L'élevage en captivité des animaux à fourrure n'est pas
quelque chose de nouveau. On le pratique d'une façon usuelle aux
U. S. A., au Canada et dans les pays de l'Europe nordique.
En France, après la grande guerre, on assista à un très grand
engouement pour ces sortes de zootechnies nouvelles, mais des spéculateurs peu
scrupuleux accaparèrent bancairement cette activité, et la conséquence fut un
profond discrédit. Il faut répéter que, du point de vue agrotechnique, ce
discrédit est totalement injustifié, tout le drame étant dû à des escrocs ayant
monté des sociétés fictives.
Il subsiste de cette époque de parfaits élevages d'animaux à
fourrures, mais ceux-ci sont la propriété de ceux-là mêmes qui les ont créés et
fait prospérer.
Dans les contreforts pyrénéens, on connaît un très célèbre
élevage qui, du reste, est utilisé à des fins scientifiques et biologiques,
doublant les buts agricoles et commerciaux. On y trouve en particulier un
important troupeau de moutons noirs de Boukhara, dont la peau fournit ce que
les élégantes nomment l'astrakan. Ces mêmes élégantes seraient bien surprises
d'apprendre qu'en ce même lieu, dans un immense enclos de sapins, vivent en
liberté, mais dans l'impossibilité de fuir, quelques dizaines de milliers d'écureuils ...
qui ne sont rien d'autre que de futures fourrures de petit-gris.
Mais, de tous ces animaux, c'est le renard qui semble
partager avec le vison la double faveur des professionnels et des acquéreurs.
Mais la mode intervient, et le renard est en 1950 quelque peu délaissé, tandis
que le vison est la fourrure par excellence, et un manteau avec une griffe de
fourreur coté atteint facilement quatre à cinq millions à la vente.
Que ne voilà-t-il pas un élevage rémunérateur pour les
montagnards ! C'est exact et on ne peut qu'être surpris de l'absence de
réalisations multiples sur le sol de France.
Zoologiquement, le vison est de la famille des mustélidés,
carnivores de petite taille groupant également la belette et l'hermine.
Le vison dépasse très exceptionnellement 40 centimètres de
longueur de corps, avec une queue d'une quinzaine. Ses pattes de devant sont
plus courtes que celles postérieures dans les proportions des deux tiers, ces
dernières mesurant 5 à 6 centimètres. Il atteint facilement le poids d'un kilogramme.
L'animal n'est pas beau et ressemble à un putois disgracié
de la nature, avec des pieds velus, des oreilles courtes et décollées, des yeux
clignotants et petits, une tête trop plate. Il a des griffes acérées et
puissantes et des doigts palmés, car il est aquatique, ce qui le rapproche de
la vie de la loutre.
Un type assez spécial, quelque peu adapté aux climats de la
France, se trouve dans les Charentes, la Vendée, le Cher, l'Aube, l'Yonne,
l’Ariège. Il semblerait que sa source provienne d'éléments du Thibet et de
Chine, comme certains cobayes, plutôt que du Canada.
Le vison ne vit qu'en petites colonies et il se nourrit
d'éléments aquatiques : oiseaux aquatiques, poissons, œufs, grenouilles,
mais aussi rats d'eau et canards.
Son habitat, en France, diffère de celui des régions
véritablement froides. Séjournant dans un terrier, celui-ci, sur les bords de
lacs de montagne, risquerait d'être bloqué par les glaces et l'animal mis dans
l'impossibilité de chercher son alimentation. Le vison y obvie en creusant son
entrée sous l’eau.
Comme le putois et surtout le skungs, le vison répand, par
des glandes anales, une odeur extrêmement fétide, dans le but est de mettre en
fuite ses ennemis et d'asphyxier ses proies pour diminuer leurs forces de
résistance.
Mais, s’il est vilain et puant, le vison a, par contre, une
fourrure merveilleuse de finesse comme de lustre et de nuance, et cela lui vaut
une chasse acharnée, une persécution absolue et, pour le présent, une
propagande pour son élevage en captivité.
Comme pour toutes les fourrures, les amateurs calculent la
valeur d'après deux éléments ; la « bourre » et la
« jarre », la première étant le duvet que recouvrent les poils de la
seconde. Cette bourre est de l'avis universel, chez le vison, la plus belle
qu'il soit possible de trouver.
Pour réaliser un élevage de vison, la première difficulté
— et c'est à peu près la seule — réside dans l'achat des animaux de
peuplement, non qu'il soit difficile d'en trouver, mais ils doivent être très
jeunes, car le vison s'apprivoise très difficilement et, batailleur, se bat
avec ses compagnons de captivité. Mais les enfants nés en captivité sont
totalement domestiqués.
Le vison, contrairement à d'autres animaux à fourrure, se
contente d'un enclos de faible étendue et, peu craintif, ne redoute pas les
bruits habituels aux fermes. Il est rustique de sa santé et très robuste, peu
exigeant pour son alimentation.
Ce sont ces facilités qui ont provoqué un rush de fermes de
visons au Canada comme en Océanie. Aux U. S. A., on connaît un
élevage qui réunit une cinquantaine de mille de sujets dans l'Ontario, à
Fort-William. Ils consomment annuellement une quantité de nourriture d'un poids
peu élevé, puisque la base de la ration quotidienne tourne autour de 300 à 400
grammes. En fin d'année, on tue 8.000 bêtes, dont la vente donne 20 millions de
francs environ avec un bénéfice de 50 pour 100.
Cependant cet élevage est qualifié de « monstre »
même en pays des gratte-ciel, et il existe à son inverse des milliers de petits
éleveurs qui ne possèdent guère plus de 20 à 25 visons, bien que le rendement
optimum demande un groupement d'une centaine.
On doit conseiller aux amateurs français de ne pas faire
venir des sujets étrangers, pour éviter les pertes inhérentes aux
acclimatations. Il y a assez de sujets déjà en France pour pouvoir servir
d'éléments de fondation de nouveaux élevages. Il faut un mâle pour trois
femelles, ce qui représente un investissement de l'ordre de 100.000 à l20.000
francs. Pour la fourrure et la vente des peaux, il faut tenir compte par la
suite que celles des mâles valent deux à trois fois celles des femelles.
Celles-ci sont donc rarement sacrifiées et conservées pour la reproduction.
Les frais d'aménagement sont très réduits. Mais il faut
tenir compte essentiellement que, si le vison demande des lacs, — et de ce
fait ne peut que rarement s'élever dans les Alpes, — il redoute les sols
marécageux. Cette eau doit être entourée d'arbres, car trop de lumière ou un
soleil ardent font rougir son pelage, qui perd alors toute valeur.
Les cages sont simples et en treillis sur cadres mesurant 2
mètres de long, 50 centimètres de haut et 0m,75 de large. Elles
doivent être individuelles. Généralement, on les réunit dans des enclos
également grillagés pour permettre de « prendre l'air » en liberté
relative. On les calcule sur la base de 20 mètres carrés par sujet. Le sol peut
en être naturel, mais bien drainé et battu, propre. Celui des cages sera
avantageusement garni d'un plancher et nanti, à une extrémité d'une niche
formant abri. Elle doit être très isolée des variations thermiques.
Le moment de l'accouplement se situe vers février et demande
une tranquillité absolue des fermiers, car le vison devient alors extrêmement
pudique et susceptible. La gestation dure neuf semaines. Les petits naissent
aveugles et ne viennent au jour qu'après cinq à six semaines de réclusion
totale dans la niche maternelle.
Louis ANDRIEU.
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