Les globules rouges du sang, les hématies, ont pour fonction
d'apporter au sein des tissus et des organes l'oxygène dont ils ont besoin ;
cette fonction, ils l'exercent grâce à un pigment ferrugineux, l'hémoglobine
qu'il contient. Dans les alvéoles pulmonaires, où les capillaires sanguins ne
sont séparés de l'air que par une très mince membrane, l'hémoglobine se charge
d'oxygène, passe au stade d'oxy-hémoglobine, pour revenir à son état primitif
après avoir cédé aux tissus l'oxygène vivifiant. Très vite usées par ce
travail, les hématies sont bientôt détruites dans la rate, mais non moins
rapidement remplacées, chez le sujet en bonne santé, par des hématies nouvelles
formées dans la moelle des os.
L'anémie est constituée soit par une forte diminution du
nombre de ces hématies, dont le taux normal est de 4.500.000 à 5 millions par
millimètre cube de sang, soit par une diminution de leur valeur globulaire,
c'est-à-dire une perte plus ou moins considérable de leur contenu en hémoglobine.
On distingue un grand nombre d'anémies, selon leur origine ;
en clinique, elles peuvent se ramener à trois formes.
Le nombre des hématies peut être abaissé souvent d'une façon
considérable ; c'est ce qui se produit dans certaines maladies, dans certaines
infections ou à la suite de fortes pertes de sang ; dans les cas graves,
la transfusion d'urgence peut s'imposer.
Le nombre des hématies peut rester sensiblement normal, mais
leur valeur globulaire se trouver fortement affaiblie ; tel est le cas de
la chlorose, maladie bien connue, frappant surtout les jeunes filles,
caractérisée par une pâleur intense des téguments, par la décoloration des
lèvres, des conjonctives.
Enfin, et c'est la forme la plus grave, à laquelle on donne
le nom d'anémie pernicieuse, le nombre des globules se trouve diminué, alors
que leur valeur globulaire est augmentée. Sa fréquence, actuellement accrue,
est attribuée à l'alimentation déficiente à laquelle ont été soumis de trop
nombreux sujets, ainsi qu'aux troubles digestifs, à l'insuffisance de la
sécrétion gastrique qu'on trouve toujours. Deux causes sont invoquées, qui
peut-être s'ajoutent ; d'une part, une moindre formation d'hématies dans
la moelle osseuse ; d'autre part, une plus forte destruction.
Le fer a été, pendant longtemps, l'unique médicament des
états anémiques ; il garde encore toute sa valeur, surtout accompagné de
traces de cuivre, mais son activité est considérablement renforcée par les
produits opothérapiques actuellement en usage.
Deux méthodes, qui, d'ailleurs, sont loin de s'exclure, sont
actuellement employées. La rate, qu'on avait préconisée à cause de sa teneur en
fer, la moelle osseuse, organe générateur des hématies, se sont montrées
inefficaces ; le physiologiste américain Whipple a utilisé empiriquement
divers aliments chez des chiens artificiellement rendus anémiques ; la
chair musculaire, mais, à un plus fort degré, les rognons et surtout le foie
des mammifères lui ont donné les résultats les plus saisissants.
Pour obtenir ces résultats chez l'homme, il faut consommer,
au début au moins, quotidiennement, 200 à 250 grammes de foie de veau ou
d'agneau, cru autant que possible ; les foies d'oiseaux, le foie gras sont
dépourvus d'efficacité. Le foie, réduit à l'état de pulpe à l'aide d'un couteau
mousse, peut être incorporé à du bouillon tiède, à une purée quelconque, à des
confitures ; on a donné une foule de recettes où la pulpe de foie se
trouve mélangée à des salades de fruits ou de légumes, à des crèmes, à des
puddings, voire à des cocktails, avec addition de jus de tomate, de citron, de
sauce anglaise. Un des procédés les plus simples consiste à passer rapidement à
la poêle le foie coupé en tranches un peu épaisses pour en griller la surface,
alors que l'intérieur reste à peu près cru ; on peut en relever la saveur
avec du jus de citron, des échalotes, une sauce tomate, une lame de lard
grillé, etc. Malgré tout, l'ingestion d'une demi-livre de foie amène très
souvent la satiété, quand ce n'est pas le dégoût. Pour y obvier, l'industrie
pharmaceutique nous présente des extraits de foie agréablement aromatisés, sous
forme buvable, ou encore sous forme injectable.
Partant de la constatation que la sécrétion gastrique était
toujours insuffisante chez les anémiques, M. Castle, un autre savant américain,
s'est adressé à l'opothérapie gastrique, et il a pu déceler dans la muqueuse
stomacale, surtout dans la portion qui avoisine le pylore, l'existence d'un « facteur
anti-anémique » encore indéterminé, mais d'une grande activité.
L'ingestion de cette substance étant fort peu appétissante, on est obligé de
recourir à la poudre obtenue par dessiccation ou à des extraits buvables,
facilement acceptés.
Grâce à l'emploi de ces méthodes qui, je le répète, peuvent
fort bien se conjuguer et s'associer à l'administration d'une préparation
ferrugineuse, l'anémie pernicieuse a cessé d'être incurable.
Dr A. GOTTSCHALK.
|