Accueil  > Années 1950  > N°636 Février 1950  > Page 113 Tous droits réservés

La mode de paris

Pronostics d'avant printemps

Tout porte à croire que ce printemps va naître sous le signe de la souplesse, de la fraîcheur, de la jeunesse. Peu de tailleurs et d'ensembles franchement classiques ; des jaquettes écourtées aux basques libres, décollées de la ligne des hanches, blousantes dans des ceintures de peau assez hautes ou légèrement en forme ; des cols, des revers, des boutonnages très divers, voire asymétriques ; des entournures kimono très lâches, des manches élargies au milieu du bras par des effets de plis en travers partant souvent du col et se prolongeant ou se déployant entre le coude et l'épaule ; ou encore en « toupie », ou tout simplement bouffantes et à poignets.

Dans le deux-pièces ou le tailleur d'après-midi, les manches sont souvent courtes, très larges, donnant naissance à de gros bouffants de lingerie ou de taffetas d'un ton très différent ou imprimé de blanc. Toutes les jupes sont droites, étroites, à 38 centimètres de terre ; Pierre Balmain a lancé une jupe-culotte fourreau, qu'il nomme la « pantajupe », qui est un compromis entre le pantalon et la jupe, mais reste très féminine, le pantalon étant absolument enveloppé par le double portefeuille de la jupe.

Dans ces jaquettes-blousons, la majorité des corsages sont des bains de soleil, aussi largement décolletés que ceux que l'on porte l'été à la mer ; cette formule, qui cet hiver a eu un si grand succès, permet aux femmes de dîner au restaurant, d'aller au théâtre sans changer de robe, ou de danser agréablement à l'heure du thé ou du cocktail. Cette ligne nouvelle est nettement inspirés de l'époque 1860, Second Empire ou guerre de Sécession … sauf pour l'ampleur des jupes et leur longueur ! Le bleu marine et les lainages pied-de-poule sont particulièrement en vogue, parfois ce dernier apparaît en gilet, en dépassant, en fins lisérés, en garniture sur l'autre ; mais c'est surtout la lingerie qui abonde, frissonne au col et aux manches de ces ensembles, doublant des collerettes, des cols montants, jaillissant en jabot entre les revers, en volants, en gros bouffants entre la manche de lainage et le poignet : linon uni, linon brodé, incrusté de guipure, linon glacé. Un procédé nouveau, d'origine américaine, le « perma starch », permet de garder cette lingerie éternellement apprêtée et brillante !

On peut également employer pour ce genre de garniture, avec le bleu marine, les taffetas imprimés de pois, de menus carreaux, de petits dessins blancs. À noter également, toujours sur le bleu marine, un retour offensif des galons, passementeries et soutaches noires, et aussi du taffetas noir.

Les chapeaux, enlevés, s'imposent avec cette ligne élargissant le buste, petites toques et canotiers portés assez en avant et basculés, ornés de couteaux, de nœuds en hauteur, d'ailes, de fouets et d'antennes ou de piquets de fleurs, car la fleur fait, elle aussi, un retour offensif ; déjà, cet hiver, les couturiers en semèrent largement autour des décolletés et dans les drapés des robes du soir, ils en piquent maintenant au cou, aux revers, à la ceinture même des robes d'après-midi, et les modistes furent les premières à donner le ton.

G.-P. DE ROUVILLE

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 113