Je suis, on le sait, amateur de chiens vites ; je serai
donc très à mon aise pour défendre ici les chiens lents, car ils ont leur
utilité.
Qu'est-ce que la vitesse chez le chien courant ? Il ne
faut pas croire que c'est si facile à définir ; elle varie avec les races,
les contrées, les animaux chassés ; nous allons pourtant essayer de nous
expliquer là-dessus.
Un chien n'est pas seulement vite parce qu'il galope
rapidement ; il est vite surtout s'il est assez dépêchant pour percer et
défiler la voie à plein train. Plusieurs choses sont donc nécessaires alors :
le nez, l'amour de la chasse, l'entreprise, la sagesse (pour ne par suraller la
voie), et enfin les pattes.
C'est en chassant le lièvre à courre que nous avons pu faire
le plus d'observations en général, et sur le train des chiens en particulier.
Les parcours de plaine qui permettent de voir la meute à l'ouvrage, les
randonnées relativement restreintes dans un pays fort bien connu, tout cela
facilite la tâche du veneur curieux de son art. Nous pouvons dire que pour
forcer un lièvre — dans nos pays du Centre s'entend — il suffit que les
chiens maintiennent une allure de 8 à 12 kilomètres à l'heure. Or cette allure,
qui n’a rien d'excessive, bien des chiens, pourtant très différents de race, de
taille et de vitesse, sont capables de la soutenir.
Bien des fois, j'ai vu dans des équipages, et chez nous
également, des chiens ayant une taille beaucoup plus réduite que celle de leurs
camarades qui, pourtant, suivaient facilement et même tenaient la tête parfois ;
c'est que le nez est une cinquième patte ...
Il est des races de chiens, comme de ceux-ci pris
individuellement, qui ont un chasser rapide ; ils ne perdent pas une
minute, ils bousculent l'animal de chasse, ce sont des « preneurs »,
de véritables chiens de chasse à courre.
Il en est d'autres, au contraire, qui sont naturellement lents,
esclaves de la voie, ils la défilent scrupuleusement, en chiens ordonnés et
très sages. Faut-il pour cela les condamner ? Beaucoup de chasseurs à tir
répondront avec moi :
Non.
Si on ne chasse pas, en effet, dans une contrée où le fourré
domine, où les animaux sont rares et où on ne redoute pas les longs parcours, je
comprends très bien qu'un chasseur choisisse des chiens rapides, qui obligeront
le gibier à vider les enceintes ; ils auront ainsi plus souvent l'occasion
de tirer.
Mais si, au contraire, on opère dans un territoire comme
celui où avec quelques bons amis nous chassions autrefois le lapin au chien
courant (car, tout en chassant à courre, il est délassant pour des veneurs de
prendre parfois un fusil ...), vive le chien lent.
Il faut situer la chose pour bien nous comprendre. Imaginez
un grand massif forestier, une de nos forêts de Touraine ou de l'Orléanais,
3.000 ou 6.000 hectares, ou plus. Dénombrez dans ces tailles, dans ces gaulis,
dans ces futaies admirablement tracés et percés des enceintes où les animaux
abondent : cerfs, chevreuils, sangliers, renards, lièvres et lapins et vous,
pauvres piétons, osez découpler des chiens vites pour y chasser à tir. Les
chiens très rapides, et très entreprenants, surtout lorsque l'on fusille, ne
sont guère enclins à une parfaite sagesse. Le premier animal qui bondit est le
bon. Et les voilà lancés sur un cerf, ou sur un chevreuil, la chasse prend un
grand parti, vous ne pouvez suivre, vous perdez vos chiens, vous pestez, vous
vous époumonez à appeler, vous essayez d'arrêter, et la journée se termine mal
et est loin du délassement tranquille que vous espériez.
C'est pour cela qu'après avoir fait école, car tout doit
s'apprendre dans la vie, nous avions arrêté notre choix sur de petits bassets,
très sages, très droits et très corrects pour tout dire, que très rapidement
nous avions pu créancer dans la voie presque unique du lapin. Chassant d'ordre,
collés, fort corrects dans leur menée bruyante, mais efficace, ils
poursuivaient à beau bruit leur modeste animal de chasse tout en nous donnant la
certitude que nous chassions comme il se doit.
Je le répète donc, le physique n'influe pas tant qu'on veut
bien le dire sur le chasser d'un chien et sur sa vitesse, puisque c'est cela
qui nous intéresse. Et j'ai connu des Bassets d'Artois qui chassaient comme des
Vendéens, et le contraire aussi.
Mais j'ai toujours prisé, et j'aime encore aujourd'hui, le
chien qui chasse comme on le lui demande. La chasse au chien courant « est
un drame aux cent actes divers », c'est-à-dire qu'il faut choisir ses
chiens et les adapter à la chasse que l'on pratique et au pays où l'on opère.
Ayant beaucoup chassé, et des animaux différents, ayant
aussi beaucoup vu chasser les autres, car je n'hésitais pas à me déplacer — et
je le fais encore, — je me garderai bien de porter des jugements
définitifs.
Heureux le veneur possédant des chiens sur les devants,
heureux le chasseur dont les auxiliaires à quatre pattes lui permettent une
jolie menée, bruyante, harmonieuse et sage pour lui donner l'illusion que lui
aussi, en s'amusant, pratique un bien joli délassement : la petite
vénerie.
Guy HUBLOT.
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