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Grands chiens de Camargue

En juillet 1921, Le Chasseur Français publiait un article signé P. D. et intitulé : « À propos de sanglier ».

L'auteur y disait : « Je me souviens parfaitement qu'après la guerre de 1870 les loups, qui avaient existé de tout temps dans le Var, y abondaient alors et faisaient un mal considérable aux troupeaux, bien que les bergers possédassent en nombre d'énormes chiens spéciaux. »

Quels étaient ces chiens, on n'a jamais pu le savoir, bien qu'à l'époque la question eût été posée par l'intermédiaire du Chasseur Français. Mais les hasards d'une lecture nous permettent de renseigner un peu le lecteur sur les chiens employés à la défense des troupeaux dans le Midi de la France.

La Revue de Paris du 15 août 1898, dans un article sur la vie pastorale au pays d'Arles, de L. Remacle, nous dit :

« Les grands chiens de Camargue protègent les troupeaux. Cette race, issue de celle du Saint-Bernard, produit des chiens énormes que leur épaisse fourrure blanche ou tachée de noir fait paraître plus volumineux encore qu'ils ne sont. Plus forts et plus beaux que ceux des Pyrénées, ce sont les plus grands chiens que nous possédions en France. Redoutables aux malfaiteurs à deux ou à quatre pattes, ils sont incommodes et parfois dangereux pour les passants. Pour cette raison, et plus encore parce qu'ils coûtent cher à nourrir, ils sont aujourd'hui beaucoup moins nombreux qu'autrefois. »

Il est probable qu'aujourd'hui, en 1950, il n'y en a plus du tout, non seulement pour les raisons données par M. Remacle, mais parce qu'il n'y a plus de loups en Camargue ni dans le Var, et aussi parce que, depuis l'heureux temps où M. Remacle nous décrivait la Camargue, ses chevaux et ses chiens, nous avons eu deux guerres. Les utilisateurs sont gens pratiques. Plus de loups, plus besoin de molosses pour les combattre. Ainsi disparut d'Irlande, avec le dernier loup, le grand Irish Wolfhound. Le péril passé, on se moque du saint.

Cependant, il n'y a pas que ces gens si pratiques et économes. Malgré deux guerres épuisantes, le nombre est encore considérable des amateurs de chiens de montagne qui, avec amour, maintiennent et perfectionnent, dans le malheur des temps, leurs races préférées. On a pu voir avec étonnement, aux dernières expositions canines de Paris et de province, combien nombreux étaient les chiens de montagne des Pyrénées qui se mouraient d'anémie en 1914, au temps de M. Dretzen. Retrempés par le sang d'un mâtin hongrois, le « Kwash », nos montagnards pyrénéens sont en bonne posture pour briller dans les expositions de demain. Leur race est en somme restée homogène, malgré les différences qui peuvent exister entre ses représentants des Pyrénées-Orientales, ceux du pays basque et même ceux qui commencent à venir de tra los montes.

Le chien du Saint-Bernard, le mastiff suisse, comme disent les Anglais, a toujours ses partisans, non seulement en Suisse, mais en France aussi. Les différents types qu'il présente encore aujourd'hui et ceux qui sont apparus au cours de son histoire, depuis celui de « Barry », du Musée de Berne, jusqu'à celui de « Jung Porthos von Biel », sans parler de « Plinlimmon » et de « Sir Bedivere », n'ont jamais atténué l'intérêt que des amateurs portent depuis si longtemps à ce chien qui s'est fait une si large place dans l'histoire canine.

Et son cousin, le noble Leonberg, sorte d'énorme retriever bronzé, aussi élégant que fort, a trouvé des supporters. À Paris, il y a deux ans. « Champion Quidam », à l'apogée de sa forme et de sa gloire, faisait l'admiration de tous. Aujourd'hui, toujours aimable et doux, cet harmonieux colosse regarde s'ébattre sa jeune postérité qui, il y a tout lieu de le croire, donnera des sujets dignes de lui.

Enfin, le chien de montagne des Abruzzes, qu'Oudry a immortalisé sur ses toiles, a été introduit en Angleterre il y a deux ans. Victime de la dernière guerre, la race menaçait de s'éteindre. Mais ces chiens sont très prolifiques et il faut espérer que les éleveurs d'Angleterre sauront tirer cette race du mauvais passage où elle s'est trouvée par suite de la famine.

Ainsi, si les chiens croisés de la Camargue ont disparu parce qu'ils coûtaient trop cher à nourrir, nos grandes races de chiens de montagne ne semblent pas près de subir le même sort. Elles sont en bonnes mains et en bonne voie, et les amateurs de ces braves bêtes se réjouissent de les admirer aux expositions de 1950.

E. B.

Le Chasseur Français N°638 Avril 1950 Page 213