Dans notre dernière étude, nous avons examiné les deux
principales maladies de la vigne : l'oïdium et le mildiou. Nous allons
passer en revue les autres maladies qui, sans être aussi répandues, peuvent
néanmoins causer parfois des dégâts importants.
Le black-rot(Guignardia Bidwellii).
— Venu d'Amérique du Nord, il a été constaté la
première fois en France aux environs de Ganges (Hérault) en 1885. Peu à peu, sa
présence a été constatée un peu partout ; mais on a admis ensuite qu'il se
développe surtout dans les régions au climat chaud et humide comme celui du
Sud-Ouest.
Le black-rot attaque tous les organes verts de la vigne,
mais principalement les jeunes feuilles et les grains. L'incubation se
caractérise sur la feuille par un léger boursouflement à la surface supérieure.
Au bout d'une douzaine de jours, celui-ci prend la teinte feuille-morte, et
vingt-quatre heures après apparaissent de petites taches noires arrondies
disposées en cercle avec quelque régularité.
Les gravures ci-dessous montrent la tache feuille-morte
(fig. 1) avec les pustules noires, un grain et une feuille attaqués (fig. 2
et 3).
Les grains sont atteints de côté par une tache ronde.
Cette particularité permet de différencier ce champignon du rot brun, dont
l'attaque débute par le point d'attache du grain.
Lorsqu'on regarde, au microscope, une coupe mince de la
pustule noire, on constate la présence d'une cavité tapissée de petits
corpuscules ovoïdes supportés par de petits bâtonnets, ou pédicelles (fig. 4).
Ces corps ovoïdes ne sont que les spores du champignon, qui s'échapperont par
l'ouverture située à la partie supérieure de la cavité.
Contrairement à ce qui se passe pour les autres champignons,
les spores du black-rot ne sont pas emportées par le vent ; restant sur
place, elles sont entraînées par les eaux de pluie.
Le champignon produit également des spores d'hiver.
Les traitements contre le mildiou servent aussi contre le
black-rot. Toutefois, le congrès de Bordeaux, en 1896, a préconisé, de faire le
premier traitement quand les pousses ont de 5 à 10 centimètres de long. Depuis
cette date, on a remarqué que ce premier traitement devait se faire quand la
vigne avait 3 feuilles, en le répétant tous les 8 à 10 jours jusqu'à la
floraison.
Le rot blanc (Charrinia diplodiella).
— Ce parasite est contemporain du précédent, mais n'en
a pas la virulence.
Il attaque les grains après la véraison ou à la suite d'une
blessure, par la grêle par exemple.
Dès son apparition, faire un traitement cuprique dans lequel
il sera bon d'incorporer du permanganate.
Anthracnose maculée (Manginia ampelina).
— Très vieille maladie de chez nous, connue des Romains
qui l'ont décrite sous le nom de charbon (anthracnose signifie maladie du
charbon).
Très répandue dans la vallée du Rhône et en Provence,
cette maladie envahit, pendant leur croissance, tous les organes verts de la
vigne, sans exception.
Sur les jeunes sarments, on constate des taches creuses de
quelques millimètres, ceinturées de noir et à fond cotonneux.
Les taches s'agrandissent, se creusent ; si elles se
rejoignent, les sarments deviennent cassants, ils émettent alors des
ramifications et prennent l'aspect buissonnant. Le même phénomène se produit
sur les grains. C'est la maladie des terrains humides ou des vignobles
avoisinant une nappe d'eau.
Les spores du champignon ont l'aspect de bâtonnets un peu
renflés. Par exception, le mycélium du champignon reste vivant pendant la
période d'hivernage et émet des spores au printemps.
Traitements.
— Tailler la vigne sévèrement, brûler tous les bois
morts sans exception. Décortiquer les souches (si possible) et brûler les
écorces, puis badigeonner les souches avec la solution suivante : pour 100
litres d'eau très chaude, 35 kilogrammes de sulfate de fer, puis 2
litres d'acide sulfurique. Badigeonner avec la solution chaude. Ensuite, faire
les poudrages comme suit :
Rameaux ayant 10 centimètres de long : |
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Soufre en fleur |
4 parties. |
Chaux grasse tamisée |
1 partie. |
Continuer ensuite avec la formule : |
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Soufre en fleur |
2 parties. |
Chaux grasse tamisée |
3 — |
Ces deux traitements se complètent. |
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Pourriture grise (Botrytis cinerea).
— C'est la pourriture noble de certains de nos grands
crus.
Ce champignon se développe principalement sur les grains
après de fortes pluies ; développement favorisé par un feuillage très
abondant, des grappes à grains serrés, en somme tout ce qui concourt à
maintenir une humidité de serre.
Tous les traitements essayés sont restés sans résultats. Il
faut effeuiller, pour permettre l'aération, et proscrire les grappes à raisins
serrés dans les régions où cette maladie existe à l'état permanent.
Furmagine.
— Les champignons qui produisent cette maladie se
développent sur les plaies faites, sur les organes verts de la vigne, par
différentes cochenilles, ces plaies donnant passage à la jeune sève dans
laquelle germent les spores de ces champignons.
Ces moisissures enlevant toute valeur à la vendange, il
convient donc de détruire les cochenilles dès leur apparition, au moyen des
insecticides connus.
Le court-noué.
— Cette maladie, connue depuis longtemps, a fait
quelques ravages en France pendant ces dernières années, surtout parmi certains
hybrides.
Aujourd'hui, on est à peu près convaincu que cette maladie
est due à la présence d'un ou plusieurs virus, qui mortifient les sarments,
raccourcissent ou suppriment certains entrenœuds, donnent au cep l'aspect
rabougri et buissonnant et provoquent sa mort.
On préconise l'isolement des pieds malades par des tranchées
profondes, l'arrachage et l'incinération sur place des ceps et surtout des
racines, ensuite la désinfection du sol par des doses répétées de sulfure de
carbone.
Le court-noué pourrait être classé parmi les maladies des
racines que nous allons examiner.
Les pourridiés.
— Ce sont des moisissures qui ne sont pas particulières
aux vignobles et qu'on retrouve dans les vergers aux sols compacts, frais et
riches en matières organiques.
Parmi ces moisissures, l'une, le Dematophora necatrix, se
développe d'abord dans les matières organiques du sol, d'où il passe sur les
racines.
La partie atteinte du vignoble forme une tache arrondie,
elle porte une récolte excessive (comme tous les végétaux qui se sentent
mourir), puis la végétation languit, la souche devient buissonnante et meurt.
Quand on arrache une racine malade, celle-ci est cassante ;
sous l'écorce, on distingue des filaments blanchâtres, et souvent, au collet de
la souche, la présence d'une touffe de champignons du type agaric.
Pour remédier à cette maladie, drainer les sols, si cela est
nécessaire, et faire le même traitement que celui du court-noué.
Roesleria hypogea.
— C'est un champignon qui se trouve sur les racines
phylloxérées et qui se présente sous la forme d'une toute petite boule fixée
sur un court pédicelle. Il se développe surtout sur les souches malades et appelées
à disparaître.
Fibrillaria mella.
— Il ne faut pas confondre ce champignon avec celui du
pourridié ; ses filaments ne se développent pas sur les racines saines,
mais sur les écorces et bois morts, et ne causent pas de dégâts.
Nous terminerons cet exposé des maladies cryptogamiques en
disant un mot des plaies de taille. Celles-ci peuvent être envahies, surtout
par temps humide, par des moisissures dont certaines progressent dans le cœur
de la moelle et provoquent la mort des yeux fructifères. On y remédie soit en
taillant sur le nœud (en ayant soin de laisser la cloison), soit en
badigeonnant dès la coupe la plaie avec une solution de sulfate de fer à 40 p. 100.
Dans notre prochaine étude, nous examinerons les dégâts
commis par les insectes.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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