De tous nos animaux domestiques, le chien est, à beaucoup
près, celui dans l'intestin duquel on trouve le plus souvent des parasites. Le
nombre en est parfois considérable et ils peuvent appartenir à des espèces très
variées. Ils ne sont pas tous sans influence sur la santé de leur hôte, ainsi
que nous l'avons déjà démontré ; mais, ce qui en fait surtout l'intérêt,
c'est que, souvent, dans les migrations et les métamorphoses qu'ils ont à
subir, ils doivent passer par quelqu'une des espèces d'herbivores domestiques,
voire l'homme lui-même, et peuvent y développer des maladies parfois fort
graves (échinocoques). Cela s'applique surtout aux ténias du chien, que nous
envisagerons dans la présente causerie.
Le chien est, par excellence, l'hôte favori des ténias. Les
deux tiers des chiens dont on fait l'autopsie en présentent dans leur intestin,
peu ou beaucoup, parfois un nombre si considérable qu'on est surpris de la
persistance de l'état de santé. Sous leur forme cystique ou larvaire, et en se
développant au sein des organes, ils déterminent, nous le répétons, des
maladies parfois fort graves, telles que le tournis des moutons,
l'échinococcose des autres espèces ou de l'homme, pour ne citer que les plus
importantes.
Les ténias sont parfois en telle quantité qu'on a pu en
trouver jusqu'à 375 grammes chez le même chien. Ceux qu'il héberge
appartiennent à une quinzaine d'espèces, de taille très variable allant d'un
demi-centimètre à peine (ténia échinocoque) jusqu'à 1m,70 (ténia en
scie).
Un ténia se compose d'une tête, ou scolex, pourvue de
ventouses et souvent de crochets en nombre très variable, de 30 à 50, qui lui
permettent de se fixer à la muqueuse intestinale, et du corps, de forme rubanaire,
constitué par de nombreux anneaux, ou proglottis. Chaque anneau est pourvu
d'organes mâles et d'organes femelles, les derniers anneaux étant complètement
remplis par les œufs. L'appareil digestif manque, les liquides nutritifs du
milieu intestinal de l'hôte du ténia passant dans le corps de celui-ci par de
fins canalicules qui traversent la cuticule, ou enveloppe des anneaux.
Les œufs renferment, d'ordinaire, au moment de la ponte, un
embryon pourvu de crochets, généralement six. Cet embryon ne deviendra ténia
adulte qu'après une série de migrations. Il vivra sous la forme larvaire, dans
les tissus d'un hôte transitoire, puis passera, avec celui-ci, dans l'intestin
d'un second animal, où il se fixera et acquerra, avec ses organes sexuels, sa
forme adulte, et le cycle recommence. Fait important à connaître : le
téniasis ne se transmet pas directement du chien au chien, il faut un hôte
intermédiaire, alors que pour les ascaris, que nous avons étudiés dans une
causerie précédente, la transmission se fait directement du chien au chien, même
par la voie placentaire, sans organisme intermédiaire.
Lorsque les ténias sont en petit nombre dans l'intestin,
l'affection peut passer inaperçue. Dans la plupart des cas, leur présence
s'accuse par de la maigreur, un appétit irrégulier, tantôt vorace, tantôt
indolent, des goûts dépravés, de la tristesse, des vomissements, des
bâillements, des coliques sourdes, du prurit anal qui porte le chien à se
frotter contre les corps durs ou à se traîner sur le derrière en se servant
seulement de ses pattes de devant, etc.
L'examen des excréments du chien, ce que tout propriétaire
soucieux de la santé de son compagnon ne doit pas oublier de faire à l'occasion,
permettra parfois d'y voir des fragments de ténias, des anneaux affectant la
forme de pâtes alimentaires, de graines de melon mobiles et changeant d'aspect
à chaque instant pendant un temps assez long.
Le traitement du téniasis du chien comprend l'emploi de
moyens préventifs et celui des taenifuges.
La prophylaxie pratique se résume dans les mesures suivantes :
1° On ne jettera jamais au chien, à l'état cru, les viscères
de lapin, lièvre, les déchets de viande de porc, les cervelles de moutons
parasitées ; ne lui donner qu'après cuisson toute viande suspecte ou de
qualité médiocre. Veiller à ce que les chiens d'appartement ne s'abreuvent pas
de l'eau des rigoles ou des mares.
2° Sachant que le ténia canin (Dipylidium caninum)
passe sa phase larvaire dans la puce du chien, laquelle s'infeste en ingérant
des œufs trouvés sur la peau de celui-ci, et que le chien s'infeste ou se réinfeste,
en faisant sa toilette, par l'ingestion d'une puce parasitée, on veillera à ce
que les chiens n'aient pas de puces, de poux et autres parasites de la peau,
qu'ils cherchent à détruire avec leurs dents et qu'ils mangent presque toujours.
Se souvenir aussi qu'une puce parasitée tombant dans le bol de lait de
l'enfant, au cours de jeu avec le chien, peut aussi lui transmettre le Dipylidium.
3° Nourrir le chien plutôt avec de la viande cuite que de la
viande crue. Il est cependant à noter que la viande de cheval est celle qui
présente le moins d'inconvénients à l'état cru, cet animal n'étant pas porteur
de larves de ténias (ladre) comme peuvent l'être le bœuf, le porc et certains
herbivores.
Traitement curatif.
— Lorsqu'on veut débarrasser un chien des vers dont il
est atteint ou qui l'incommodent, il convient de le préparer à l'administration
du vermifuge en le tenant à jeun dès la veille, ou en le soumettant à la diète
lactée pendant quarante-huit heures avant l'administration du médicament
anthelminthique. Un léger purgatif est aussi tout indiqué.
Il est aussi une excellente méthode, pratiquée par des
éleveurs avertis et qui leur donne toute satisfaction, qui consiste à
administrer un vermifuge une fois chaque mois, au début, puis régulièrement
deux fois par an, sans se préoccuper si les chiens sont porteurs ou non de parasites.
La formule suivante donne d'excellents résultats, car elle agit tout à la fois
contre les vers ronds (ascaris) et les vers plats (ténias) :
Noix d'arec fraîchement pulvérisée |
0gr,50 a 2 grammes |
Santonine |
2 à 5 centigrammes |
pour une dose, le matin à jeun, dans un peu de lait ou de
café au lait, en ayant soin de bien mélanger pour que la poudre ne forme pas de
grumeaux, qui parfois provoquent le vomissement.
La noix d'arec est un excellent ténifuge pour les chiens,
mais il faut employer la poudre fraîchement préparée, les noix ne devant
pas avoir plus d'un an de récolte. La vieille poudre de noix d'arec peut être toxique,
Nombreux sont les médicaments employés pour débarrasser les
chiens de leurs ténias. Les doses varient évidemment suivant l'âge et le poids
des chiens. Les ténifuges de choix sont : la noix d'arec, le kamala,
l'extrait éthéré de fougère mâle, le kousso, le thymol, l'écorce de racine de
grenadier, ou mieux son principe actif, le tannate de pelletiérine, etc. Chez
les jeunes chiens, le sulfure ou le lactate de calcium, à la dose de 1 à 3
grammes, dans du lait, donne un bon résultat. Purger une heure après avec 20 à
30 grammes d'huile de ricin.
Pour le chien adulte, voici deux des meilleures formules :
1° Kamala et noix d'arec fraîchement pulvérisée : 3
grammes de chaque en suspension dans un verre d'eau ou de lait ; le plus
souvent, l'expulsion survient sans purgatif, le kamala étant lui-même évacuant.
2° Extrait éthéré de fougère mâle : 2, 4 ou 6 grammes,
selon le poids du chien ; huile de ricin : 20 à 40 grammes.
L'expulsion des ténias se produit le plus souvent au bout
d'une heure. Chez les très gros chiens, la dose d'extrait de fougère pourra
être portée à 12 grammes, sans inconvénient.
Recueillir dans un journal les ténias expulsés et enfouir
profondément ou brûler le tout.
Quand la tête du parasite n'est pas rejetée, elle donne
naissance à de nouveaux anneaux, et généralement les ténias sont multiples,
voire même nombreux. La persistance ou la réapparition des anneaux dans les
excréments établissent l'obligation de répéter le traitement. On emploiera
alors la poudre de kamala, à la dose de 2 à 20 grammes, divisée en huit paquets
dont on donne un à deux paquets le matin dans un peu de lait, deux jours par
semaine, pendant deux à trois semaines consécutives. La dose efficace est à la
fois anthelminthique et légèrement purgative.
Enfin, le ténia échinocoque vivant chez le chien et le chat,
sa larve peut se développer chez l'homme, où elle donne lieu à des accidents
très graves (kystes hydatiques du foie ou du poumon) ; aussi croyons-nous
devoir conseiller d'éviter une promiscuité trop intime avec les carnassiers
domestiques, qui, par leur langue et leur museau, transportent souvent les
anneaux et les œufs de leurs ténias sur le visage et les aliments de leurs
maîtres.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
|