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Formation des boutons à fleurs du poirier

Influence du sol.

— En considérant le sol dans sa constitution, nous retrouvons les mêmes causes réagissant dans des conditions identiques. Un sol argileux, retenant facilement l'eau, permettra aux raisins d'en absorber une plus grande quantité que dans un terrain léger, ne retenant pas l'eau. Comme conséquence, nous verrons les arbres plantés en sol argileux fructifier plus tardivement que ceux se trouvant en terrain léger siliceux, caillouteux.

Individualité de l'espèce, de la variété.

— En étudiant un végétal dans ses caractères individuels, nous trouvons de grandes différences.

Un arbre à racines traçantes puise son eau dans les couches superficielles du sol pauvre en humidité, tandis que celui qui a des racines pivotantes pourra pénétrer dans les couches profondes, plus aquifères ; aussi les premiers (poiriers greffés sur cognassiers, pommiers greffés sur paradis, pêchers greffés sur pruniers, se mettent plus rapidement à fruits que les seconds (poiriers, pommiers, pêchers greffés sur franc).

Les arbres pourvus d'un système radiculaire puissant, traçant ou pivotant, seront aptes à absorber plus d'eau que d'autres à système radiculaire traçant moins développé ; cette faculté aura sa répercussion dans les organes à fruits. Dans le premier cas, les bourgeons à fruits apparaîtront plus difficilement que dans le deuxième.

Parmi les variétés de nos essences fruitières, nous en avons qui sont plus fructifères que les autres. Il est à remarquer que les variétés rebelles à la fructification possèdent un système vasculaire puissant ; la sève brute y circule en abondance et tous les bourgeons partent à bois.

Les variétés fructifiant facilement possèdent un système vasculaire réduit, les bourgeons recevant peu d'eau évoluant en boutons à fruits.

En diminuant l'arrivée de l'eau dans une variété peu productive, on améliore la production, elle s'établit plus rapidement ; on prend pour cela un sujet à racines radiculaires faibles, sur lequel on le greffe. Au contraire, en donnant à une variété fructifère un porte-greffe à système radiculaire vigoureux, la fructification se ralentit et le végétal est plus vigoureux.

Mise à fruits des arbres.

— Nous allons utiliser les connaissances acquises dans l'évolution du bourgeon pour les mettre à fruits, en prenant un des procédés indiqués modifiant l'arrivée de l'eau.

Ce but sera atteint par divers procédés.

Procédés agissant sur les racines.

— Pour amener un arbre à se mettre à fruits, nous pouvons agir directement sur l'organe qui absorbe l'eau dans le sol.

La racine.

— Le phylloxéra nous a indiqué, depuis longtemps, comment il fallait opérer ; on sait qu'une vigne phylloxérée fructifie mieux qu'une vigne saine. Malheureusement, sa durée de production est très limitée et la souche meurt en quelque temps !

Un arbre rebelle à la fructification peut donner une récolte en coupant autour de la tige quelques grosses racines, en cernant le pied par un fossé circulaire. Ce fossé, ayant pour but de couper l'extrémité des racines, sera comblé immédiatement après. La transplantation d'un arbre formé oblige ce dernier à se mettre vite à fruits. Les plantations denses auront une action analogue : le nombre d'arbres étant augmenté, la quantité d'eau dans le sol étant constante se trouvera répartie dans chacun d'eux en quantité plus petite.

Procédés agissant sur la tige, les branches.

— On pourra obtenir des résultats analogues en allongeant la tige, les branches charpentées, la flèche ; les rameaux de prolongement peuvent être considérés comme des régulateurs ; on multiplie les obstacles à la circulation de la sève en mortifiant les tissus ; on obstrue un certain nombre de vaisseaux.

Tous les praticiens savent très bien que, pendant la période de formation d'un arbre, la fructification est nulle ; l'arbre donne naissance à des rameaux à bois ; aussitôt la charpente établie apparaissent les boutons à fleurs.

Les mêmes effets seront obtenus en réduisant au minimum la circulation de la sève brute en pratiquant un cran, une entaille, une incision. En inclinant vers l'horizontalité les tiges, branches charpentières ou fruitières, l'ascension de la sève devient plus difficile. L'ascension est au maximum quand la branche est verticale, au minimum à l'horizontale. La compression, l’aplatissement, le froissement des vaisseaux produiront les mêmes effets que l’arcure.

En réduisant la surface foliaire, nous aurons comme première conséquence la surface foliacée diminuée et, partant, l'ascension de la sève ralentie ; ce phénomène exerce une action très importante par le vide qu'il produit dans les vaisseaux ; la sève ralentit son ascension dans le végétal et l'oblige à s'élever. L'ébourgeonnement, le pincement, l'effeuillage, la taille en vert permettent d'arriver facilement à la transformation de production en bourgeons à fruits.

Conclusion.

— Il ne suffit pas que les bourgeons à fleurs soient nombreux pour obtenir une abondante récolte ; il faut aussi que l'arbre puisse nourrir les fruits qu'on lui laisse porter. C'est qu'en effet les mêmes causes qui favorisent la fructification rendent aussi l'arbre fruitier plus sensible à la sécheresse. En s'opposant à l'arrivée de l'eau, les rameaux à fruits sont exposés à se dessécher lorsque l'arbre vit dans un sol sec, non pas au printemps, au moment de l'épanouissement des bourgeons, mais plus tard ; lorsque le système foliacé est développé, il évapore beaucoup. Toutes les fois que le végétal souffre de la sécheresse, les feuilles fonctionnent mal, la maturation est mauvaise.

De ce qui précède, nous pouvons déduire les conclusions suivantes :

Dans les plantations en coteaux, en terrains secs, peu profonds, où la formation du bourgeon à fleurs s'établit bien, on emploiera des variétés à maturité précoce, vigoureuses, greffées sur un sujet à système radiculaire puissant, qui seront conduites en petites formes, soumises à la taille courte. Pour leur mise à fruits, ne jamais utiliser les procédés qui obstruent l'arrivée de l'eau dans le bourgeon. Le sol sera fumé copieusement ; pour maintenir la fraîcheur, on entretiendra la terre constamment meuble par des binages répétés.

E. DÉAUX.

Le Chasseur Français N°637 Mars 1950 Page 164