Avant d'entreprendre l'étude rapide des insectes ampélophages,
nous croyons utile de prévenir les lecteurs de cette Revue que les insectes,
comme tout être vivant, ont leurs ennemis naturels. Ce sont d'abord d'autres
insectes appelés insectophages, dont les principaux sont :
Les carabes, dont on connaît plusieurs espèces, les colosomes,
dont la variété sycophante est la plus connue, les cicindèles, les coccinelles,
friandes de pucerons, la mante religieuse, l’hémérobe vulgaire, les
libellules, les éphémères et bien d'autres.
Mais les grands destructeurs de vers et chenilles sont les
petits oiseaux (les insectivores s'entend). À ce sujet, il est navrant de
constater qu'en Allemagne non seulement leur destruction est rigoureusement
interdite, mais qu'on les protège, en toute saison, par la pose de nichoirs, et
pendant les froids par des mangeoires fort judicieusement placées, alors qu'en
France leur protection est tout à fait illusoire.
Une seconde observation se rapporte aux nouveaux
insecticides, dont le commerce vend toute une gamme d'une efficacité certaine.
Il faudra, lors de leur emploi, agir avec prudence pour ne
pas détruire les insectophages et surtout les nombreux insectes butineurs dont
le plus connu est l'abeille, ces mêmes butineurs étant de bons agents pour la
fécondation des fleurs.
Celles de la vigne ne sont pas mellifères, mais le vignoble
peut comprendre des arbres fruitiers qui, eux, seront traités. On devra se
renseigner pour les époques de traitement, soit auprès des services agricoles,
soit auprès des groupements spécialisés.
Ces réserves faites, nous revenons à notre sujet, la
nomenclature des insectes nuisibles.
Les thrips (T. hemorrhoidal).
— Les thrips ne sont pas spéciaux à la vigne ni à notre
pays. Ils rongent les cuticules des feuilles, amenant ainsi leur dessiccation.
Traiter avec des émulsions savonneuses de pétrole à 2 p. 100.
Les termites (Termes lucifugus).
— Leur habitat semble être la région du Sud-Ouest. Ce
parasite ne s'attaque qu'aux vieilles souches, principalement à celles des
espaliers. Mais, à défaut de souches, il peut s'attaquer aux objets en bois.
À l'aide d'une tarière, creuser un trou débouchant dans la
termitière et y verser du sulfure de carbone en quantité suffisante.
Les criquets.
— Ces parasites ont révélé depuis quelque temps une
certaine activité dans la forêt landaise. Les services pour la protection des
végétaux ont installé toute une organisation d'avertissement et de lutte, afin
d'éviter le développement et la progression de ces sinistres destructeurs.
L'eumolpe (Adoxus Vitis).
— C'est le gribouri de Bourgogne, ou écrivain. Ce
coléoptère a environ 4 millimètres de longueur ; il est de couleur marron
foncé avec des points longitudinaux. Il trace des sillons sur les feuilles, les
raisins et les jeunes rameaux. De plus, sa larve creuse les mêmes sillons sur
les racines, qui sont alors envahies et détruites par les maladies
cryptogamiques.
L'insecte parfait se récolte facilement au moyen d'un
entonnoir spécial. La larve est détruite par des injections de sulfure de
carbone, à la condition d'opérer en septembre, avant que cette larve ne
s'enfonce dans le sous-sol pour y hiverner.
L'altise (Altica ampelophaga).
— Cet insecte sauteur n'est autre que la puce de
terre apparentée à celle de nos jardins. Ce petit coléoptère vert bleuâtre a
environ 4 millimètres de long. Il passe l'hiver abrité (feuilles mortes,
pierres, fagots, etc.), puis sort dès que la vigne a formé son feuillage,
attaque les jeunes feuilles en perforant le limbe, ce qui donne à ces mêmes
feuilles l'aspect de passoire. L'accouplement a lieu en mai, les œufs sont
déposés à la partie inférieure de la feuille, la jeune larve, jaune
d'abord, noircit par la suite ; elle attaque le dessous de la feuille en
surface ; celle-ci s'amincit et devient transparente. La larve, ayant
atteint sa longueur, 8 millimètres environ, descend dans le sol où elle se
chrysalide.
Les générations de l'altise sont d'autant plus nombreuses
que la vigne est dans un pays de plus en plus chaud. C'est ce qui se passe en
Algérie comparé au Midi de la France.
On peut, pendant l'hiver, capter l'insecte par des fagots
disposés dans le vignoble, lesquels seront brûlés en fin de saison. Mais le
plus pratique est d'ajouter à la bouillie cuprique un insecticide comme l'arséniate
ou la nicotine, en faisant attention d'atteindre le dessous des feuilles.
Hanneton vert de la vigne (Anomala Vitis).
— Cet insecte vit de préférence dans les régions
sablonneuses et s'attaque aussi aux autres arbustes.
L'insecte parfait broute les feuilles et les sarments, sa
larve dévore les racines.
Jadis, on procédait au ramassage du hanneton, et on assurait
la destruction de sa larve par le sulfure de carbone. Aujourd'hui, on peut
employer les nombreux insecticides liquides du commerce.
Hanneton commun (Melolontha vulgaris).
— Le hanneton est surtout très dangereux par les dégâts
commis par sa larve, qui n'est autre que le ver blanc ; celle-ci se
détruit comme celle du précédent.
Les otiorhynques.
— On en connaît plusieurs espèces, dont l'O. raucus
et l'O. sulcatus qui ont été signalés en France.
Ces insectes, qui ont de 5 à 12 millimètres de long,
s'attaquent aux bourgeons, leurs larves vivent dans le sol. Ces parasites ne
vivent pas particulièrement dans le vignoble. Dans ce dernier, on le détruit au
moyen de bouillies arsénio-cupriques.
Le pentodon ponctué (P. punctatus).
— C'est un gros coléoptère qui donne naissance à une
larve de grande taille, laquelle s'attaque dans les pépinières aux soudures des
greffes. On les détruit facilement à l'aide d'un insecticide.
Les grisettes.
— Ce sont les charançons coupe-bourgeons. On en
connaît plusieurs espèces, dont le Peritelus senex, résidant dans les
terrains sablonneux du Midi de la France.
On détruira la larve à l'automne avec un insecticide approprié
au terrain (sablonneux ou argileux).
Les rhizotrogues.
— Ce sont des insectes apparentés aux hannetons de
couleur entièrement fauve, qui sont surtout signalés en Algérie. L'insecte
parfait ronge les feuilles et sa larve les racines. Mêmes moyens de lutte que
ceux du hanneton vert.
Le cigarier (Rhynchites Betuleti).
— C'est un charançon, dit « cigarier », qui
s'attaque aussi au bouleau. Il a une longueur de 5 à 6 millimètres et est d'une
belle couleur bleue ou verte à reflets métalliques.
La femelle coupe une partie du pétiole de la feuille,
laquelle s'enroule sur elle-même en forme de cône ; la ponte a lieu à
l'intérieur de la feuille ainsi enroulée.
Il n'y a qu'un seul moyen d'éviter l'éclosion des larves,
c'est le ramassage des cigares (travail qui peut être fait par les enfants) et
leur incinération immédiate.
Le vespère de Xatart (Visperus Xatarti).
— Cet insecte longicorne ne cause par lui-même
aucun dégât. Les œufs sont pondus sous l'écorce de la vigne. Les jeunes larves
s'enfoncent dans le sol, où elles séjournent trois ans, et vivent sur les
racines auxquelles elles ne causent de dégâts que pendant les deux premières
années.
On détruit les larves au moyen d'un insecticide liquide.
L'opatre des sables (Opatrum sabulosum).
— Comme son nom l'indique, cet insecte vit dans les
terrains sablonneux et principalement dans les pépinières.
Ce parasite est de couleur grise, de 8 à 10 millimètres de
longueur, ses élytres sont verruqueuses.
Mêmes moyens de destruction que ceux employés pour les otiorhynques.
L'écaille (Chelonia).
— Les écailles sont des papillons, lesquels donnent
naissance, comme tous leurs congénères, à des larves qui ont la forme de
chenilles velues ou glabres.
L'écaille, d'assez grande taille, donne naissance à une
grosse chenille de couleur bleuâtre avec une « grosse fourrure rousse
bariolée ».
Les chenilles mangent les feuilles pendant le jour ;
on les détruit à l'aide d'un insecticide quelconque ou par des bouillies arsénio-cupriques.
Nous continuerons cette étude des insectes nuisibles dans le
numéro suivant.
V. ARNOULD,
Ingénieur agronome.
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