La végétation est un des éléments principaux de la richesse
aquicole. Les cours d'eau alpestres, roulant sur des galets, sont privés de
végétation phanérogamique. Aussi sont-ils pauvres, et le professeur Léger ne
leur a jamais attribué que de faibles coefficients biogéniques, allant de 1 à
4.
Au contraire, les belles rivières à truites normandes, les « chalk
streams », sont envahis d'une abondante végétation de potamots, de
myriophylles, de callitriches. Ce sont, de loin, nos rivières les plus
productrices en truites, et Léger leur affecte les coefficients biogéniques
maxima, de 9 et de 10.
Il faut distinguer, dans la végétation aquatique : la
flore verticale ou flore dure, composée de roseaux, de joncs, d'iris, de
massettes, qui elle est nuisible, car elle occupe de la place, est incomestible
et doit être faucardée ; et la flore immergée, composée d'espèces tendres
et dont le rôle bienfaisant dans nos eaux est multiple.
Cette flore immergée sert parfois de nourriture directe aux
poissons herbivores. La carpe, mais surtout la tanche et le gardon broutent les
jeunes pousses de myriophylles, de potamots, de callitriches et même d'élodea.
Certaines graines sont recherchées par la carpe.
Elle sert principalement de nourriture indirecte à la gent
piscicole en servant d'aliment à la petite faune aquatique : mollusques
d'eau douce (bythinie, planorbe, limnée), larves d'insectes, petits crustacés
tels que le gammare, etc. Elle sert également de support à de nombreuses
petites algues microscopiques qui, elles aussi, sont mangées par la petite
faune.
Tout pêcheur sait que les touffes d'herbes immergées
grouillent souvent de larves d'insectes et de gammares.
Elle sert d'abri aux alevins, qui peuvent ainsi échapper aux
voraces. Elle abrite également les belles pièces des abus du braconnage, et
même des pêcheurs à la ligne trop entreprenants. Elle donne de l'ombre aux
poissons pendant les chaleurs estivales.
Mais son rôle principal est d'oxygéner et d'assainir l'eau. C'est
la végétation aquatique qui, par l'assimilation chlorophyllienne et sous
l'action de la lumière, décompose le gaz carbonique produit par la respiration
des animaux aquatiques et les fermentations de la vase, et dégage l'oxygène
nécessaire à la vie.
Il est facile de s'en rendre compte. Par les belles journées
ensoleillées, il suffit de remuer les grandes touffes immergées de potamots ou
de myriophylles pour voir ressortir en surface de nombreuses bulles gazeuses :
c'est l'oxygène qu'elles ont produit en excès — et qui n'a pu se dissoudre
dans l'eau qu'elles ont déjà saturée — qui se dégage.
La quantité d'oxygène produite par les plantes est très
grande. On a mesuré qu'en une heure et demie une petite touffe, pesant 100
grammes, d'Elodea canadensis dégageait 88 centimètres cubes d'oxygène,
cependant qu'une touffe de même poids de potamot (Potamogeton crispus) en
dégageait 79 centimètres cubes, et qu'une semblable touffe de cératophylle en
donnait 54 centimètres cubes.
Cette action est telle qu'elle entraîne, l'été, par temps de
soleil, des sursaturations importantes de l'eau en oxygène.
C'est ainsi qu'on a pu mesurer, dans une eau à 18° où la
saturation théorique en oxygène est atteinte à 7 centimètres cubes par litre
dans une eau dépourvue de végétation, un dosage de 25 centimètres cubes
d'oxygène par litre, soit une sursaturation de 365 p. 100.
L'assimilation chlorophyllienne des plantes, la nuit, en
l'absence de lumière, cesse, et les plantes respirent. Des mesures ont montré
que, dans un étang, l'oxygène est dissous en plus grande quantité le jour dans
les touffes de végétation que dans les parties qui en sont dépourvues.
De même, l'oxygène dissous est beaucoup plus abondant en
surface, où la végétation est abondante et bénéficie d'une luminosité meilleure,
que vers le fond, où, à partir de 4 mètres, la luminosité est faible et la
végétation médiocre. Les fermentations de la vase aidant, le taux d'oxygène
dissous peut tomber dans le fond au-dessous du minimum vital, qui peut être de
2 centimètres cubes par litre pour les espèces les plus résistantes telles que
la tanche ou l'anguille.
On voit donc le rôle capital joué par la végétation.
L'oxygène dissous doit être mesuré sur place. La méthode de
dosage la plus pratique est la méthode Winckler, adaptée par Kreitmann. De
telles analyses d'oxygène expliquent souvent certains faits de stérilité d'eaux
vaseuses et profondes.
DELAPRADE.
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