vente libre des pneumatiques. C'est chose faite. Le 30 juillet dernier, un arrêté a paru au Journal officiel. L'administration, dans ce décret, précise que les catégories de pneumatiques mis en vente libre comprennent pratiquement toutes les dimensions de pneumatiques équipant les voitures dites de tourisme, notamment les dimensions pour jantes de 40 x 400, 45 et 50. Comme les bons remis au détaillant avant la parution du décret doivent être servis en priorité, et comme ceux-ci représentent une masse assez considérable, il faut bien prévoir que, dans les dimensions courantes, on aura quelques difficultés à se faire équiper tout de suite à neuf. Mais tout rentrera bientôt dans l'ordre, et cette fâcheuse réglementation ne sera plus qu'un mauvais cauchemar vite oublié.

Côté prix et livraison de véhicules neufs, le dernier Salon est venu mettre au point, à son tour, cette irritante question. Certaines anomalies de la cote des véhicules d'occasion doivent donc disparaître à brève échéance. En effet, alors que la 11 CV Citroën, pour ne parler, que d'elle, est facturée neuve 391.000 en type léger, si vous voulez en acheter une d'occasion, il vous faudra débourser presque 450.000 francs. Il est vrai que, dans le premier cas, il faudra attendre cinq ou six mois afin d'être livré, alors que vous pourrez, dans le second cas, prendre la route immédiatement, Si l'on considère, d'autre part, qu'une automobile, avant guerre, perdait 25 à 30 p. 100 de sa valeur marchande dès qu'elle avait franchi la porte de l'usine, on peut en conclure que, de ce côté-là, il y a une certaine « mise en place » à effectuer. Mêmes observations pour les 202 et 203 Peugeot, voire la 4 CV Renault ; pourtant, sur cette dernière, côté occasion, un léger flottement se fait jour, grâce à la cadence accélérée des livraisons et aux premiers signes de saturation du marché de l'exportation.

La voiture d'occasion, de construction récente, doit voir ses cours baisser dans des proportions assez considérables. Si les difficultés d'approvisionnement en acier, tôles surtout, et métaux non ferreux disparaissaient et si les restrictions de courant ne venaient pas entraver le débit des chaînes de montage, nous devrions assister à une baisse sensible des prix de catalogue, baisse qui entraînerait bientôt un effondrement des cours des voitures d'occasion.

Petit à petit tout rentre dans l'ordre. Nous sommes, ici, heureux de saluer cette nouvelle aurore.

G. AVANDO,

Ingénieur E. T. P.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 46