À tout seigneur tout honneur. De même que le saumon est
le roi de nos rivières, le thon est le roi de nos côtes. Aucune pêche en mer
n'est plus sportive, si on excepte la pêche sous-marine (qui est une chasse),
la pêche au tarpon (qui n'existe que dans les eaux chaudes, et notamment au
large de la Floride et de la Californie) et la pêche à l'espadon (qui est aussi
un méridional, mais remonte parfois, l'été, sur nos côtes méditerranéennes, et
même dans le golfe de Gascogne, où certains exemplaires sont pris par les
pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz).
Le thon est un scombridé comme le germon, la bonite et le
maquereau; poisson fusiforme, massif, remarquablement musclé, le thon, comme
tous les scombridés, est doté d'une nageoire caudale très ample et vigoureuse,
en croissant de lune, rattachée à la queue étroite et comprimée ; il a
deux nageoires dorsales qui viennent au contact l'une de l'autre. La partie
postérieure de son corps comporte deux files de petites nageoires indépendantes
dites pinnules (huit à dix dans chaque file) à la suite de la deuxième dorsale
et de l'anale ; enfin, et sur un plan perpendiculaire aux deux lignes de
pinnules, le pédoncule caudal porte de part et d'autre un épais bourrelet
formant une sorte de carène latérale.
Le thon commun (Scomber thynnus) va de 10 à 200
kilogrammes sur nos côtes, mais peut atteindre, en Méditerranée méridionale,
près de 400 kilogrammes ; j'en ai vu, en 1936, un exemplaire de 350
kilogrammes lors d'une « matance », c'est-à-dire d'une mise à mort
dans la chambre de capture du thonaire du cap Zébib, près de Bizerte, en
Tunisie. Le record du plus gros thon péché à la ligne en France en 1949 a été
de 166 kilogrammes. Le thon commun a des nageoires pectorales courtes.
Une espèce très voisine et un peu plus petite est le germon
(Scomber alalonga), ou thon blanc, qui a les mêmes habitudes que le thon
et s'en distingue essentiellement par ses nageoires pectorales très longues,
dépassant l'anus et faisant plus du tiers de la longueur du corps. Ce thon est
dit thon blanc en raison de la couleur plutôt rosé jaunâtre de sa chair, en
opposition à la chair rouge sombre et sanglante du thon rouge.
La bonite est encore plus petite, mais peut atteindre 0m,80
à 1 mètre et un poids de 15 à 20 kilogrammes. Elle porte quatre bandes
longitudinales vert sombre sur les flancs inférieurs ; elle est d'ailleurs
assez rare en France, sauf au large des côtes méditerranéennes et gasconnes en
plein été.
Tous ces poissons de la famille des thons sont d'ailleurs
des bêtes d'eaux chaudes et recherchent les couches de 18 à 20°. Ce sont les
progressions et transgressions des couches sous-marines chaudes qui expliquent
leurs migrations, qui sont énormes. Ce sont des voraces qui poursuivent les
bancs de sardines et d'anchois; au large et dans les mers subtropicales, ils
traquent les poissons volants ; ils recherchent également les crustacés,
les calmars et les seiches.
Quant à leur biologie, elle est encore mal connue, malgré de
nombreuses recherches. On suppose qu'ils hivernent dans les parties
subtropicales chaudes de l'Atlantique ; au printemps, ils remontent vers
le nord, suivant l'extension des eaux chaudes.
Les uns restent dans l'Océan, suivent les côtes espagnoles,
le golfe de Gascogne, qui est leur lieu de prédilection, car ils y trouvent en
grande abondance des bancs de sardines ; ils remontent le long des côtes
bretonnes, et de très gros sujets arrivent chaque année, l'été, en baie de
Lannion. D'autres, arrivés à Gibraltar, pénètrent en Méditerranée ; là,
ils suivent un cycle assez compliqué, mais qui semble remarquablement constant.
Il est certain qu'en avril-mai on les trouve le long des Côtes algériennes,
puis tunisiennes ; ce sont les thons d'« arrivée » tant attendus
des thonaires du cap Bon. Ils continuent leur course et arrivent en Turquie à
l'embouchure des Dardanelles, où certains pêcheurs sportifs en font de belles
captures. De là, ils reviennent vers l'ouest en longeant le littoral européen,
la Sicile et nos côtes françaises, pour retourner ensuite par Gibraltar dans
l'Océan.
Toujours est-il que thons et germons craignent le froid. En
septembre-début octobre, ils quittent les eaux bretonnes ; fin octobre,
ils s'éloignent du golfe de Gascogne et vont vers le sud. En Méditerranée, ils
arrivent plus tôt (mars-avril) et repartent plus tard (fin octobre).
Leur ponte est également très mal connue ; elle exige
une température d'au moins 20° et a lieu l'été en plein Océan. Les œufs, très
petits et très nombreux, sont dits pélagiques, c'est-à-dire qu'ils flottent en
pleine eau comme le plancton et que, comme lui, ils servent, par une sorte de
juste revanche, de nourriture aux sardines.
Quant à sa pêche, nous l'examinerons à notre prochaine
chronique : pêche sportive et pêche professionnelle à la ligne, ou dans
les madragues ou thonaires, quel beau souvenir elle laisse à ceux qui l'ont vu
pratiquer.
LARTIGUE.
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