Le projet de loi sur l'organisation de la chasse a fait
beaucoup de bruit : après beaucoup d'autres, il est allé dormir dans
quelque carton vert. Mais serait-il absolument nécessaire d'user de la contrainte
pour nous organiser, et n'avons-nous pas déjà entre les mains tous les instruments
nécessaires ? Une nouvelle loi ne serait pas plus efficace pour l'amélioration
de la chasse si l'essentiel fait défaut : la bonne volonté de tous les
intéressés.
On reproche à la chasse banale la multiplication excessive
des fusils, sans tenir aucun compte des possibilités du terrain ; on lui
reproche un gardiennage insuffisant pour la répression du braconnage et la
destruction des nuisibles ; en somme, on l’accuse de destruction aveugle
et totale du gibier.
Il faut bien reconnaître, hélas ! que souvent ces
griefs sont fondés, tout au moins dans certaines régions. Mais ces maux ne sont
pas sans remèdes, et les plus efficaces sont aussi les plus simples et à la
portée de tous.
La multiplication inconsidérée du nombre des permis rend
urgente la réorganisation de la chasse. Et, quelque gêne que cela puisse
apporter aux chasseurs indépendants, il est dans leur intérêt comme dans l'intérêt
de tous les chasseurs que tous les terrains soient organisés, que ce soit en
chasse communale ou en chasse privée, à la condition, bien entendu, que chaque
organisation s'acquitte de sa tache. En compensation, il est souhaitable que les
sociétés communales permettent, au moyen de cartes, la pratique de la chasse
aux chasseurs moins favorisés qui apporteront en même temps des ressources supplémentaires
aux caisses des sociétés.
Il est bien certain, d'autre part, que si le prix du permis
de chasse avait suivi depuis 1914 l'augmentation du coût de la vie, s'il
coûtait comme à cette époque le même prix que 100 cartouches calibre 12, le
nombre des porteurs de permis n’aurait pas à ce point proliféré. L'augmentation
du coût du permis de chasse sous forme d'impôt n'est pas à souhaiter, mais par
contre, si le permis de chasse est resté a un prix très modique par rapport à
l'ancien temps, cela doit permettre aux chasseurs de verser une cotisation plus
substantielle a leurs sociétés et à leurs fédérations. Avec ces fonds, les sociétés
pourraient acheter du gibier et les fédérations payer des gardes. Voilà le
premier remède.
Ensuite, si l'on estime que le meilleur repeuplement est le
repeuplement naturel, si l'on estime aussi que le gibier est traqué de toutes
parts sur nos terrains de chasse banale, la première solution qui s'impose à
l'esprit, c'est la création de réserves suffisantes et efficaces. Souvent une société
de chasse ne pourra faire le sacrifice du terrain nécessaire à la création
d'une réserve digne de ce nom, et d'ailleurs, si chaque commune avait sa
réserve, comment pourrait-on arriver à en assurer le gardiennage et à y
effectuer régulièrement la destruction des nuisibles ?
Heureusement, beaucoup de sociétés communales vivent en
bonne intelligence avec leurs voisines et s'accordent la réciprocité. Dans ce
cas, il est facile de s'entendre et de former une grande réserve centrale intercommunale.
Il suffit, dans ces sociétés, de créer un mouvement de bonne volonté pour surmonter
les obstacles de l'indifférence et de la routine. À cette condition, on verra se
créer de belles réserves qui contribueront à sauver et à conserver du gibier.
Voilà le second remède, et il est excellent.
Naturellement, la surveillance de ces réserves et la
destruction des nuisibles exigera une augmentation très sensible du nombre des
gardes fédéraux. Pour doubler le nombre des gardes, il faut doubler le budget
des fédérations. Quand ces réserves seront créées et bien nettoyées de
nuisibles, il sera tout naturel aussi d'en activer le repeuplement par des
lâchers de gibier ; les caisses des sociétés groupées devront y pourvoir,
chacune proportionnellement à ses effectifs. Il faut donc que les cotisations
soient en rapport avec les prix du gibier de repeuplement.
Rien de tout cela n'est impossible ; il y suffit d'un
peu de bonne volonté. Bien soutenus et bien guidés par leurs dirigeants, nous
avons confiance que nos chasseurs des chasses communales sauront faire la
preuve qu'ils n'ont pas besoin d'une contrainte légale et qu'ils peuvent
réorganiser la chasse en toute liberté.
A. NAPOLWIK,
Fédération des chasseurs de l'Ardèche.
|