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Les calendriers à travers les ages

Les découvertes des historiens, comme celles des archéologues, rapportent que, dès les temps les plus lointains, les hommes primitifs eurent le souci de marquer les époques au moyen de mesures concrètes.

Ils utilisèrent, pour cela, les phénomènes astronomiques les plus marquants, tombant sous leurs sens encore rudimentaires, faute d'une libération totale de leurs entraves d'animalité.

Il faut toujours avoir bien présent à l'esprit que ces hommes n'étaient point encore réunis en nations policées et bien organisées. Ils n'étaient plus cependant, comme aux âges préhistoriques, uniquement groupés en troupeaux humains. Pour eux, le monde était limité aux lieux où avaient évolué les peuplements issus des migrations primitives. Il en résulta des modes assez différents de calculs, provenant de différences de mentalité, autant dans les méthodes de déductions que dans celles des faits observés. Cette mentalité, de plus en plus concrétisée par l'évolution des civilisations, se perpétuera jusque et durant les périodes historique et modernes.

C'est de la sorte que la plus ancienne civilisation bien connue, celle des Égyptiens, aura son calendrier basé sur la coïncidence du début de la crue du Nil avec les levers simultanés du soleil et de la très brillante étoile Sirius. Les Romains fonderont leur « comput », c'est-à-dire leur mesure du temps, sur la révolution de la terre autour du soleil. Les peuples sémites du Proche-Orient asiatique calculeront, à la fois, selon des observations luni-solaires. Les Arabes, eux, s'en tiendront exclusivement aux phénomènes lunaires. De nos jours enfin, la Société des Nations, puis son successeur l'O. N. U., a envisagé pour 1950 une réforme du calendrier par la stabilisation de la fête de Pâques et l'identification de tous les trimestres.

Égyptiens.

— Les Archasiatiques, ou habitants de la plus ancienne Asie occidentale connue, ont été les plus vieux précurseurs de l'établissement d'un calendrier. Malheureusement le sol humide de la Mésopotamie n'a pas conservé, comme celui sec de l'Égypte, les documents enfouis par les villes englouties au cours des âges. Beaucoup de points de la connaissance de leurs civilisations restent hypothétiques.

Pour les Égyptiens de ces hautes époques, dès le cinquantième siècle avant Jésus-Christ, on avait la connaissance parfaite d'un mode de mesure du temps en fonction des phases de la lune. On avait même une notion approfondie de ses inconvénients et les prêtres-astronomes se souciaient de trouver un meilleur calendrier. Les peuples archasiatiques, au contraire, se contentaient de l'améliorer en le conservant.

Ces astronomes précurseurs observèrent que les crues du Nil, épandant dans la vallée un limon puissamment fertilisateur, se succédaient avec la plus grande régularité. Ils choisirent donc cet événement pour situer leur premier jour de l'année et l'appelèrent en langage de l'époque le « premier Thot ».

À cette date, la plus brillante étoile de leur ciel, Sirius, qu'ils nommaient Sothis-Isis, se levait, le matin, à l'est en même temps que le soleil. Ils calculèrent qu'entre deux de ces coïncidences il s'écoulait 365 jours 1/4. Ce fut la base du premier calendrier, qui devait être l'ancêtre direct du nôtre. Toutefois, chaque année, ce « quart de jour » provoquait un décalage et introduisait des perturbations entre le temps théorique et légal, en quelque sorte, des prêtres-astronomes et les saisons, d'un intérêt immédiat pour les usagers. En fait, la coïncidence ne revenait que tous les 1.460 ans et, dans l'intervalle, le premier Thot officiel parcourait tout le cycle de l'année.

Les astronomes modernes, partant de la seule coïncidence des levers de Sirius et du soleil notés depuis l'ère chrétienne, en 139, refirent les calculs et établirent son existence en 5546, 4236, 2776, 1316 avant J.-C. En rapprochant ces calculs des relations hiéroglyphiques de la grande Pyramide, ils établirent également que sa construction était postérieure à l'an 5546 et antérieure à 4236.

Ce calendrier n'a plus qu'une valeur historique. On retiendra seulement que le 15 juin 1950, année médiane du XXe siècle, correspondra au premier Thot 6186 de l'ère sothiaque ou de Sirius.

Romains.

— Les Romains, héritiers faciles des connaissances astronomiques des Grecs et des Égyptiens, connaissaient parfaitement la durée de la révolution de la terre autour du soleil : 365,25 jours.

Jules César, durant la conquête des Gaules, voulut réglementer un calendrier qui prit son nom : le calendrier julien. Sa novation essentielle fut la création de trois années normales de 365 jours, suivies d'une année bissextile de 366. Toutes étaient subdivisées en 12 mois, dont 7 de 31 jours, 4 de 30 et 1 de 28, passant à 29 pour les années bissextiles. Ces dernières sont facilement reconnaissables à ce que leurs millésimes sont divisibles par 4.

Années astronomiques.

— Scientifiquement, l'année est définie par la durée d'une révolution totale autour du soleil selon une ellipse presque circulaire, puisque son excentricité n'est que de 0,016 entre les deux axes. La vitesse de translation est de l'ordre de 30 kilomètres à la seconde. Mais le soleil n'est pas fixe dans le ciel. Il se déplace lui-même, et cette ellipse n'est que la projection figurée sur un plan idéal d'une hélice, ou, pour être plus clair, d'un trajet en forme de tire-bouchon.

Il faut donc différencier l'année sidérale réelle de l'année tropique apparente.

La première est la durée mise par la terre pour boucler sa révolution complète. En supposant un observateur situé au centre du soleil, c'est la durée nécessaire pour noter deux passages successifs en face d'une même étoile choisie comme point de repère. En « temps moyen », cette durée est de 365 jours 9 minutes, 9 secondes, 5 dixièmes.

Toute différente est l'« année tropique », qui correspond à deux passages successifs de la terre à l'équinoxe de printemps. Comme cet équinoxe se déplace lui-même sur l'orbite de la terre, en sens inverse de son mouvement de rotation, l'année tropique a une durée moindre que l'année sidérale. La différence est de l'ordre de 20 minutes.

Il existe, du reste, un troisième mode de calcul. Celui-ci est fondé sur deux passages successifs au point le plus proche du soleil, que l'on nomme « périhélie », avec, pour contraire, l’« aphélie ». Comme ce périhélie a un déplacement propre, l'année dite « anomalistique » est plus longue de cinq minutes que l'année sidérale.

Calendrier grégorien.

— Toutes ces connaissances astronomiques sont très anciennes. Dès le XVIe siècle, elles permirent au pape Grégoire XIII d'entreprendre un ajustement entre les calendriers civils ordinaires et astronomiques. Depuis Jules César, l'année tropique adoptée comme base avait provoqué, en quinze siècles, un décalage de dix jours.

Grégoire XIII décida leur suppression. À Rome, le vendredi 15 octobre 1582 succéda au jeudi 4 octobre. En France, l'ajustement eut lieu le 9 décembre, un dimanche. Il fut suivi du lundi 20. Il y eut du reste un beau désordre en Europe, car chaque nation effectua son alignement selon son gré et, par exemple, l'Angleterre seulement deux siècles plus tard, en 1752.

Simple rectification du reste, aussi le pape décida-t-il, pour éviter son renouvellement avec toutes les perturbations consécutives dans les temps intermédiaires, qu'il y aurait des règlements nouveaux. Toutes les années terminant un siècle ne devaient plus être bissextiles, sauf dans le cas où le millésime était divisible par 400. De la sorte, 1600, 2000, 2400 ont été ou seront bissextiles, tandis que 1700, 1800, 1900 ne l'ont pas été et 2100, 2300 ne le seront pas.

Ce calendrier a survécu à l'épreuve du temps et actuellement est universel.

Calendrier luni-solaire et lunaire.

— Les calendriers julien et grégorien sont fondés exclusivement sur la rotation de la terre autour du soleil. Il n'en est pas de même de ceux en usage « rituel » chez les musulmans et les Israélites, fondés sur les observations des mouvements de la lune ou du complexe lune-soleil.

Calendrier Israélite.

— Celui-ci a été codifié au IVe siècle après J.-C. dans un but de conservation de traditions religieuses et de réaction à la montée du christianisme. Il comporte deux années dans ses définitions. L'une est dite « commune » et comporte 12 mois lunaires. L'autre est « embolistique » et se divise en 13 lunaisons. Les cycles sont formés de 11 années communes et 7 embolistiques. Au bout de ces cycles, les années des calendriers Israélites, chrétiens et astronomiques coïncident. Chaque mois lunaire est composé de 29 ou 30 « nycthémères » ou jours entiers de 24 heures calculés de soirs en soirs. L'année 1950 chevauchera sur les ans 5710 et 5711 du calendrier Israélite.

Calendrier musulman.

— Sa création a été décidée pour les mêmes raisons religieuses que le précédent. Les disciples de Mahomet voulaient éviter tous contacts avec la civilisation et la religion chrétiennes. Son point de départ a été fixé à la tombée de la nuit du 15 juillet 622, soit en l'an 1 de l'Hégire, qui est le point de départ de la religion des musulmans.

Le cycle est purement lunaire. L'année se compose de 12 lunaisons dont 6 de 29 « nycthémères » et 6 autres de 30 pour les années communes. Très analogues aux années embolistiques des Israélites, il existe des années « abondantes » de 5 mois de 29 nycthémères et 7 de 30. Les années n'ont donc pas toutes la même durée et sont de 354 ou 355 nycthémères. L'année 1950 chevauchera sur les années musulmanes 1366 et 1367.

Réforme moderne.

— Dans un but de simplification et de fixisme, on a envisagé de simplifier, par unification, le calendrier actuel. De nos jours, la fête de Pâques est « mobile » entre le 22 mars et le 25 avril, car elle se célèbre le dimanche qui suit la pleine lune postérieure au 20 mars. Ce n'est qu'une tradition et, contrairement à certaines opinions, le Concile de Nicée de 325, dont on possède les archives, n'en a jamais discuté.

Il est vraisemblable qu'un accord international fixera à fin 1950 la décision déjà prise théoriquement de rendre la Pâques chrétienne fixe, à la même date tous les ans. Tous les trimestres seront identiques, avec les deux premiers mois de 30 jours et le troisième de 31. Dans un trimestre, les premiers de chacun des mois seraient des lundi, mercredi, vendredi. Tous les premiers de l'an se situeraient un lundi.

Janine CACCIAGUERRA.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 57