Condition « sine qua non » du succès.
— L'élevage des lapins ne peut vraiment être
rémunérateur que si on applique les méthodes semi-libres, de façon à réduire le
plus possible les dépenses de main-d'œuvre occasionnées par l’affouragement,
les soins de propreté, etc., tout en évitant le gaspillage de la nourriture.
Même l'élevage en liberté dans les garennes ne peut être
d'un bon rapport que si le peuplement est bien compris, c’est-à-dire si le
lâcher a lieu dans un terrain sain, à l'abri des inondations, et si on a soin
de limiter le nombre des mâles d'après celui des femelles, cela pour éviter les
batailles et les destructions de nids. Enfin, tout en veillant à ce que la
nourriture ne fasse jamais défaut, on devra proportionner les effectifs à
l'étendue du terrain disponible, de manière à empêcher l'apparition des
maladies contagieuses, dans le genre de la coccidiose, qui font crever les
lapereaux comme des mouches au printemps et à l'arrière-saison.
Une garenne d'une étendue d'un hectare, par exemple,
maintenue à l'effectif de 20 lapines et de 2 mâles, rapportera tout autant,
sinon plus, que si elle était habitée par un nombre double ou triple de
reproducteurs de sexe indéterminé, où les dépenses d'entretien seraient bien
plus élevées, les risques de mortalité bien plus à. craindre.
Une garenne dans un pré.
— Un abonné de l'Eure, désireux de créer une garenne
dans un pré, demande la marche à suivre pour en obtenir de bons résultats.
En principe, à moins qu'il ne s'agisse de prés secs, les herbages
ne sont pas souvent affectés à recevoir des lapins. Le plus généralement, c'est
aux friches, aux landes, aux parcelles boisées et autres lieux peu accessibles
et de faible valeur que l'on s'adresse pour y créer des garennes. Dans tous les
cas, les directives restent les mêmes.
En premier lieu, le terrain devra être perméable, surélevé,
jamais en cuvette. Le sol pourra être caillouteux, mais non rocheux, de façon
que les lapins puissent y creuser leurs terriers.
Pour éviter les évasions et l'intrusion de maraudeurs, bêtes
et gens, la garenne sera enclose de grillage galvanisé, à mailles de 52
millimètres, ayant 2 mètres de hauteur, dont 55 centimètres enfouis dans le
sol.
Quelque part dans la garenne, à un endroit bien exposé, on
construira un abri rustique, monté sur poteaux, couvert en chaume ou en genêts,
à usage de réfectoire. C'est là que l'on placera un nombre variable de râteliers-chevalets
grillagés, faciles à construire, dans lesquels se feront les distributions de
fourrages verts et secs, venant compléter les ressources naturelles du pacage.
Bien entendu, on devra forcer davantage la nourriture en hiver et en été, à
l'époque des grands froids et des fortes chaleurs.
Avant de procéder au peuplement, il est recommandé de créer
un bon fonds de plantes vivaces, en semant des graines de trèfle blanc et
hybride, de lotier corniculé, de pimprenelle, jacée, pissenlit, carotte
sauvage, etc., se reproduisant naturellement, sans intervention.
Peuplement d’une garenne.
— On peut employer indifféremment soit des lapins
sauvages, soit des lapins domestiques, ou donner un mâle garenne à des femelles
domestiques. Suivant l'étendue du parcours, on lâchera 10, 20, 30 femelles avec
1, 2, 3 mâles, soit un pourcentage de 10 p. 100 au plus.
Si on utilise des lapins de baraque, on les prendra de
préférence de couleur grise et de taille médiocre. Mais même des géants blancs
reviendraient toujours, au bout d'un certain nombre de générations, au type
ancestral gris dont ils proviennent, en raison du mimétisme défensif et des
aptitudes physiques qui conditionnent les espèces à l'état sauvage.
Dans un terrain perméable, sableux ou caillouteux, en légère
pente, recouvert d'une abondante végétation, on peut mettre, à surface égale,
un nombre double de reproducteurs que dans un terrain plat, aride, constitué
par des marnes glaiseuses.
On peut admettre, comme moyenne de peuplement, 20 lapines et
2 mâles a l'hectare. Avant le lâcher des reproducteurs, on amorcera au louchet,
à l'endroit le plus élevé et le plus sain de la garenne, des trous profonds de
35 à 40 centimètres, que les lapins approfondiront pour établir leurs terriers.
Conduite des garennes.
— Il est recommandé de faire en tous temps des
distributions de fourrage dans les râteliers, afin de maintenir la flore
naturelle en continuel état de production, et, s'il n'y a pas de source, l'eau
ne manquera jamais dans les abreuvoirs. Toutes les semaines, on nettoiera le
réfectoire et ses abords, puis on y pulvérisera une solution crésylée ou
javellisée à 4 p. 100, afin de détruire les microbes et les parasites des
excréments.
Environ sept à huit mois après le peuplement, on fera une
razzia des lapereaux, qui pourront être livrés à la consommation, s'ils ont été
abondamment nourris. On conservera seulement les reproducteurs initiaux ou, du
moins, le même nombre de femelles et de mâles.
La capture se fera de préférence au moyen de bourses, en
s'aidant du furet. Une garenne à l'effectif de 10-20 lapines pourra rendre,
tous les sept à huit mois, 50-100 lapereaux de marché, qui auront coûté très
peu à nourrir, si on a évité le surpeuplement.
En dehors des garennes proprement dites, on peut produire
des lapins dans des installations mixtes, sur un terrain de quelques ares
prélevés sur un parc, une pelouse, un bosquet, un jardin, etc. Mais, en raison
de leur exiguïté, pour éviter les affections morbides, il faudra pratiquer
l'alternance du parcours en le divisant en deux. C'est un mode de distribution
qui tient le milieu entre le clapier et la garenne ; le seul applicable
dans les petites propriétés.
C. ARNOULD.
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