Le massacre des petits oiseaux.
— C’est avec une vive surprise, mais surtout avec un
sentiment de tristesse profonde, que j'ai lu l’article intitulé « Brochettes »
de votre collaborateur M. A. Roche. Jusqu'à ce jour, dans ma candeur un peu sénile,
je croyais que ces massacres de petits oiseaux migrateurs n'avaient pour
théâtre que le Sud-Ouest, la région bordelaise en particulier. Le mal est donc
plus étendu, plus redoutable encore, puisque la région provençale, que la
nature comble de ses bienfaits, accentue cette criminelle destruction. Comment !
Ces gracieux oisillons, qui semblent tout exprès crées pour lutter contre les
myriades d'insectes qui ravagent nos récoltes, nos arbres fruitiers, qui
égaient nos jardins, ravissent nos oreilles et nos yeux, qui nous arrivent aux
premiers beaux jours, avant même les hirondelles, que nous voyons repartir avec
tristesse l'automne venu, que nous avons protégés pendant toute la belle saison
contre leurs terribles ennemis, chats et gamins armés de lances pierres ou
dénicheurs de nids, sont livrés sans défense, en dépit de nos lois, à des
amateurs de « brochettes » ? Et il est des « chasseurs »
qui acceptent de les déguster, complices évidents des massacreurs, dont la
conscience ne se révolte pas devant tant d’imbécile inconscience ! J'ai
vu, aux environs du bassin d'Arcachon, dans les plus modestes comme les plus « select »
maisons d'alimentation, des chapelets d'oisillons baptisés ortolans ou becfigues,
mais tout plumés, afin que le passant qui pourrait porter plainte contre cette
abominable tuerie ne reconnaisse pas les tarins, les verdiers, les mésanges, les
bergeronnettes, les rossignols, les fauvettes et tant d'autres, qui avaient
quitté, pour éviter la famine, ces régions moins favorisées où ils ont rendu
tant de services à l'agriculture. N'est-ce pas Michelet qui a dit que toute vie
humaine disparaîtrait bientôt si disparaissaient ces modestes auxiliaires de
l'homme, cette énorme main d’œuvre gratuite que la Providence nous envoie ?
On ne peut que déplorer la carence des Pouvoirs publics en cette matière,
puisque la Société protectrice des oiseaux s'avère impuissante à enrayer le mal,
devant le peu d'empressement que mettent à la seconder les agents de
l'autorité.
Est-ce à dire qu'il n'y ait rien à tenter pour une défense
énergique de nos petits oiseaux, en dehors des sanctions graves auxquelles
s'exposent les délinquants, si les agents qualifies pour verbaliser étaient certains
qu'elles seraient rigoureuses ? Convient-il de prendre au sérieux la suggestion
de M. Roche d'établir des réserves giboyeuses destinées aux confrères peu
fortunés et qui préféreraient jeter leur plomb à des lapins plutôt qu'à des
pinsons ? Ne s'agit-il pas d'une galéjade ? Rien n'oblige en effet un
chasseur, même de casquettes, a prendre un permis ; j'en connais, hélas !
de très nombreux qui ont dû laisser le fusil au râtelier, faute de gibier, et
qui rougiraient d'emplir leur carnier de nos précieux volatiles. Les Provençaux
n'ont pas seuls l'amour de la chasse ; les Parisien l'ont tout autant. Les
voit-on demander que le Bois de Boulogne, peuplé en gibier, soit réservé
certains jours à tous ceux qui ne peuvent s'offrir le luxe d'une action de chasse,
avec tous les frais divers qu'elle entraîne ? Ne crierait-on pas :
aux fous !
Il faut avoir le courage de dire que la chasse n'est pas, ne
peut pas être un sport démocratique, comme la pêche sur les rives de la Seine ;
elle exige des frais énormes ; mais les vrais chasseurs, ceux qui ne
s’attaquent pas aux fauvettes, n'hésitent pas à se priver souvent du nécessaire
pour satisfaire à leur passion. Mais, à notre époque d’égalitarisme étroit, il
n'est plus question de privations, d'économies ; tel fervent des sports
d'hiver, tel amateur des bains de mer, de l'altitude ou de la Côte d'Azur,
consacrera chaque année une petite fortune à ces déplacements si ses-moyens le
lui permettent ; il s'en abstiendra dans le cas contraire ; pourquoi
le chasseur n'aurait-il pas la même philosophie ? Parce que l'État lui délivre
un permis de chasse à un prix, quoi que beaucoup prétendent, ridiculement bas ?
Or ce permis ne lui donne licence que de chasser sur des terrains où le
propriétaire l'autorise à chasser ; c'est ce qu'on oublie trop souvent !
Une seule solution donc : la Société de chasse, avec sa discipline
librement acceptée, ses réserves, ses frais de repeuplement répartis entre tous
les adhérents, ses jours de chasse limités, ses gardes impitoyables. Tout le
reste n'est que littérature ou basse démagogie.
M. Thauziès, retraité.
Arséniate et perdreaux gris.
— Je suis tout à fait de l’avis de M. Ganeval :
l'arséniate est le destructeur n°1 de la perdrix grise.
J'avais lu, comme votre correspondant, un article dans Le
Saint-Hubert dans lequel on donnait l’arséniate comme inoffensif et le
doryphore comme peu apprécié des perdreaux : or, il y a vingt-cinq ans,
j'ai séjourné en Seine-et-Marne et j'étais très fréquemment à la chasse ou dans
les champs, seul ou avec un bon chien d’arrêt, qui me comprenait et obéissait
non pas à la voix, mais au geste et même au regard pour éviter tout bruit. J'ai
donc constaté ceci :
Les compagnies de jeunes perdreaux se tenaient presque
toujours à l'entrée de la saison de chasse dans un champ de pommes de terre (et
même avant dans la pleine période de l’éclosion du doryphore).
La compagnie, comme une nichée de petits poulets, suivait
les rayons et, à chaque pied de pomme de terre, la mère ou le père se
suspendait par le bec aux branches du pied et les secouait en voletant et sautillant,
afin de faire tomber les larves de doryphore écloses sur les feuilles. Pendant
ce temps, les petits perdreaux picoraient les larves tombées à terre. Les pieds
étaient suivis l'un après l’autre et travée par travée. Le champ était pris par
un bout et exploré d'une façon méthodique.
À cette époque, il y avait autant de doryphores que maintenant,
mais des perdrix un peu partout. Les perdreaux mangeaient les doryphores et les
pommes de terre ne s'en portaient que mieux sans arséniate. Avec la disparition
des perdreaux dans les chasses banales ou communales de campagne, les
doryphores se sont propagés avec facilité, d'où l'emploi d’arséniate, qui a fait
crever le peu de perdreaux qui restait.
D'ailleurs, les gens qui disent que les perdreaux ne mangent
pas de doryphores n’ont sans doute jamais vidé un jeune perdreau : dans le
jabot, le gésier, etc., on trouve une bouillie orange qui est tout simplement
constituée par des larves de doryphores écrasées ; à une certaine époque,
c'est leur nourriture de prédilection.
Pour observer ce que je viens de raconter, il ne faut pas
entrer dans les champs de pomme de terre en conquérants, à une dizaine de fusils
et des chiens galopeurs. Il faut être seul et accompagné d'un chien calme.
Puis-je ajouter que la chasse banale du petit chasseur, en
France, qui était autrefois agréable et abondante, est, à présent, « fichue »
pour plus des neuf dixièmes du territoire ?
J'ai constaté, en quatre années d'observation (1926-1930),
avec la multiplication, des permis de chasse, des billets à prix réduits, des
automobiles, etc., la disparition complète de certains gibiers dans des régions
qui étaient bonnes.
Je me permets (pour conserver le gibier, le peu qui reste)
d'ajouter ceci : ouverture de la chasse au premier dimanche d'octobre,
jamais avant. Fermeture fin décembre. Les ouvertures d'août et septembre, décidées
à une époque où le gibier était abondant, sont actuellement, un non-sens.
A. VERNET, Montgeron (Seine-et-Oise).
Pour l’amélioration de la chasse.
— Le Chasseur Français de novembre contient d'intéressants
articles sur les moyens les meilleurs à assurer, pour les années à venir, une
densité de gibier suffisante. Il n'est pas douteux, en effet, que, si l'on veut
permettre aux 1.800.000 chasseurs de France de réaliser un tableau honorable,
des mesures s'imposent pour la destruction des nuisibles et le repeuplement.
Pour compléter ces statistiques, je signale que dans
l'Indre, grâce à l'action de nos gardes spécialisés dans le piégeage employant
la chloropicrine, les gaz Mèndès, et grâce à l'effort des dirigeants des sociétés
communales et des gardes particuliers, le palmarès des destructions a été, en
1949, le suivant :
Renards |
523 |
|
Renardeaux |
467 |
|
Loutres |
10 |
|
Belettes |
1.093 |
|
Hérissons |
1.327 |
|
Putois |
497 |
|
Chats sauvages |
533 |
|
Écureuils |
932 |
|
Becs crochus |
4.655 |
|
Becs droits |
12.331 |
|
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------- |
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Au total |
22.368 |
pièces |
La Fédération a récompensé ces destructions par
l'attribution, en 1949, de 500.000 francs de primes.
Une intéressante expérience de récupération d'œufs de
perdrix a été tentée cette année.
À chaque printemps, en effet, nous assistons à la
destruction d'un grand nombre d'œufs de perdrix dont les nids sont découverts
au moment de la fauchaison.
Nous avons donc, aidés par les conseils éclairés de M. Cardon,
professeur à l'école de Cadarache, créé deux centres de récupération des œufs
que les membres des sociétés communales y apportent, au fur et à mesure de leur
découverte. Des poules naines assurent les couvées sous la surveillance de nos
gardes fédéraux.
Les résultats ont été, pour un début, fort encourageants, et
nous sommes certains d'arriver, par cette méthode, à des lâchers intéressants.
H. GUESNARD, Secrétaire-trésorier de la
Fédération départementale des chasseurs de l’Indre (Châteauroux).
Chasseurs spoliés de leurs armes.
— Mme Germaine Peyroles demande à M. le
ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme ;
1° si le payement de l'indemnité due aux personnes qui ont
remis des armes de chasse et des munitions sur l'ordre des Allemands serait fait
dans un délai rapide ;
2° dans la négative, quelles sont les mesures envisagées
pour hâter la solution de cette question. (Question du 7 février 1950.)
Réponse.
— l° En cas de non restitution de leurs armes par
l'Administration des domaines, les propriétaires dépossédés peuvent prétendre,
en principe, au bénéfice de la législation sur les dommages de guerre. À noter,
cependant, que la loi du 28 octobre 1946 s'oppose, dans son article 16, à
l'indemnisation des « éléments somptuaires » des biens sinistrés. Par
ailleurs, l'ordre de priorité, établi en conformité de l'article 4 de la loi du
28 octobre 1946, écarte actuellement le règlement des dommages de cette
catégorie, à moins qu’il ne s'agisse d'armes utilisées à des fins professionnelles
(armes de gardes-chasses, par exemple) ;
— 2° L'indemnisation des propriétaires d'armes de
chasse ne pourrait s'effectuer, en raison de la modalité des crédits mis à la disposition
du ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme pour le règlement des
dommages mobiliers, qu'au détriment des sinistrés qui ont perdu des biens
indispensables à la reconstitution d'un foyer décent et dont la situation exige
des mesures d'urgence. Il ne parait pas possible, en conséquence, d'envisager
l’indemnisation de cette catégorie de dommages.
(Journal Officiel du 14 mars 1950.)
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