Accueil  > Années 1950  > N°636 Février 1950  > Page 105 Tous droits réservés

Élevage

La saison de monte des étalons

Elle est officiellement fixée par l'Administration des haras, pour les étalons de ses dépôts appartenant à l'État, entre le 15 février et le 15 juillet de chaque année ; mais les services des étalons qui sont la propriété de particuliers peuvent être utilisés à toute époque, si les propriétaires de juments jugent à propos de les réclamer.

C'est ainsi que dans les haras privés, consacrés exclusivement à l'élevage des chevaux de pur sang destinés aux courses, on s'efforce d'avancer la naissance des poulains le plus possible parce que leur âge compte du 1er janvier de l'année. Deux poulains devant naître en 1950, l'un le 1er février et l'autre le 1er août, soit avec six mois de différence, auront tous deux un an le 1er janvier 1951. Et comme ils seront appelés à entrer en compétition dans les courses importantes réservées à des chevaux du même âge, il est facile de se rendre compte combien l'avantage de plusieurs mois d'existence, de soins, d'entraînement, peut influencer la carrière sportive d'un cheval.

Certains éleveurs de chevaux de gros trait, qui sont surtout des « naisseurs », car ils s'efforcent de vendre leurs poulains le plus rapidement qu'ils peuvent, font un calcul à peu près semblable, afin d'avoir dès le début de l'automne des produits suffisamment développés et de belle apparence, dont ils pourront trouver des prix plus avantageux.

Néanmoins, en règle générale, on agira sagement en ne faisant pas saillir une jument avant les premiers jours de février et, si la monte est dans tous les cas subordonnée à l'époque des chaleurs, dans les pays d'herbages où les poulinières vivent presque constamment dehors, la saison de monte a lieu le plus ordinairement depuis le mois de mars jusqu'au mois de juillet. En faisant saillir plus tôt, on s'expose à faire naître le poulain dans une saison trop rigoureuse, où les herbes ne sont pas encore poussées, et, si on s'y décide trop tardivement, les poulains naissent au cours des journées chaudes et ensoleillées, où les mères sont tourmentées par les mouches et n'ont souvent pour les nourrir qu'un lait échauffé et peu abondant.

Mises de côté certaines coutumes ou interventions plus ou moins empiriques, et le plus souvent peu recommandables, qui sont encore employées trop couramment, soi-disant pour favoriser les accouplements et obtenir la fécondation, on peut dire qu'un bon état de santé chez l'étalon et chez la poulinière sont des conditions suffisantes pour la réussite attendue. L'étalon, dont les fonctions, les « services », ainsi qu'on a l'habitude de dire, sont particulièrement fatigantes, doit être nourri copieusement avec de bons aliments, de l'avoine entre autres et spécialement de l'avoine germée, tandis que la jument réclame plutôt une alimentation rafraîchissante, d'aucuns disent même débilitante, ce qui explique l'usage et l'abus qui a été fait pendant longtemps de la saignée à cette intention. « Un mois avant la monte, disait déjà Varron dans un de ses écrits, il faut augmenter la ration des étalons pour leur donner des forces et diminuer au contraire celle des juments, car on prétend que les femelles conçoivent mieux quand elles sont maigres ! »

De nos jours, et dans le même ordre d'idées, on continue à dire qu'« un bon coq n'est jamais gras » et, si ce ne sont pas là des vérités premières, on peut du moins affirmer que la pléthore et la graisse, chez les géniteurs, ne sont jamais favorables à la fécondation.

La monte peut se faire de deux manières : en liberté où à la main, ce dernier procédé étant presque toujours adopté, sauf à de très rares exceptions, qui sont le plus souvent autant d'accidents même si les résultats en sont heureux (naissances prématurées, mésalliances, etc.). Le moindre des inconvénients de la monte en liberté est que l'accouplement, trop souvent répété, épuise un étalon et suffit à provoquer l'avortement ou la stérilité de la poulinière, tandis que « l'erreur de lieu » qui peut aussi en résulter est susceptible de provoquer la mort de la jument des suites de la perforation du rectum. On a reproché, par contre, à la « monte en main » de donner une proportion moindre de fécondations, à cause de la contrainte imposée à la jument présentée à la saillie par l'usage du collier et des entraves ; mais, en fait, cette contrainte n'existe qu'en apparence, car, avant d'en user, il est de précaution élémentaire de toujours faire « essayer » la jument par un étalon « boute-en-train », en la faisant passer à la « barre de soufflage » pour s'assurer de ses bonnes dispositions.

Les juments saillies une première fois ont droit, dans la pratique courante, à deux « revues » pour le prix de la monte, faculté dont trop de propriétaires sont disposés à abuser contre leur intérêt, car, le plus généralement, moins les saillies sont répétées, mieux la fécondation est assurée. Une des principales causes de l’infécondité des poulinières, qui est en moyenne de 50 p. 100 sur l'ensemble des saillies, provient de l'abus trop souvent renouvelé des accouplements pour l'étalon, ou bien de l'âge, trop jeune (moins de quatre ans) ou trop avancé (après douze ans) auquel les juments sont livrées à la reproduction.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 105