On dit communément d'un mets qu’il est bien fait ou qu'il
est mal fait, et ce, non pas toujours en raison de son degré de cuisson ou de sa
composition, mais surtout du fait qu'il est bien ou mal assaisonné. Et, par assaisonnement,
nous entendons cet art qui consiste à « donner aux mets les plus simples un
goût savoureux par l'addition de condiments appropriés ». La France partage,
avec l'Italie et la Chine, la réputation bien assise de pratiquer assez
savamment cet art, dont la décadence serait due, paraît-il, en grande partie, à
l’usage abusif des narcotiques et excitants en vogue tels que tabac, café, alcool.
C'est le sel qui est le condiment le plus anciennement
et le plus généralement employé. Le meilleur des plats non salé apparaît sans
goût. Il vaut mieux saler au début de la cuisson, quand il s'agit de potages,
soupes, légumes cuits à l’eau ou en ragoût. Mais gardez-vous de saler les
viandes rôties en les mettant au four. Le sel est un déshydratant et ferait
sortir le jus de viande de votre rôti, le dessécherait. On sale à la fin, ou
mieux, pour les volailles surtout, on arrose la pièce avec un peu d'eau
bouillante très salée. On sale en général beaucoup plus que ne l'exigerait
notre organisme, et c'est un excès de soude que nous introduisons ainsi
dans notre corps. Heureusement, l’emploi quasi quotidien de la pomme de terre, très
riche en potasse, contribue à rétablir l'équilibre entre les deux substances.
Le poivre n'est heureusement pas très employé, en
dehors de la charcuterie et pour relever certaines préparations telles que le
gras double, sauce tomate, etc. Il pourrait, employé en trop grande quantité, irriter
les parois de l'appareil digestif.
Le vinaigre est couramment employé pour l'assaisonnement
des salades. Le vinaigre de vin, à doses modérées, n'est pas nocif. Cependant,
il faut lui préférer le citron, qui, en plus de l'acide citrique, d'un goût
analogue à l'acide acétique du vinaigre, apporte des vitamines, en particulier
la vitamine C ; de plus il entre dans une série de réactions dans notre
organisme qui ont pour résultat final d'alcaliniser le sang. Le citron
peut remplacer avantageusement le vinaigre dans toutes les préparations
culinaires ; il est courant d'accompagner le poisson de tranches de citron ;
il peut également être employé dans les mayonnaises et toutes les salades.
Et puis voici toute une série de plantes et herbes
potagères grandes méconnues, grandes incomprises ! Réhabilitons ici
leurs vertus délaissées.
Le persil exerce des effets diurétiques, consacrés
par une tradition très ancienne. Il contient en outre des vitamines, surtout la
vitamine A, ou vitamine de croissance. Comme il se mange le plus souvent cru, il
conserve ainsi toute sa valeur. Il est bon d'en assaisonner le poisson, mais
aussi les viandes grillées, les pommes frites et la plupart des légumes. Il est
d'ailleurs l'une des herbes potagères les mieux connues et des plus employées
de la ménagère comme du maître d'hôtel.
L'ail est très apprécié dans les salades et dans
certains mets de la cuisine méridionale. Il augmente la sécrétion du suc
gastrique et agit comme désinfectant de l'intestin. Il agirait à ce titre comme
préventif du cancer, ainsi que semble le prouver la rareté des affections
cancéreuses en Chine, ou son emploi est copieux.
L'oignon aurait-il les vertus qu'on lui prête parfois ?
La señora Tomasa Varga est morte à Toréou (Mexique) à l'âge respectable de cent
vingt ans. Elle attribuait elle-même sa longévité aux vertus de l'oignon.
Depuis l'âge de quinze ans, en effet, elle mangeait environ 12 oignons crus par
jour : 4 à chacun des trois repas ! L'oignon est riche en soufre, en
sucre, en acides phosphorique et citrique, en sels de soude et de potasse.
Aussi l'usage de l'oignon facilite la diurèse, stimule la sécrétion des sucs
digestifs, accélère la digestion et nettoie le sang de ses impuretés. Aussi
recommande-t-on parfois d'employer l'oignon non seulement comme condiment, mais
de faire une véritable cure d'oignons, recommandable surtout au printemps. La
cure d'oignons peut se faire de deux manières très simples : par la
mastication d'oignon coupé sur du pain beurré (2-3 tartines par jour), ou par
l'absorption de suc d'oignon pilé mélangé à du miel (oignon mûr et cru ordinaire :
300 grammes ; miel liquide : 100 grammes ; vin blanc : 600
grammes. La dose est de 2 à 4 cuillerées à soupe par jour de ce mélange).
La sagesse populaire en recommande l'emploi comme un
auxiliaire précieux des travailleurs intellectuels, son apport au système
nerveux du phosphore qu'il contient facilitant le travail du cerveau.
Bénéficieront de cette cure les personnes atteintes de différentes maladies de
l'appareil respiratoire : asthme, bronchite, laryngite, sinusite, grippe, etc.,
ainsi que les malades souffrant d'hyperacidité stomacale, de ballonnements, de
manque d'appétit, de constipation, de maux de tête. Son effet est remarquable
dans les cas d'hydropisie.
Beaucoup de personnes seraient peut-être tentées de faire la
cure d'oignons à un titre quelconque, mais l'odeur les fait hésiter, ce en quoi
elles ont tort, car rien n'est plus facile que de se débarrasser de l'odeur
d'oignon. Il suffit de se rincer la bouche avec un peu d'eau additionnée
d'alcool de menthe, ou même de mâcher un peu de persil. Un peu de pain sec fait
également le même usage.
Le suc d'oignon entre dans le traitement externe des
engelures, des verrues, des piqûres d'insectes. Que de vertus !
Et voici quelques autres herbes potagères un peu moins
employées peut-être, mais dont on peut conseiller l'emploi :
Le cerfeuil, au parfum très prononcé, passait, jadis
pour guérir le cancer. La médecine populaire l'emploie encore comme antilaiteux
et contre les ophtalmies. C'est un stimulant et son emploi est à conseiller,
soit cru (un hachis de cerfeuil avec des pommes de terre cuites en robe des
champs et coupées en rondelles et assaisonnées à l'huile, citron, sel,
constitue un excellent hors-d'oeuvre, particulièrement riche en vitamines),
soit cuit pour parfumer les bouillons, les soupes.
Le basilic, ou oranger de savetier, a des
vertus antispasmodiques. C'est un condiment employé dans le potage et les
sauces. En poudre, il remplace avantageusement le poivre dans les salades et se
recommande dans la confection des croquettes.
Le thym est bien connu des ménagères, qui l'emploient
par petits brins pour parfumer les ragoûts, spécialement les civets de lapin ou
de lièvre. Le thym est un stimulant des fonctions digestives.
Les baies de genièvre sont diurétiques. Caton
l'Ancien les recommandait pour la fabrication d'une certaine boisson activant les
fonctions rénales. On les emploie aussi dans la préparation des civets. Les
tartines au genièvre (tartines beurrées recouvertes de baies de genièvre
écrasées), servant de support à du petit gibier à plumes tel que grives, tourdres,
perdreaux, cailles, etc., donnent un mets succulent : certains préfèrent
la tartine imbibée du jus de perdreau au perdreau lui-même !
Ménagères, pensez à employer ces herbes potagères aux vertus
si diverses et qui relèvent si agréablement les divers mets !
Puisse cette rapide étude nous remettre en mémoire que notre
sol est riche en condiments excellents et que nous aurions grandement tort de
nous en passer ou de continuer à les ignorer !
A. PEYREFITTE.
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