Tout porte à croire que ce printemps va naître sous le signe
de la souplesse, de la fraîcheur, de la jeunesse. Peu de tailleurs et
d'ensembles franchement classiques ; des jaquettes écourtées aux basques
libres, décollées de la ligne des hanches, blousantes dans des ceintures de
peau assez hautes ou légèrement en forme ; des cols, des revers, des
boutonnages très divers, voire asymétriques ; des entournures kimono très
lâches, des manches élargies au milieu du bras par des effets de plis en
travers partant souvent du col et se prolongeant ou se déployant entre le coude
et l'épaule ; ou encore en « toupie », ou tout simplement
bouffantes et à poignets.
Dans le deux-pièces ou le tailleur d'après-midi, les manches
sont souvent courtes, très larges, donnant naissance à de gros bouffants de
lingerie ou de taffetas d'un ton très différent ou imprimé de blanc. Toutes les
jupes sont droites, étroites, à 38 centimètres de terre ; Pierre Balmain a
lancé une jupe-culotte fourreau, qu'il nomme la « pantajupe », qui
est un compromis entre le pantalon et la jupe, mais reste très féminine, le
pantalon étant absolument enveloppé par le double portefeuille de la jupe.
Dans ces jaquettes-blousons, la majorité des corsages sont
des bains de soleil, aussi largement décolletés que ceux que l'on porte l'été à
la mer ; cette formule, qui cet hiver a eu un si grand succès, permet aux
femmes de dîner au restaurant, d'aller au théâtre sans changer de robe, ou de
danser agréablement à l'heure du thé ou du cocktail. Cette ligne nouvelle est
nettement inspirés de l'époque 1860, Second Empire ou guerre de
Sécession … sauf pour l'ampleur des jupes et leur longueur ! Le bleu
marine et les lainages pied-de-poule sont particulièrement en vogue, parfois ce
dernier apparaît en gilet, en dépassant, en fins lisérés, en garniture sur
l'autre ; mais c'est surtout la lingerie qui abonde, frissonne au col et
aux manches de ces ensembles, doublant des collerettes, des cols montants,
jaillissant en jabot entre les revers, en volants, en gros bouffants entre la
manche de lainage et le poignet : linon uni, linon brodé, incrusté de
guipure, linon glacé. Un procédé nouveau, d'origine américaine, le « perma
starch », permet de garder cette lingerie éternellement apprêtée et
brillante !
On peut également employer pour ce genre de garniture, avec
le bleu marine, les taffetas imprimés de pois, de menus carreaux, de petits
dessins blancs. À noter également, toujours sur le bleu marine, un retour
offensif des galons, passementeries et soutaches noires, et aussi du taffetas
noir.
Les chapeaux, enlevés, s'imposent avec cette ligne
élargissant le buste, petites toques et canotiers portés assez en avant et
basculés, ornés de couteaux, de nœuds en hauteur, d'ailes, de fouets et d'antennes
ou de piquets de fleurs, car la fleur fait, elle aussi, un retour offensif ;
déjà, cet hiver, les couturiers en semèrent largement autour des décolletés et
dans les drapés des robes du soir, ils en piquent maintenant au cou, aux
revers, à la ceinture même des robes d'après-midi, et les modistes furent les
premières à donner le ton.
G.-P. DE ROUVILLE
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