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Gelées blanches de printemps

Lorsque le temps est sec, la nuit claire, le ciel découvert, le vent très faible, on peut craindre, au printemps, les gelées blanches dans les fonds de vallées et en général dans les endroits où l'air froid reste immobile.

Il n'y a d'ailleurs pas que les gelées blanches à craindre. Bien souvent, en effet, le thermomètre descend au-dessous de zéro, au printemps, sans que l'oeil puisse apercevoir trace de givre sur le sol ; c'est que l'air est, à ce moment-là, trop sec pour qu'il y ait condensation et congélation de la vapeur d'eau qu'il contient.

Mais, qu'il s'agisse de gelée blanche ou de gelée sèche, les effets sont, au printemps, les mêmes sur les cultures et sur les arbres fruitiers.

Il existe diverses méthodes de défense contre les gelées printanières. Mais, pour pouvoir les mettre en œuvre au moment opportun, il est utile de prévoir, au moins quelques heures à l'avance, le moment où la gelée se produira et l'amplitude qu'elle aura.

Pour chaque région, l'Office national météorologique donne la variation du minimum de température pour la journée du lendemain. Ce renseignement, diffusé par T. S. F., constitue déjà une indication précieuse, mais insuffisante. Elle ne tient en effet pas compte des situations locales qui peuvent, soit aggraver le risque de gelée, soit l'atténuer. Il appartient aux intéressés, ou plus exactement aux groupements de cultivateurs (groupements communaux de défense), de la rendre plus effective pour une localité donnée en utilisant les renseignements complémentaires donnés par le pagoscope, appareil assez simple grâce auquel on peut, avec une quasi-certitude, déterminer l'intensité du refroidissement et le moment où il peut devenir utile de suivre, dans les plantations à défendre, la chute de la température et de commencer le travail de lutte.

Procédés de lutte.

— De tous temps, dans les régions fruitières et le vignoble, on a cherché à préserver les récoltes à venir des effets désastreux des gelées blanches. Aussi, les procédés de lutte sont-ils nombreux. Mais ils sont de valeur fort inégale ...

Il peut, par exemple, être avantageux de retarder, par une taille tardive, le départ de la végétation ou de ne faire qu'une taille provisoire avant les gelées da mai. Mais ce moyen reste bien aléatoire !

Un peu plus efficaces sont les travaux du sol qui détruisent les mauvaises herbes. On sait en effet que la végétation herbacée favorise l'évaporation de l'eau du sol, de même, d'ailleurs, que les labours trop récents. Il convient donc d'effectuer ces derniers quelque temps à l'avance, pour que le sol ait le temps de se raffermir avant l'époque des gelées blanches. Mais leur action demeure encore très restreinte. Aussi a-t-on été conduit à rechercher d'autres procédés plus efficaces, basés sur la connaissance exacte des causes physiques de la formation des gelées blanches :

    a. Le refroidissement est d'autant plus intense que le ciel est plus clair, exempt de nuages.

    En en créant d'artificiels, on diminue l'évaporation, éloignant ainsi le risque.

    b. L'air froid, plus lourd, reste, par temps calme, au contact du sol.

    En le brassant, on le force à circuler et on le remplace par de l'air moins froid, venant d'une couche supérieure.

    c. Enfin, on peut, au moyen de réchauds, relever la température de l'air froid avoisinant le sol, qui, en même temps, s'élève et est remplacé par de l'air moins froid.

a. Formation de nuages artificiels.

— En brûlant des herbes mouillées, du fumier pailleux, on fait de la fumée. On fait aussi des nuages très épais et en grande quantité par l'utilisation de fumigènes du genre de ceux employés par la Marine et par l'Armée.

Mais on avait fondé sur ce moyen des espoirs qui ont été déçus. On s'est en effet rendu compte qu'il n'était pas possible de relever la température de plus de 1°,5, ce qui revient à dire qu'au-dessous de - 4° la protection est nulle pour la majorité des arbres fruitiers en fleurs.

b. Brassage de l’air.

— Ce procédé est utilisé en Amérique et y donne, parait-il, de bons résultats. L'air est brassé par une grande hélice montée au sommet d'une charpente métallique assez élevée. Le mouvement rapide de l'hélice provoque une aspiration d'air froid qui monte, tandis que l'air plus chaud de la couche supérieure vient prendre sa place à la surface du sol. Mais le coût d'une telle installation est fort élevé, sa mise en marche très onéreuse ; on ne saurait donc s'étonner de ce que ce procédé soit peu répandu.

c. Réchauffement de l’air.

— C'est, à notre avis, le seul procédé permettant d'éviter les fortes gelées de printemps. Il était depuis longtemps déjà pratiqué, mais avec un succès très relatif, car les combustibles employés, ainsi que les appareils de chauffage, ne remplissaient pas les conditions voulues pour faciliter les manipulations et développer une chaleur suffisante.

C’est seulement depuis quelques années que l'on est parvenu, en utilisant des réchauds spéciaux alimentés soit au gas-oil, soit, mieux, au fuel-oil domestique, à réaliser pratiquement et de façon relativement économique le chauffage des vergers en cas de menace de gelée printanière.

Il existe actuellement, dans le commerce, divers types de réchauds de bon rendement calorifique, faciles à allumer, à tirage réglable, peu encombrants et d'un prix abordable. La technique d'utilisation en est assez simple ; nous l'étudierons plus en détail dans un prochain article et, de cet exposé très bref, nous conclurons provisoirement aujourd'hui en disant que, grâce au matériel moderne, on peut désormais rendre efficace la protection de cultures fruitières dans lesquelles une gelée de printemps suffirait à anéantir, en quelques instants, tout espoir de récolte.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°638 Avril 1950 Page 228