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Causerie vétérinaire

La tuberculose aviaire

La tuberculose des volailles, comme celle des mammifères, est une maladie contagieuse, inoculable, provoquée par un bacille particulier, le bacille tuberculeux aviaire. Elle peut frapper tous les oiseaux de basse-cour, mais particulièrement les poules et les dindons.

Diverses observations ont montré que la tuberculose de l'homme était transmissible aux oiseaux de basse-cour. Il est bien connu que les perroquets et les canaris peuvent contracter la tuberculose type humain et devenir contagieux pour les enfants. D'après certains auteurs (Nocard, Arloing, etc.), il n'y aurait pas dualité entre les bacilles type humain et type aviaire, mais seulement une adaptation passagère du même bacille, intéressante pour l'hygiéniste, mais insuffisante à créer une espèce bactérienne. Ce qui vient encore appuyer cette opinion, c'est que le perroquet maintenu en cage dans les appartements peut être atteint de tuberculose, dont les lésions contiennent des bacilles de type humain, tandis que le même oiseau renfermé dans les volières des jardins zoologiques présente des lésions tuberculeuses de type aviaire.

D'après des statistiques récentes, la mortalité des volailles serait due à la tuberculose dans environ 10 p. 100 des cas. Chez le pigeon, ce pourcentage est beaucoup moins élevé et oscille autour de 1,4 p. 100 ; les oies et les canards paraissent encore plus résistants : 0,1 p. 100. Par contre, les perroquets et les canaris payent le plus large tribu ; on note, d'après divers auteurs : 15 p. 100, 25 et même 36 p. 100.

Au point de vue économique, la tuberculose aviaire est d'autant plus dangereuse qu'elle sévit le plus souvent à l'état chronique, que les malades ne succombent pas en masse. De ce fait, la maladie passe inaperçue ; elle est insidieuse et n'attire guère l'attention qu'au moment où elle a exercé ses ravages chez la presque totalité des sujets.

Le tube digestif est la voie principale d'introduction du virus dans l'organisme. Les bacilles, disséminés, avec les déjections des malades, sont repris par les sujets sains avec les aliments souillés. L'infection est favorisée surtout par l'habitude que l'on a de jeter les grains sur le sol des parquets, afin d'obliger les volailles à prendre de l'exercice. C'est, en effet, le tube digestif qui est le plus souvent le siège des lésions, la voie respiratoire n'étant que très rarement atteinte. Enfin, les oiseaux sauvages, moineaux, etc., les pigeons, les rongeurs, rats et souris, peuvent aisément transporter le bacille tuberculeux à distance.

Symptômes.

— Les symptômes de la tuberculose aviaire sont très vagues, très discrets, parce que les viscères intéressés par le développement des lésions sont des viscères profonds et que les manifestations extérieures apparentes sont exceptionnelles. Chez les perroquets cependant, un symptôme tout particulier consiste en des ulcérations du bec ou des muqueuses et des lésions cutanées. La peau est couverte d'un dépôt d'aspect caséeux à surface dure, cornée et blanchâtre.

Ce n'est ordinairement que lorsque l'organisme est déjà en état de déchéance que l'on peut suspecter l'affection. On constate alors les symptômes suivants : l'aspect du plumage devient sec et terne, comme brûlé ; l'oiseau est faible, indifférent ; il se défend à peine quand on veut le saisir, semble ne pas avoir la force de fuir quand on le poursuit ; fort souvent, il se tient immobile dans un coin du poulailler, d'une cour, la tête et le cou enfouis dans les épaules ; la crête, les barbillons prennent une teinte grisâtre, la première pendant comme une petite loque sèche ; parfois, une diarrhée persistante accompagne tous ces symptômes et paraît résister à tout traitement ; les boiteries sont fréquemment constatées au cours de la maladie et, fait constant qui frappe l'éleveur dès qu'il saisit le malade, l’amaigrissement continue jusqu'à l'extrême limite, c'est-à-dire la mort, qui se produit entre la cinquième et la huitième semaine après la constatation des premiers troubles. Le cadavre de la volaille ne représente plus alors que le poids de la plume, des os et de la peau.

La protection des volailles par le B. C. G. a été tentée, mais n'a donné jusqu'ici aucun résultat digne de retenir l'attention. Aussi, lorsque l'on possède un élevage sain, doit-on prendre soin de n'y introduire aucun sujet provenant d'élevages infestés. Il est donc de toute importance de tenir à part, pendant quinze jours à trois semaines, tous les sujets nouvellement introduits dans la basse-cour. S'ils se sont maintenus en parfait état de santé, si l'on ne constate aucun amaigrissement anormal, on pourra alors sans crainte les mélanger avec les autres sujets de la basse-cour.

Si le diagnostic clinique offre de grandes difficultés et exige le plus souvent, dans les cas douteux, la recherche du bacille aviaire dans les excréments, l'épreuve de diagnostic par l'injection intradermique de tuberculine aviaire donne des résultats positifs lorsqu'elle est correctement exécutée. La crête et les barbillons sont les régions d'élection pour obtenir des réactions facilement appréciables à la vue. Après une injection d'un dixième de centimètre cube de tuberculine aviaire diluée au quart, apparaît dans les vingt-quatre à quarante-huit heures une infiltration œdémateuse qui devient saillante, déforme l'emplacement choisi et donne à première vue l'impression permettant le diagnostic positif ou négatif. Dans le premier cas, le barbillon est quelquefois triplé ou quadruplé d'épaisseur, celle-ci étant surtout appréciable par comparaison avec l'autre barbillon resté normal.

En raison de la densité des tissus cutanés et sous-cutanés de la crête et des barbillons, l'injection est assez difficile à faire correctement ; elle nécessite une seringue fonctionnant très bien et une aiguille qui ne doit être introduite que sur 5 à 6 millimètres de profondeur. D'ailleurs tous les vétérinaires, auxquels il convient de recourir pour pratiquer l'injection, possèdent les instruments nécessaires pour l'exécuter très correctement.

Traitement.

— La tuberculose aviaire, dans l'état des connaissances acquises, ne paraît justiciable d'aucun traitement curatif. Au point de vue préventif, au contraire, on peut faire quelque chose d'utile : d'abord reconnaître et grouper les malades ; sacrifier les plus atteints, les plus épuisés et les plus âgés ; utiliser si l'on veut ceux qui, en bon état de chair, sont encore susceptibles d'être engraissés ou consommés, après épluchage et élimination des organes atteints, bien entendu. Enfin, les volailles saines seront autant que possible déplacées et installées dans des enclos neufs, non contaminés. Les emplacements primitifs seront abandonnés temporairement et sérieusement désinfectés avant d'être repeuplés pour élevages.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°637 Mars 1950 Page 173