Nous avons organisé méthodiquement notre jardin et, pour
qu'il produise au maximum, il faut que la terre soit constamment enrichie, afin
de pouvoir supporter l'effort demandé allant presque jusqu'à l'épuisement. Il
faut donc donner au sol une vigueur toujours nouvelle, et ce au moyen du fumier
et des engrais.
Bon nombre de jardiniers amateurs négligent l'emploi du
fumier, alléguant sa pénurie et la difficulté de s'en procurer. Il en est de
même des engrais, que l'on trouve trop coûteux. Le mal est des plus graves :
la terre s'épuise, elle perd sa fertilité et, pour la lui rendre, il faut une
fumure plus considérable et un temps assez long. Que de temps perdu ! Quel
argent souvent dépensé vainement ! Il est donc de rigueur d'engraisser le
sol de notre potager chaque année.
La suie envisagée comme engrais horticole.
— Pendant l'hiver, nos cheminées se sont tapissées
intérieurement d'une couche plus ou moins épaisse de suie. Nous avons nettoyé
avec beaucoup de soin tous les conduits donnant passage à la fumée :
tuyaux de nos poêles, nos cheminées, nos fourneaux, et, dans un récipient
quelconque (vieille caisse de bois, vieux tonneau), nous avons recueilli
précieusement cette poudre fertilisante.
Nous envisagerons les deux espèces de suie : celle
provenant des foyers dans lesquels on brûle du bois et celle des foyers
dans lesquels la houille a servi de combustible. Il n'y a aucun
inconvénient pratique à mélanger les deux suies : on obtient une moyenne
acceptable, ainsi que le révèle la composition chimique de chacune d'elles.
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Suie de houille -------- P. 100 |
Suie de bois -------- P. 100 |
Matières organiques |
40 à 70 |
65 à 75 |
Azote |
2,4 à 3 |
1,2 à 1,5 |
Potasse |
0,5 à 2,7 |
1 à 2,4 |
Acide phosphorique |
0,3 à 0,4 |
0,4 à 0,7 |
Chaux |
3 à 5 |
8 à 10 |
Magnésie |
0,1 |
0,7 à 1,3 |
De cette analyse chimique, il résulte que les cendres sont :
1° Riches en sels ammoniacaux (matières organiques) ;
2° Riches en azote ;
3° Un peu faibles en acide phosphorique.
Pratique de l'utilisation de la suie.
— Les considérations précédentes nous aident à mieux
comprendre comment il est possible d'utiliser de façon pratique et rationnelle
la suie que nous aurons pu recueillir.
D'une part, la présence des sels ammoniacaux impose un
certain emploi restrictif : ces sels sont en effet des engrais d'automne ;
au plus tard donc en février, nous devons les répandre comme engrais de fond,
en vue d'obtenir un effet certain au cours des prochaines cultures. Et la suie
n'échappe pas à cette règle d'emploi.
D'autre part, la suie n'est pas un « engrais riche » ;
le sol de notre jardin ayant été convenablement et soigneusement fumé, soit au
fumier, soit aux engrais chimiques, il ne saurait être question de mettre à la
disposition des premières et jeunes racines une dose aussi minime d'éléments
fertilisants. D'ailleurs, il ne faudrait pas exagérer la dose de suie comme
engrais, car celle-ci, en raison de sa richesse en azote, roussirait les jeunes
plantes à dose trop forte. Rien ne l'empêche, par contre, d'être utilisée à la
manière d'un engrais de couverture : lorsqu'on a semé les premières
graines au jardin, on peut la répandre, en guise de terreau, en une légère
couche sur nos carrés ensemencés.
Comme on l'a vu dans le tableau d'analyse chimique de la suie,
parmi les principaux sels fertilisants qu'elle renferme, l'acide phosphorique,
si nécessaire aux plantes, y est un peu faible. On remédiera à cet inconvénient
en ajoutant un peu de superphosphate pour rétablir un équilibre judicieux.
Enfin, la suie, grâce à sa couleur noire, absorbe et retient
merveilleusement la chaleur ; elle éloigne les insectes : les jeunes
betteraves à salade sont souvent, à leur sortie de terre, coupées par un petit
coléoptère (atomaria linearis) ; on lutte aisément en répandant sur
le sol, après le semis, 5 kilogrammes de superphosphate par are et un poids
égal de suie. On obtient, par la suite, des produits étonnants. On éloigne,
grâce à elle, les altises des planches de choux, de radis, de navets, etc. De
plus, elle laisse s'infuser dans le sol les sucs nutritifs qu'elle renferme
pour servir de première nourriture aux jeunes plantes.
La suie peut donc fort bien servir d'engrais : on
aurait grand tort de jeter ou de négliger ce produit précieux qui ne coûte que
la peine de le ramasser pour l'utiliser.
BOILEAU.
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