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Un dériveur de croisière

Reprenant la formule croisière-camping, nos architectes navals étudient tout spécialement les solutions pratiques pouvant répondre à l'impératif du jour : l'économie. Nombreux sont ceux qui, ne pouvant s'offrir un grondin ou un bélouga habitables, ont croisé l'été dernier le long des côtes, d'estuaires en ports, de plages en calanques, en canoés, kayaks, snipes, canetons … transportant à bord le matériel da camping. Et, chaque soir, on dressait le camp sous les pins, au bord de l'eau, tandis que le bateau était tiré au sec sur la plage ou ancré dans l'eau tranquille. La formule reste valable et elle connaît chaque année une vogue grandissante. Mais certains amateurs veulent vivre complètement à bord, acceptant une restriction de confort inévitable due aux faibles dimensions d'une embarcation légère et économique. Restriction compensée par cette impression d'isolement et d'indépendance que donne la maison flottante. Bien petite maison en vérité qu'une cabine à bord d'un dériveur de 5m,50, mais combien intime et séduisante. Ceux qui ont connu les joies du camping itinérant sous la minuscule tente de toile ne seront pas dépaysés. C'est inspiré de cette formule qu'un architecte a dessiné la série des dériveurs de croisière « Lys » destinés aux jeunes qui veulent construire eux-mêmes, à peu de frais, leur bateau.

Maniable et rapide, tel le caneton, il a été conçu, comme la plupart des plans standard reproduits dans ces colonnes, pour être facilement construit par des amateurs. Trente figures et schémas, quatorze planches, une notice de montage de onze pages (1) guident l'amateur avec le maximum de clarté et de simplicité. Les formes sont celles des dériveurs à bouchain vif, c'est-à-dire angulaires. Son tirant d'eau de 0m,30 lui permet de passer à peu près partout. Cependant, la dérive abaissée lui donne un mètre, et, avec ses seize mètres carrés de voilure, il remontera honorablement le vent et gardera sous toutes les allures une bonne vitesse de croisière. Une grande stabilité de forme est assurée avec une largeur de 1m,90. Compte tenu du déplacement de 658 kilogrammes et de la faiblesse du volume immergé, il doit se comporter sur la vague comme une mouette posée sur l'eau. La simplicité de la construction est telle que la charpente a pu être réalisée par un amateur en cent heures. Elle ne comporte que des petits débits faciles à réaliser et pas de râblure. Pour effectuer la construction complète de cette unité, un amateur bien outillé devra disposer de quatre cents heures de travail environ, et de trois cents seulement s'il achète les pièces de charpente préfabriquées. En général, ces petites constructions sont entreprises par deux équipiers. Il en résulte un gain de temps appréciable et le travail est bien moins monotone. Pour le « Lys », chacun des deux associés devra donc sacrifier deux cents heures (peut-être moins, si le travail en équipe est bien organisé), soit trois mois de travail à deux heures par jour, et opérer une ponction dans sa tirelire de 60.000 francs environ, le total des dépenses pour les bois, voiles et accessoires se chiffrant autour de 120.000 francs.

Les aménagements comportent un cockpit de lm,30 de large, une cabine avec deux couchettes de lm,90 sur 0m,65, une penderie, un vaisselier, un réchaud avec placard en dessous pour les vivres. À l'avant, puits aux chaînes avec un capot. Pour l'installation de ce petit intérieur, l'esprit inventif des équipiers, et surtout des équipières, peut concilier la pratique avec l'élégance.

Votre bateau terminé, peint, verni et baptisé, a lui aussi besoin d'un certificat de naissance et d'une carte d'identité. Il n'échappe pas, malgré ses modestes dimensions, aux réglementations multiples qui enserrent le monde civilisé moderne. Cette question des formalités m'étant souvent posée, je rappelle que les deux pièces essentielles sont le congé de douane et le rôle de plaisance. Commencez donc par faire votre déclaration aux services de la douane du port le plus proche. Après jaugeage, on vous délivrera le congé de douane. Muni de ce congé, vous demandez à l'Inscription maritime du port le rôle de plaisance qui vous sera donné après une visite de sécurité d'un garde maritime. Ce rôle devra être renouvelé chaque année. Les embarcations légères de sport, canoés, kayaks, moths, canetons, etc., sont dispensées de toute formalité. Si vous empruntez les canaux, il vous faut une autorisation pour franchir les écluses. Vous l'obtiendrez auprès de l'ingénieur de la navigation de la région, ou, si vous dépassez les limites de la circonscription, auprès des services du ministère des Travaux publics, 244 boulevard Saint-Germain, Paris. Pas de formalités pour moteur dans les eaux maritimes. Pour les eaux intérieures, et si la puissance du moteur est supérieure à 3 CV, il vous faudra obtenir de l'ingénieur T. E. P. de votre région un certificat de capacité et un permis de navigation. Ces formalités n'exigent qu'un peu de temps ; les frais sont très minimes. Pas d'impôt sur ces embarcations. La navigation de plaisance est une des rares activités que le fisc n'ait pas encore dévorée.

A. PIERRE.

(1) Plusieurs versions ont été prévues pour la voilure et les aménagements.

Le Chasseur Français N°638 Avril 1950 Page 225