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Le nettoiement des terres

Méthodes modernes.

Pas de gros rendements en terres sales ! Cet axiome, vrai en tous temps, l'est particulièrement en années humides, et il me souvient d'avoir vu en pareille circonstance deux champs de blé semés côte à côte, en terrain identique, dont l'un, très propre, devait donner ses 25 quintaux à l'hectare, tandis que l'autre, envahi de mauvaises herbes, ne devait pas en atteindre 10.

Les moyens de lutte dont dispose actuellement l'agriculture sont nombreux et vont des procédés et travaux culturaux aux produits chimiques, aux colorants nitrés et aux hormones végétales.

On distingue depuis longtemps les cultures salissantes, comme les céréales, et les cultures nettoyantes, type plantes sarclées, et, pour obtenir des terres propres, on conseille à juste titre d'alterner les unes et les autres, d'éviter de faire succéder deux céréales l'une à l'autre et de ne pas craindre, au contraire, de multiplier les plantes sarclées. Dans le cas de terres très sales, on va jusqu'à préconiser de sacrifier une récolte afin de pouvoir faire une jachère cultivée, procédé évidemment efficace mais onéreux.

On a même cherché à faire des céréales des plantes sarclées, ce qui a donné en maintes circonstances des résultats intéressants. Le système a gardé des partisans ; il semble cependant ne s'être pas répandu comme ceux-ci auraient pu l'espérer, et sans doute la découverte de nouveaux moyens de lutte n'y est-elle pas étrangère.

Malgré la règle technique d'alternance des cultures, on rencontre souvent, pour des raisons économiques, la succession de deux céréales : blé-avoine, par exemple, succession éminemment salissante. Une précaution élémentaire est alors de faire suivre la première céréale d'un déchaumage. Effectué, aussitôt la moisson, à faible profondeur, celui-ci assurera la destruction des mauvaises herbes déjà développées, mais non encore montées à graines ; il permettra, en outre, la germination d'une forte proportion de graines tombées à terre, et le labour d'automne détruira les plantes qui en seront issues.

Un des plus intéressants parmi les produits chimiques est l'acide sulfurique, employé selon le procédé Rabaté, qui a connu une grande vogue dans la période comprise entre les deux guerres. On utilise habituellement l'acide à 53° Baumé ou celui à 60°, à raison de 10, 12 ou 15 litres pour 100 litres d'eau. On compte de 800 à 1.000 litres de solution par hectare. Ce procédé donne d'excellents résultats contre les sanves, ravenelles et autres crucifères. Il a une action marquée contre les bleuets et les coquelicots, qui résistent cependant partiellement. On lui reproche, non sans raison, une certaine difficulté d'emploi, une rapide détérioration des appareils nécessaires et d'acidifier le sol.

On peut utiliser aussi le sulfate de cuivre en solution à 3 p. 100 ou des poudrages avec de la sylvinite moulue ou de la cyanamide en poudre, à raison de 500 kilogrammes à l'hectare environ. L'avantage de ces deux produits est qu'ils sont en même temps des engrais, ce qui réduit à peu de frais l'opération, qui n'est toutefois pas très énergique.

Les colorants nitrés ont fait leur apparition dans le commerce peu avant la dernière guerre. Parmi eux, le dinitrophosphate de soude et le dinitrophosphate d'ammonium se sont montrés particulièrement efficaces. Il convient de les employer de bonne heure, alors que les adventices n'ont encore que quelques feuilles. Ils agissent vis-à-vis des plantes comme des poisons végétaux et les font mourir rapidement. Ils détruisent non seulement les sanves et les ravenelles, mais aussi les coquelicots, les bleuets, les vesces, les renoncules, le fumeterre, etc. Le traitement se fait sous forme de pulvérisations ou de poudrages.

Depuis quelques années, on recourt, pour la destruction des mauvaises herbes, aux hormones végétales. Elles pénètrent dans les tissus végétaux à travers les épidermes et provoquent des troubles physiologiques qui ne tardent pas à entraîner la mort de la plante atteinte. Ce processus leur permet d'agir même sur les plantes capables, comme le chardon, de repousser après destruction de la partie aérienne.

Les plus employées de ces hormones sont obtenues par synthèse et dérivent de l'acide dichlorophénoxyacétique, qui est à la base de leur fabrication. Elles s'emploient en pulvérisations, à raison de 2 à 3 kilogrammes du produit commercial par hectare (ce qui correspond à 1 kg. d'acide) dilués dans 1.000 litres d'eau. On peut aussi opérer par poudrages.

L'action de ces hormones est très énergique, aussi vaut-il mieux, lorsqu'on a affaire à des plantes particulièrement résistantes à leur action ou quand la terre est très sale, effectuer deux traitements à quelques semaines d'intervalle que de forcer la dose, ce qui risquerait de détruire la céréale à protéger, ou même de stériliser le sol pendant un temps plus ou moins long.

Colorants nitrés, hormones végétales ajoutés aux anciens moyens de lutte permettent actuellement une action des plus efficaces contre les mauvaises herbes, dont nos cultures devraient être complètement purgées pour donner toute leur capacité de production.

R. GRANDMOTTET,

Ingénieur agricole.

Le Chasseur Français N°638 Avril 1950 Page 231