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Tribune libre

Réorganisation de la chasse

Dans l’abondant courrier que nous continuons à recevoir sur cette question, nous extrayons quelques réflexions pertinentes qu'on lira ci-après ; laissant naturellement à leurs auteurs la responsabilité de leurs opinions.

Voici d’abord un abonné parisien, M. Mougenot, qui apporte les doléances des chasseurs citadins, maintes fois exprimées :

 « Nous autres citadins, ne pouvons faire partie d’une société de chasse communale, parce que nous n’habitons pas une commune rurale ou n'y possédons pas les quelques hectares de terre que nous pourrions apporter à la société. Si nos moyens ne nous permettent pas de prendre une action de chasse dans une société privée, alors, adieu notre sport favori !

» Il semble que les sociétés de chasse ont pour but unique de réserver à leurs membres la destruction du gibier ; aussi, j'estime que la réglementation à venir devrait obliger toutes ces sociétés à faire place dans leur sein à un certain nombre de chasseurs citadins, il y aurait peut-être plus de chasseurs sur le même territoire, mais les cotisations substantielles des nouveaux venus permettraient d’effectuer un repeuplement rationnel et, en définitive, il y aurait toujours autant de gibier pour chacun.

» C'est une mauvaise politique que d'exclure les citadins des sociétés de chasse, c'est rompre la solidarité qui unit tous les enfants de notre sol, solidarité qui existe chaque fois qu'il s'agit de défendre ce sol contre l'envahisseur ou les calamités. Je souhaite que les sociétés communales de chasse fassent preuve de moins d'égoïsme et de plus de compréhension. »

M. Henry Guy, à Neuville-lès-Lure, souhaiterait que par un vaste référendum, tous les chasseurs puissent faire connaître leur opinion sur la réforme à entreprendre. Il craint cependant qu’une très importante catégorie de chasseurs demeure à l'écart de ce referendum, et probablement de loin la plus nombreuse, composée de tous les adversaires d’une réglementation excessive ; à ses yeux, ce sont les plus sages. Que constatent-ils, en effet :

I. La liberté totale de la chasse banale est mauvaise en raison de l'augmentation du nombre des permis.

II. Les sociétés de chasse, telles qu'elles sont conçues, ne donnent nullement satisfaction parce que :

    1° La chasse demande une organisation nationale et non communale ; on ne doit pas changer de loi en passant « la frontière » entre deux villages. Certaines sociétés se montrent d'ailleurs beaucoup trop rigides quant à ces frontières.

    2° Cette organisation, décentralisée à l'excès, donne lieu à toutes les injustices : telle société éliminera savamment une catégorie de chasseurs, telle autre interdit toute invitation (tant pis si vous avez des amis), dans certain cercle communal, on parle d'interdire le chien courant ; tout cela en raison de jalousies trop visibles.

    3° Les sociétés de chasse prennent pour « dada » la limitation des jours de chasse ; or je crois cette limitation mauvaise. En effet, les deux ou trois jours ouvrables, tous les chasseurs sans exception sont sur le terrain. Chaque lieudit, chaque passage a son ou ses guetteurs. Le gibier est dérangé en masse. Il n'est pas toujours tué au départ, mais il finit par tomber dans une carnassière ... il y en a tant.

Si la chasse est ouverte tous les jours, on évite ces « mobilisations générales » si meurtrières et qui, par surcroît, gâtent le plaisir du vrai chasseur et favorisent considérablement la chance des médiocres, qui n'ont plus à chercher mais simplement à attendre, qui n'ont plus à élever de chiens mais a écouter ceux des autres ...

A-t-on pensé aussi qu'une telle limitation entraîne l'élimination automatique de tous les habitants des grandes cités : Paris, Marseille, Lyon, etc., qui viennent passer leur mois de septembre en province, là où ils possèdent encore quelques propriétés ? Que leur laisse-t-on en effet ? Huit à douze jours de chasse ... si le temps le permet ! Mettez-vous à leur place. Prendriez-vous un permis dans ces conditions ? (L'État perdra en ces citadins bon nombre de clients.)

Mais alors, que faire ? Après avoir détruit, il faut construire : imposer partout la création d'une réserve égalant environ 20 p. 100 des terres, cette réserve sera protégée contre tout nuisible, animal ou humain, et on y assurera un repeuplement suffisant et adapté. Cela tient en peu de mots, mais je prétends que c'est suffisant et je suis persuadé que beaucoup de chasseurs seront de mon avis, car, ainsi, on sauvegarde le maximum de liberté et on assure le maximum de gibier.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 78