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La vie en altitude

La vie en altitude est anormale du fait des variations de pression atmosphérique, des variations de température, du bruit et des vibrations, et des mouvements de l'appareil (variation de vitesse).

Variations de la pression atmosphérique.

— Au fur et à mesure qu'on s'élève, la pression atmosphérique varie de telle façon que, grossièrement, elle est d'une moitié d'atmosphère seulement à 5.000 mètres et d'un quart d'atmosphère à 10.000 mètres. Cette variation de pression produit sur l'organisme des effets mécaniques qui sont dus uniquement à la dépression et des effets pathologiques, par suite de la diminution de la pression partielle de l'oxygène.

Effets de la dépression atmosphérique : la loi de Mariotte indique que le produit de la pression par le volume est constant ; donc, quand la pression diminue, le volume augmente. C'est vrai pour tous les gaz du corps.

D'abord, pour les gaz libres qui se trouvent dans les cavités de l'organisme.

Si les cavités communiquent librement avec l'extérieur, l'équilibre s'établit plus ou moins facilement ; si les cavités communiquent difficilement avec l'extérieur, l'équilibre se produit lentement et peut même ne pas s'établir du tout, ce qui entraîne des troubles variés dus aux surpressions locales pendant la montée et aux dépressions locales pendant la descente. Cavités de l'organisme :

Poumons. — L'équilibre s'établit facilement par suite de la grande surface de contact entre le sang et l'air extérieur.

Estomac. — La dépression produit une dilatation de la poche gazeuse de l'estomac, ce qui chez les personnes atteintes d'aérogastrie, peut provoquer le soulèvement du diaphragme et des palpitations.

Intestins. — Les mêmes phénomènes se passent dans les intestins, et l'ascension produit un ballonnement qui peut être extrêmement douloureux, si les gaz ne sont pas éliminés par les orifices naturels.

Sinus frontaux. — Ces sinus sont des cavités qui communiquent avec l'extérieur, sauf en cas de rhume, car l’orifice de communication peut être partiellement obstrué. Dans ce cas-là, la montée peut donner des maux de tête localisés au-dessus des yeux pour les sinus frontaux et des névralgies dans les dents supérieures, lorsque les sinus maxillaires sont en cause.

Oreilles. — Les plus gros incidents se produisent au niveau de l'oreille moyenne. L'oreille moyenne est une cavité pleine d'air qui communique avec l’atmosphère par la trompe d'Eustache, petit conduit fin qui s'ouvre dans l'arrière-gorge. Si ce conduit vient à s'obstruer, ou simplement à ne pas être suffisamment perméable, à la montée, l'air contenu dans l'oreille moyenne est en surpression, fait tomber le tympan et peut même, dans certains cas graves, en occasionner la perforation. À la descente, les microbes de la gorge peuvent être projetés dans l'oreille moyenne et l'infecter en donnant une otite, ou bien l'air peut ne pas rentrer, ce qui amène une dépression dans l'oreille moyenne.

Dans ce cas-là, le tympan bombe vers l'intérieur.

Tous ces phénomènes s'accompagnent de diminution de l'audition et de douleurs extrêmement vives pouvant aller jusqu'à la syncope ; à la longue, une surdité définitive peut s'installer.

Effets de la diminution de la pression partielle d'oxygène :

Jusqu'à des altitudes de 12.000 mètres, la composition de l'air ne varie pas. En proportion, il y a toujours, quelle que soit l'altitude, 21 p. 100 d'oxygène dans le mélange. Cependant, au fur et à mesure que la pression globale diminue, la quantité d'oxygène devient insuffisante pour assurer l'oxygénation normale du sang.

La combinaison réversible hémoglobine + O2 + oxyhémoglobine n'est plus que partielle :

à 5.000 mètres, 86 p. 100 de l'hémoglobine du sang se combine.
à 10.000 mètres, 62 p. 100 = =
à 12.000 mètres, 40 p. 100 = =

ce qui est insuffisant pour entretenir la vie.

L'organisme commence à souffrir à 2.500 mètres, cela se manifeste par : une augmentation des mouvements respiratoires, des contractions cardiaques et du nombre des globules rouges qui viennent de la rate.

Au-dessus de 4.000 mètres, la fatigue s'installe avec une tendance au sommeil, à l'incoordination des mouvements (écriture), vision double, diminution de la luminosité des objets et de la vision nocturne. Enfin, la perte de connaissance peut survenir de façon brutale, instantanée, sans signes précurseurs, vers 7.000 mètres.

Après l'atterrissage, il persiste une excitation nerveuse passagère avec céphalée et besoin impérieux de sommeil.

Ces troubles varient avec l'état du sujet (fatigue préalable) et son entraînement, avec la vitesse de l'ascension, avec la durée du séjour en altitude, par exemple : une vitesse ascensionnelle de :

30 m/minute donne un seuil d'inconscience de 6.850 mètres.
220 m/minute = = 8.000 mètres.
370 m/minute = = 9.000 mètres.

Un temps de séjour de 1 heure abaisse le seuil à 5.000 mètres ; un temps de séjour de plusieurs heures abaisse le seuil à 3.500 et même 3.000 mètres.

Variations de température.

— La température baisse rapidement de 1° par 100 mètres dans l'air sec et 1° par 200 mètres dans l'air humide, ce qui fait que, si la température est de 15° au sol, elle est de - 32° à 5.000 mètres et de – 60° à 10.000 mètres.

Ce refroidissement de la température a pour effet d'augmenter la sécheresse de l'air, ce qui retentit sur l'organisme en provoquant une augmentation respiratoire et de la soif.

Bruits et vibrations.

— Le bruit et les vibrations qui proviennent soit de l'action de l'air sur les ailes, soit du bruit des hélices, soit du bruit des moteurs peuvent, à la longue, amener des troubles digestifs ou nerveux.

Mouvements de l'appareil.

— Les trous d'air et les variations de vitesse de l'appareil provoquent des troubles qui sont dus aux effets des accélérations.

Les accélérations s'évaluent en multiple de g. Elles peuvent être :

    — rectilignes positives en cas de décollage ;
    — rectilignes négatives en cas de freinage brusque ;
    — centripètes dans les virages serrés ou à grande vitesse ;
    — angulaires dans les figures acrobatiques.

Ces accélérations sont à la base du mal de l'air.

Le mal de l'air est caractérisé par une excitation du système nerveux involontaire et, en particulier, du nerf pneumogastrique.

Il est déclenché par des impressions visuelles (mouvements des ailes), des impressions viscérales (trous d'air) et par l'excitation des canaux semi-circulaires situés dans l'oreille interne.

Il se traduit par des transpirations, une impression de la mort prochaine, des vomissements, des vertiges et même, quelquefois, des syncopes plus ou moins graves. Tous ces troubles disparaissent à l'atterrissage.

Prévention et traitement.

— Les traitements des effets de la dépression atmosphérique sont multiples. Il faut d'abord monter lentement et descendre de même, en ne dépassant pas une vitesse d'ascension ou de descente de 150 m/minute.

Pour pallier les inconvénients de la dépression sur les cavités, il y a lieu d'éviter le vol aux personnes enrhumées, de leur recommander de moucher chaque narine isolément, de faire des mouvements de déglutition ou de mâcher du chewing-gum pour éviter des complications du côté de l'oreille moyenne. En ce qui concerne la prévention des troubles digestifs, il faut conseiller de petits repas légers avant la montée en avion et l'abstention d'ingestion d'alcool ou de boisson gazeuse.

Les troubles dus au manque d'oxygène se traitent par l'inhalation d'oxygène pur en quantité très importante.

L'ingestion de matières sucrées : 100 à 200 grammes de bonbons ou de miel avant ou pendant le vol, permet d'élever le seuil d'intolérance.

Les variations de température doivent être corrigées par les constructeurs d'avions ; sinon, il faut se munir de vêtements chauds et absorber des boissons chaudes.

La prévention du mal de l’air se fait par l'entraînement au vol et par l'absorption de composés peu toxiques, comme le propivane : 2 comprimés trois fois par jour, ou des médicaments plus actifs mais toxiques, comme la scopolamine à la dose de 3 comprimés au maximum par 24 heures. Si le mal de l'air est trop grave, il faut faire respirer de l'oxygène, absorber des médicaments cardio-toniques et des calmants nerveux.

Armand AVRONSARD.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 122