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Causerie vétérinaire

Les glandes anales du chien

Plusieurs de nos lecteurs, amateurs ou éleveurs de chiens, nous ayant exprimé le désir de voir traiter ici la question des glandes anales du chien, nous leur donnons volontiers satisfaction, leur rappelant toutefois qu'en février 1924 ce sujet a déjà été traité dans Le Chasseur Français.

Que sont ces glandes et, en cas de maladie de ces organes, quelles répercussions exercent-elles sur l'organisme du chien ? C'est ce que nous allons examiner.

Les maladies de ces glandes constituent, en France, un chapitre un peu négligé de la pathologie canine, et pourtant leur étude présente un intérêt pratique réel. En Angleterre et en Amérique, au contraire, on attache plus d'importance au mauvais fonctionnement de ces organes, à telle enseigne que les propriétaires font régulièrement presser les glandes anales de leurs chiens, lors d'engorgement, et ce n'est pas une mince surprise pour nos jeunes confrères débutants que de voir, dans certaines stations balnéaires ou thermales, la clientèle cosmopolite se présenter régulièrement pour cette petite opération.

Chez nous aussi, plusieurs auteurs l'ont recommandée, tout en indiquant la manière de procéder : P. Mégnin, Picard-Pajol, J. Lissot, qui expose ainsi sa méthode :

« Lorsque le chiot a trois semaines ou un mois, je prends sa queue d'une main et la lui lève verticalement. Avec le pouce et l'index de l'autre main, je saisis, en prenant le plus de chair possible, l'anus du jeune chien et je presse. Le pus sort alors en jet ou par gouttes. Je recommence tous les huit ou dix jours, jusqu'à ce que la pression ne fasse plus sortir de pus. Le plus souvent, le chien ne crie pas. J'ai toujours traité ainsi mes chiots et je n'en ai jamais perdu un seul » (Le Chasseur Français, juin 1921, p. 402.) Ajoutons que la matière étant souvent expulsée en un véritable jet, il est prudent de prévenir les personnes qui suivent la manoeuvre trop attentivement de se placer en dehors de la trajectoire !

Si l'opération est difficile, on pourra presser séparément chaque glande. Pour la glande gauche : introduire l'index droit dans l'anus en faisant pression avec le pouce et l'index gauches. Pour la glande droite, agir inversement. Au besoin, se servir d'un doigtier de baudruche dont le prix est des plus minime. Ce procédé est plus propre pour l'opérateur, moins désagréable et plus élégant.

Au point de vue anatomique, les glandes anales existent dans les deux sexes. Situées de chaque côté de l'anus et de la partie terminale du rectum, ces glandes, longues de 1 à 3 centimètres, sont formées de nombreuses glandules et pourvues chacune d'un étroit conduit qui s'ouvre sur la peau, à la partie inférieure de la marge de l'anus. Ces glandes sécrètent une masse jaune brunâtre, dont l'odeur sui generis est désagréable et tenace. C'est l'odeur subtile émanée de ces glandes qui, chez les chiens, tient lieu d'état civil, à en juger par la singulière manière dont les chiens font connaissance et l'insistance avec laquelle ils se préoccupent de connaître cette odeur chez leurs congénères.

Ces glandes subissent les altérations suivantes : engorgement, inflammation, abcédation et fistulisation. Comme nous l'avons vu, beaucoup d'auteurs et d'éleveurs attribuent aux glandes anales un rôle important dans les maladies du chien. Bien que cette opinion soit toute empirique et non basée sur des données scientifiques, elle est assez troublante pour que des auteurs sérieux ne l'aient pas rejetée systématiquement.

Au stade de l'engorgement, les glandes anales ne sont pas douloureuses ; le chien provoque l'évacuation de leur contenu en se traînant sur le derrière : on dit qu'il « fait » la brouette ou le traîneau. Il en est tout autrement quand il y a inflammation, puis abcédation, et que le malade n'est l'objet d'aucune intervention médicale. Il existe alors du prurit que l'animal cherche à calmer en se léchant ou en frottant la région sur le sol ou contre les murs ; le malade est agité et inquiet. Parfois, la douleur est extrême ; le chien appréhende la défécation qui est parfois un véritable supplice et la constipation survient. Chez certains malades, cette constipation est le seul symptôme appréciable, fait que l'éleveur attentif ne doit pas oublier.

Dans le cas d'abcédation, le seul fait de relever la queue ou d'écarter les poils qui cachent l'anus, chez les chiens à longs poils, provoque de la douleur. Si l'abcès s'ouvre de lui-même, les poils de la région anale sont agglutinés. Si l'abcès reste clos, la région est infiltrée d'un côté ou des deux côtés de l'anus. La pression provoque de violentes réactions du malade et produit le rejet d'un liquide visqueux, foncé, de mauvaise odeur.

Quand l'intervention est tardive, il y a parfois mortification et élimination d'un bourbillon, parfois formation d'une fistule, mais cet accident est rare et vraiment plus rare que ne le mériteraient les propriétaires insouciants qui laissent inutilement souffrir leurs animaux plusieurs jours, alors qu'une petite intervention apporterait un soulagement presque immédiat. Celle-ci comporte l'ouverture de l'abcès et le nettoyage de la cavité avec une curette tranchante. La plaie opératoire a une tendance naturelle à la réparation. Des tamponnements antiseptiques locaux, la poudre d'amidon ou d'acide borique favoriseront une guérison rapide.

Parfois les accidents récidivent après un an ou deux, mettant dans l'obligation de recourir à l'extirpation de la glande, opération qui, malgré les difficultés, a lieu après anesthésie de la région anale au moyen de la cocaïne en injection convergeant vers la partie antérieure de la glande. La guérison, définitive cette fois, est obtenue dans un délai de douze à quinze jours.

Signalons, enfin, qu'en 1923 Henry et Leblois ont signalé la présence fréquente d'anneaux de ténias dans les glandes anales des chiens parasités. Leurs études les ont conduits à rechercher si l'inflammation des glandes anales ne serait pas sous la dépendance de l'infection de ces glandes par des œufs ou des anneaux de ténias. Rappelant le rôle attribué aux glandes anales par les éleveurs et les piqueurs, ces auteurs ne condamnent pas systématiquement cette opinion. Aussi, on aurait peut-être tort de nier, a priori, l'influence de ces glandes sur la santé générale du chien. Les ténias étant encore une fois mis en cause, il convient, dans tous les cas, de débarrasser l'appareil digestif de nos chiens de ces hôtes indésirables.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 84