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Le vent et la chasse

Un vieux dicton affirme que celui qui chasse par le vent perd son temps ; cela est particulièrement vrai en ce qui concerne la chasse à courre, mais, d'autre part, le vent n'est pas sans influencer les résultats du tir de chasse.

Le vent modifie, en effet, la trajectoire des projectiles dans le sens de sa direction, suivant le principe de la composition des vitesses ; nous avons, il y a une dizaine d'années, donné quelques indications à ce sujet dans ces causeries. Nous croyons devoir les résumer aujourd'hui à la demande de quelques chasseurs côtiers qui ont assez souvent l'occasion de chasser par les journées de grand vent.

Voici, en premier lieu, une classification usuelle de la force des vents :

Force du vent Vitesse Vitesse moyenne
(en mètres par seconde)
Faible
Modéré
Assez fort
Fort
Violent
1 à 4
4 à 8
8 à 12
12 à 16
16 à 25
2
6
10
14
20

Par empirisme, les chasseurs se rendent à peu près compte de la force du vent, mais il est bon de préciser ces notions instinctives par quelques chiffres. On retiendra, en particulier, qu'entre le vent léger et le vent violent, mais encore régulier, le rapport des vitesses moyennes est d'environ 10.

D'autre part, le général Journée a étudié l'importance de la déviation transversale des gerbes de plomb, par vent de travers, aux différentes portées. Ces expériences ont été effectuées avec du plomb n°1 ; tous les numéros plus petits donneraient des déviations plus importantes encore. Voici le résultat de ces essais :

Portées
(en mètres)
Déviations Rayon de la gerbe des 75 p. 100 des atteintes
(canon choke)
Vent de 4 mètres Vent de 10 mètres
30
40
50
60
70
80
0m,12
0m,24
0m,40
0m,68
1m,00
1m,32
0m,30
0m,60
1m,00
1m,70
2m,50
3m,30
0m,32
0m,48
0m,67
0m,89
1m,16
1m,55

Nous voyons immédiatement que, pour un vent de 4 mètres à la seconde, la déviation est de 0°,40 à la distance de 50 mètres. À la même distance, le diamètre du cercle contenant 75 p. 100 des atteintes est de 1m,34 ; la force du vent n'est pas susceptible de dévier suffisamment la gerbe pour faire manquer la pièce visée. Il en est tout autrement avec un vent de 10 mètres par seconde, car la déviation atteint dans ce cas 1 mètre et que, par conséquent, la pièce visée est en dehors de la zone d'efficacité du coup.

Au simple examen du tableau précédent, on constatera que, pour un vent de 10 mètres, cette condition d'excentrage se trouve réalisée dès que la portée dépasse 30 mètres.

Pour un vent violent de 20 mètres par seconde, les déviations seraient sensiblement doubles, et le gibier serait, cette fois, à l'abri des atteintes à partir de 20 mètres.

En pratique, nous pouvons résumer ainsi qu'il suit les considérations précédentes.

La correction de pointage, tenant compte de l’influence du vent, n’a guère d’importance que pour les vents dont la vitesse est supérieure à 5 mètres.

Avec un vent de plein travers atteignant 10 mètres à la seconde, on est à peu près sûr de manquer, sans correction, à partir de 30 mètres. Et, avec le vent de 20 mètres par seconde, il en sera de même à partir de 20 mètres. Les corrections à effectuer seraient, dans chacun de ces deux cas, d'environ 1 mètre et 2 mètres. Et, s'il s'agissait de tirer un gibier avec du plomb sensiblement plus petit que le n°1, les corrections seraient encore plus importantes et, par conséquent, plus difficiles à réaliser exactement.

On voit donc que, dans le cas où le vent souffle assez violemment, le tir sur but immobile nécessite certaines conditions de réalisation et que, par certains côtés, il possède quelques difficultés supplémentaires. Lorsque le but est, en effet, un oiseau volant en travers, dans la ligne du vent, il n'y a pas de correction spéciale à faire, puisque le gibier et le plomb subissent (à peu près) l'influence du vent de la même manière.

Il resterait, pour compléter ces renseignements, à pouvoir indiquer aux chasseurs comment on peut mesurer la vitesse du vent. Il existe des instruments assez précis qui donnent toutes les indications nécessaires, mais qui ne font généralement pas partie de l'arsenal du chasseur. À leur défaut, un observateur exercé apprécie assez bien, dans un paysage connu, la violence relative du vent à l'importance des déplacements subis par certains arbres et à l’agitation de certaines branches. C'était même, au siècle passé, le procédé employé par les artilleurs dans leurs réglages de tir pour tenir compte de l'influence du vent sur le déplacement des projectiles.

D'autre part, les chasseurs qui disposent d'étendues suffisantes d'eau ou de sable vérifieront facilement nos conclusions en mesurant l'écart du centre des gerbes de plomb avec le point visé. S'ils ont en même temps quelques points de repère naturels dans le genre de ceux dont nous venons de parler, ils pourront apprécier sans trop d'erreur la correction du moment. Ce sera le cas des chasseurs au gabion par exemple.

En ce qui concerne le tir à balle, il n'y a guère à tenir compte du vent aux faibles distances d'emploi des balles dans les armes non rayées. Lorsqu'il s'agit d'armes rayées et de balles à grande vitesse, on se rappellera que le déplacement de tout projectile est à peu près égal au produit de la durée du trajet par la vitesse du vent.

Un vent de côté, de 10 mètres de vitesse par seconde, déplace par exemple la balle D, du fusil 1886, de 50 centimètres à la distance de 300 mètres — ce qui est suffisant pour faire manquer le but, homme ou animal moyen.

Nos lecteurs concluront certainement avec nous que, sans être de toute première importance, l'influence du vent sur la précision du tir mérite d'être prise en considération.

M. MARCHAND,

Ingénieur E. C. P.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 257