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Le vignoble

Accidents et maladies

Avant de commencer la description des maladies parasitaires de la vigne, nous devons avertir ceux qui nous liront qu'ils ne constateront pas, dans leur vignoble, l'avalanche de toutes ces maladies et insectes nuisibles.

Pour qu'un être vivant (champignon ou insecte) se développe, il lui faut des conditions climatiques bien définies.

Si, par exemple, le mildiou et l’oïdium existent partout, par contre, le black-rot a ses régions d'élection. Il en est de même pour les insectes ; si le phylloxéra vit dans tous les vignobles sans exception, par contre, la pyrale, la cochylis et l’eudémis ne font, dans certaines régions, que des dégâts insignifiants ; par contre, dans d'autres, ces papillons de nuit sont un véritable fléau.

Pour faire mieux comprendre la vie des parasites cryptogamiques, nous en donnerons des agrandissements. Ceux-ci ont été obtenus par des coupes très minces (l’unité est le millième de millimètre, appelé micron) vues au microscope et reproduites sur papier soit par dessin, soif par photographie. Celui qui procède à ces travaux, le phytophysiologue, possède des moyens d'investigation nombreux pour faire apparaître le parasite qu'il recherche ; d'abord la coloration. Si, par exemple, on colore une coupe d’organe vert de la vigne par de l'eau iodée, on voit dans les cellules les grains d'amidon se colorer en bleu, tandis que les parois de ces mêmes cellules se colorent en jaune. On voit avec une surprenante netteté flotter dans le liquide de celles-ci les corpuscules et noyaux qui forment leur protoplasma ; les cristaux de sels organiques s'observent aussi avec beaucoup de détails.

Les colorants ont été indispensables pour la détermination des microbes de l’homme et des animaux. Si l'on ajoute que le chercheur dispose aussi de la lumière polarisée et de l'éclairage à fond noir ou latéral, nous saurons qu'il est armé pour faire des observations très précises.

C'est grâce à ces savants qu'il nous est possible aujourd’hui de donner des représentations visuelles des maladies qui nous occupent.

L'oïdium (O. Tuckeri) a été signalé pour la première fois en 1845 en Angleterre par Tucker. Deux ans après, on constatait sa présence en France et, six ans plus tard, tout le vignoble français était envahi.

Il s'est donc propagé avec une étonnante rapidité. C'est en 1853 que l’on a employé le soufre comme moyen de lutte.

L'oïdium, contrairement au mildiou, ne pénètre pas à l’intérieur des tissus ; sa spore (ou graine), qui germe par temps de brouillard, émet un filament appelé mycélium qui s'accroche aux tissus de la plante au moyen de crampons suçoirs ayant une certaine analogie avec ceux du gui, mais en beaucoup plus petit ; ainsi fixé, le mycélium émet des filaments verticaux très fins, appelés conidifères, car à la partie supérieure se formera la conidie, ou spore d'été, laquelle, une fois détachée de son support, ira ensemencer d'autres parties de la vigne.

L'oïdium attaque tous les organes verts de la vigne.

Les conidies émises pendant la belle saison ne résistent pas aux froids hivernaux ; aussi le parasite, prévoyant, produit à l’arrière saison, dans le feutrage de son mycélium, de petits corpuscules portant des poils et appelés périthèces ; ceux-ci, emportés par le vent, éclateront au printemps, en disséminant de petits sacs ou asques remplis de spores, et le cycle recommencera.

L'oïdium est le premier à apparaître sur la vigne dès que l'air est chaud et humide, la lumière diffuse. Il forme des efflorescences farineuses gris sale sur tous les organes verts. Le grain attaqué ne se développe pas, la peau durcit et éclate, il est alors la proie des champignons. L'oïdium détruit également les grappes avant leur floraison.

En attendant que l'on trouve un moyen curatif contre cette maladie, le soufre reste le seul moyen efficace.

On devra employer ce produit précipité ou sublimé sec et fin.

L'épandage se fera par temps calme et chaud, de préférence, en évitant toutefois une trop grande chaleur.

Le commerce vend du soufre très foncé, qui n'est autre que le produit ordinaire mélangé à des polysulfures qui lui donnent sa couleur.

Bien que les dates des soufrages diffèrent un peu, il sera prudent de faire le premier dès l'apparition des grappes, à la floraison, pour diminuer la coulure, et dix jours après environ. Ensuite, périodiquement, selon la sensibilité du cépage à la maladie, enfin avant la chute des feuilles afin de détruire, autant que possible, les fructifications d'hiver ou périthèces.

Le ramassage des feuilles et leur incinération n'a pas donné de bons résultats.

Le mildiou (Peronospora viticola) est un véritable fléau, et comme on ne peut le combattre que par des moyens préventifs, s'il se produit un peu de bruine accompagnée d'un rayon de soleil, le vignoble est envahi, le mal est fait.

Contrairement à ce qui se passe pour l'oïdium, les filaments du mildiou pénètrent à l'intérieur des tissus, les feuilles sont traversées de part en part.

La figure ci-contre représente une coupe de feuille de vigne montrant le développement de la maladie.

La spore germe à la partie supérieure de celle-ci, il lui faut pour cela une gouttelette d'eau très petite. Cette spore gonfle, émet un suçoir qui pénètre dans la feuille, se faufile entre ses cellules, arrive ainsi à la partie inférieure, où ledit filament sort par des ouvertures naturelles qui sont les organes respiratoires de la feuille, et qu'on appelle stomates.

Une fois dehors, le champignon ne perd pas son temps, il songe à constituer ses organes reproducteurs ; aussi voit-on à la partie inférieure de la feuille un feutrage très fin grisâtre. Le microscope nous montre qu'il s'agit de filaments ramifiés qu'on appelle conidiophores, et qui portent à leur extrémité de petits corps ovoïdes qui sont les spores d'été ; ces dernières se détacheront et iront germer sur la surface supérieure des jeunes feuilles de préférence, à la faveur de la gouttelette d'eau providentielle.

La partie de la feuille ainsi attaquée meurt, le tissu devient couleur rouille, puis se détache.

Le mildiou n'attaque pas que les feuilles, les sarments ont aussi droit à sa visite jusqu'à l'aoûtement, les raisins depuis leur état de manne jusqu'à la récolte, en notant toutefois que les attaques sont moins nombreuses de la véraison jusqu'à la maturation.

Enfin, certains producteurs directs sont moins sensibles à la maladie que nos vieux plants vinifera.

Comme dans l'oïdium, la spore d'été ne résiste pas aux froids hivernaux ; aussi le mildiou constitue à l'intérieur des tissus des œufs d'hiver qui se forment à l'arrière-saison, et les feuilles présentent l'aspect du point de tapisserie.

Comme moyen de lutte préventive, on ne connaît que les sels de cuivre, qu'il faudra répandre à la partie supérieure de la feuille, puisque c'est là que la spore germe.

La date du premier traitement varie avec les régions viticoles et les cépages ; on a toutefois pris comme règle élastique que le premier traitement aurait lieu dans le Midi avant le 10 mai, et dans le Nord avant le 10 juin.

Les formules de bouillies sont assez nombreuses, nous nous bornerons à donner les trois principales.

Bouillie bordelaise :

Eau 100 litres.
Sulfate de cuivre 2 kilogrammes.
Chaux grasse éteinte 1 kilogramme.

Cette bouillie, contrairement à une opinion assez répandue, peut se conserver vingt-quatre heures.

Bouillie bourguignonne :

Eau 100 litres.
Sulfate de cuivre 2 kilogrammes.
Carbonate de soude. Solvay à 90° (liquide) 1 kilogramme.

Verser le carbonate de soude dans la solution de sulfate de cuivre, lentement et en agitant constamment jusqu'à ce que le papier de tournesol vire au bleu.

Nous n'entrons pas dans le détail du mode opératoire de ces bouillies, qui est connu des vignerons. Nous insisterons sur le fait que ces bouillies doivent être neutres, c'est-à-dire ni acides (excès de sulfate de cuivre) ni alcalines (excès de chaux ou de carbonate de soude).

La bouillie bourguignonne ne se conserve pas.

Bouillie au ver de gris (acétate bibasique de cuivre) :

Dissoudre 1 kilogramme de ce produit dans 10 litres d'eau, puis étendre à 100 litres. Pour rendre cette bouillie visible sur les feuilles, ajouter un demi-kilogramme de plâtre.

Nous conseillons d'ajouter aux deux premières bouillies un adhésif, et nous trouvons bonne la pratique qui consiste à ajouter à ces mêmes bouillies soit du permanganate de potasse, soit du formol, soit du soufre mouillable.

V. ARNOULD,

Ingénieur agronome.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 103