On groupe en général sous le vocable « sol siliceux »
des sols assez variés qui présentent le caractère commun d'être riches en sable
et pauvres en argile, donc légers, et d'être dépourvus de calcium, spécialement
sous la forme de carbonates. Mais ces sols « siliceux » peuvent avoir
des origines et certaines propriétés différentes. Ainsi les « arènes »
qu'on rencontre sur les pentes de terrains cristallins (granit) sont plus
riches et plus faciles à reboiser que les sols constitués de sables (Sologne,
Landes de Gascogne), ou de grès (grès de Bretagne) purement quartzeux.
Les défauts des sols siliceux.
— Au point de vue physique, ils sont souvent trop
filtrants, sauf si un niveau d'argile vient arrêter l'eau d'infiltration à une
faible profondeur ; au point de vue chimique, nous avons dit qu'ils
manquaient de calcaire, ce qui traduit une nette tendance à l’acidification
de l'humus ; une épaisse couche d'humus brut, noir ou brun, se
développe en surface (terre de bruyère), très nuisible, par son acidité, aux
racines des jeunes plants ; de plus, cet humus se décomposant très
lentement, l'alimentation azotée est défectueuse.
Les sols sur roche mère cristalline sont assez riches, nous
l'avons déjà signalé, et ils se lessivent peu : ce sont, en général, des
sols bruns. Par contre, les sols sur sables quartzeux ou sur grès sont
très pauvres et, si la lande est ancienne, ils sont souvent très lessivés ou
podzolisés, ce qui rend très difficile leur reboisement.
C'est, en effet, la lande qui occupe les sols siliceux
lorsque la forêt primitive a disparu : la végétation de la lande renseigne
sur la nature du sol et ses propriétés ; on peut en distinguer différents
types.
a. Les landes à fougères sont les meilleures :
sol frais, peu acide ;
b. Les landes à bruyères sont les landes sèches, les
plus acides ;
c. Les landes à molinie, sorte de grande graminée,
sont les landes humides qui occupent des sols à niveau d'argile imperméable peu
profond ; nous en reparlerons à propos des sols argileux (sol de
transition argilo-siliceux).
Choix des essences.
— Comme dans le cas des sols calcaires, on peut
s'adresser à des résineux comme essence de fond pour un premier
reboisement : sous leur couvert, la forêt primitive se réinstallera si le sol
n'est pas trop dégradé. Cependant, nous verrons qu'il est bon d'introduire dès
le début du reboisement un feuillu frugal en mélange, comme essence protectrice
du sol.
Dans les landes, en plein découvert, on emploie généralement
les pins : pin maritime partout où il ne risque pas la gelée (or il
gèle à -20°), pin laricio de Corse, excellente essence de reboisement, à
utiliser dans les sols bien drainés ; enfin le pin sylvestre,
utilisable partout, sous certaines conditions dont nous reparlerons ;
mais, pour cette dernière essence, il faut faire attention d'introduire une
race de belle forme, convenant aux conditions locales, et il est donc
nécessaire de se préoccuper de l'origine des graines.
Les espèces exotiques à croissance rapide sont
particulièrement recommandées ; le Douglas, le mélèze du Japon dans
l'Ouest (également l'épicéa de Sitka, en Bretagne) ; le Douglas présente
l'intérêt tout spécial d'offrir une combustibilité plus réduite que celle des
autres essences résineuses.
En station abritée, dans les forêts dégradées, les anciens
taillis ou les trouées évoluant vers la lande, il faut faire appel à des
essences d'ombre, ou au moins tolérantes à l'égard de l'ombre : citons le
sapin de Vancouver (sols granitiques assez riches), le sapin de Nordmann sur
tous les sols, le Douglas lorsque le couvert n'est pas épais ; Tsuga heterophylla
dans les régions à climat humide ; ces essences sont souvent à préférer
dans les bonnes landes à fougère, car la fougère joue à l'égard des plants le
rôle d'abri. La plantation doit être toujours préférée au semis, sauf dans le
cas d'emploi du pin maritime. La concurrence des espèces de la lande vis-à-vis
des plants étant active, le travail du sol à la charrue par bandes ou à la main
en larges potets est nécessaire avant la plantation : il a aussi pour
effet de détruire le feutrage de racines et de mettre à nu le sol minéral, plus
favorable à la reprise du plant que la terre de bruyère ; un chaulage peut
être utile sur sol acide. Enfin, un ou plusieurs dégagements peuvent s'avérer
nécessaires dans la lande à fougère, qui risque d'écraser les plants par ses
feuilles desséchées à l'automne.
Influence de la plantation sur le sol.
— Si l'essence utilisée possède un couvert compact,
elle joue un rôle favorable en éliminant les bruyères, agent de formation de la
« terre de bruyère » ; mais la plupart des résineux utilisés
présentent de graves inconvénients s’ils sont employés en monoculture : ils
acidifient le sol par leur humus presque autant que la bruyère, parfois plus
(pin sylvestre) ; de plus, les peuplements ainsi constitués sont
combustibles et risquent d'être incendiés. Pour ces deux raisons, il est
indispensable de créer des peuplements mixtes, comme nous l'avons conseillé
pour le reboisement de sols calcaires : on peut introduire le feuillu dès
le reboisement initial (ligne d'aunes alternant avec ligne de résineux), ou
postérieurement à la plantation de résineux en créant des sous-étages
(châtaignier ou chêne rouge d'Amérique), dont le rôle éminemment favorable
n'est plus contesté par aucun reboiseur ; si le sous-étage paraît coûter
plus qu'il ne rapporte, il a du moins le mérite de sauvegarder l'avenir de la
forêt et de constituer une véritable assurance contre l'incendie et la
dégradation du sol.
LE FORESTIER.
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