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Au jardin d'agrément

Garniture florale d'été

Dans les propriétés, hélas ! de plus en plus rares, où il est encore possible d'entretenir convenablement le jardin d'agrément, on fait annuellement, dans les corbeilles et les plates-bandes, deux garnitures florales :

    a. L'une, composée de plantes rustiques, destinée à parer le jardin de fin mars à fin mai ;
    b. L'autre, composée de plantes plus délicates, à feuillage ou à fleurs, destinée à l'agrémenter de juin jusqu'aux gelées.

La première de ces garnitures comporte surtout des plantes bisannuelles : pensées, myosotis, pâquerettes, silènes, giroflées, semées de juillet à septembre en pépinière, repiquées une première fois en pépinière, puis mises en place au début de novembre si le terrain est sain, ou seulement à la fin de l'hiver si cette condition n'est pas remplie. On leur associe assez souvent quelques plantes bulbeuses : tulipes, parfois jacinthes, dont les bulbes sont plantés en novembre.

La floraison de ces plantes se continue tant que la température n'est pas trop élevée. Mais, lorsque, à la mi-mai, le soleil prend de la force, l'éclat des couleurs s'atténue, en même temps que le nombre de fleurs diminue rapidement. Le moment est venu de mettre en place les plantes qui doivent constituer la garniture d'été.

Cette mise en place s'effectue ordinairement à partir du 12 ou 15 mai si la garniture ne doit comprendre que des plantes suffisamment résistantes aux légers fléchissements de température qui peuvent encore se produire la nuit à cette époque : géraniums à corbeilles, fuchsias, anthémis, calcéolaires, dahlias nains, œillets d'Inde, roses d'Inde, mufliers, verveines hybrides, pentstémons, etc. ...

Si, au contraire, on veut utiliser, dans la composition florale des motifs, des plantes plus délicates comme les coléus, les achyranthes, les alternanthéras, les télanthéras, on attendra, pour faire la plantation, le milieu de la deuxième quinzaine de mai et même, dans le Nord de la France, la fin du mois ou les premiers jours de juin. Un retour offensif du froid, même sans aller jusqu'à la gelée blanche, pourrait, en effet, être extrêmement préjudiciable à ces jolies, mais fragiles espèces.

La composition des motifs floraux est régie par quelques principes ayant trait, notamment, à une association convenable des couleurs, mais elle est aussi fonction de la plus ou moins grande distance de l'habitation. C'est ainsi que les corbeilles placées aux environs immédiats de la villa, qui sont destinées à être vues de près, seront avantageusement composées de plantes de coloris variés. Les mosaïques à dessin un peu plus compliqué pourraient encore trouver leur place dans cette situation.

Tout au contraire, et particulièrement dans les grandes propriétés, les corbeilles éloignées du château, destinées à être vues de loin, seront soit unicolores, soit formées de plantes de deux couleurs contrastant aussi vivement que possible. Elles pourront, exceptionnellement, être de trois couleurs, mais jamais davantage.

On faisait autrefois, au jardin paysager, des corbeilles fortement surélevées et très bombées. Cette mode, à la vérité antinaturelle, a partout fait place à celle des corbeilles presque plates.

Les mosaïques, très en faveur au siècle dernier, ne sont plus guère employées que dans les jardins publics et quelques jardins particuliers où de vieux jardiniers, orfèvres en leur métier, ne veulent pas en laisser perdre la tradition. Aujourd'hui, on a recours surtout aux mosaïques à grand effet, la partie centrale des corbeilles comportant un tapis de plantes naines, de couleur uniforme, sur lequel se détachent cinq ou sept grandes plantes, à feuillage coloré ou à fleurs, tranchant très nettement sur le fond. Une double bordure de plantes naines encadre ce tapis et permet de l'harmoniser avec le vert de la pelouse et de réaliser, en même temps, d'autres contrastes intéressants.

Le choix judicieux des plantes formant la plate-bande ou la corbeille est l’une des conditions essentielles de la réussite d'une composition florale. Il convient, à ce sujet, d'observer que la valeur commerciale de ces plantes ne conditionne pas leur valeur ornementale et qu'une corbeille formée de plantes rustiques et faciles à multiplier peut être tout aussi décorative qu'une autre corbeille composée de plantes délicates et d'un prix de revient élevé, surtout si ces dernières ne sont pas très bien assemblées. Cependant, toutes autres choses égales, les plantes exotiques dites « plantes molles » sont ordinairement de tons plus vifs et, convenablement disposées, produisent davantage d'effet.

La plantation s'effectuera de préférence par beau temps, alors que la terre est plutôt saine que trop humide. Aussitôt après la mise en place, on arrose copieusement dans une cuvette ménagée au pied de chaque plante et, si le temps reste sec et chaud, on répète l'arrosage deux jours après, pour le renouveler, de deux en deux jours, pendant une dizaine de jours.

La reprise des plantes est, dès ce moment, à peu près complète. On donne alors un bon binage, en bouchant les cuvettes, nivelant soigneusement le sol et pulvérisant les particules, puis on couvre la surface d'un paillis, formé de fumier à demi décomposé, étalé avec précaution entre les plantes de la corbeille. Lorsqu'on possède quelques châssis et qu'on a fait, au printemps, des couches, il est possible d'utiliser avec avantage le fumier de ces couches. Ce paillis évitera la formation d'une croûte dure, imperméable à l'air, qui serait nuisible au bon développement des plantes. En outre, il permettra de réduire la fréquence des arrosages dans une assez large proportion.

Au point de vue des arrosages, les plantes à fleurs ont d'ailleurs des exigences assez différentes. Ainsi, alors que les géraniums, les pétunias, les zinnias, les verveines, les capucines naines s'accommodent bien d'une sécheresse relative et n'en fleurissent que plus abondamment, les fuchsias, bégonias à végétation continue, cannas ne prospèrent vraiment bien qu'avec une certaine fraîcheur.

Les arrosages seront, de préférence, donnés le soir, lorsque le soleil aura quitté la corbeille ; le résultat sera meilleur s'il est possible d'utiliser de l'eau tiédie par un séjour de quelques heures dans un bassin. Pour les plantes à fleurs, les arrosages au pied seront toujours préférables. Pour les plantes à feuillage coloré, ils pourront être remplacés par des arrosages moins abondants et plus fréquents, ou bassinages.

La taille régulière des plantes qui composent la corbeille permet, dans une certaine mesure, de les uniformiser et d'en accroître l'effet. Cependant, cette taille ne peut pas s'appliquer de façon trop rigoureuse aux plantes à fleurs. Il faut donc en user avec modération, en pinçant au-dessus de boutons déjà bien apparents, de façon à éviter la longue interruption dans la floraison qui serait la conséquence d'une taille trop sévère.

Au contraire, on peut tailler souvent, et sans aucun inconvénient, les plantes à feuillage coloré, soit pour en faire des cordons uniformes, soit pour niveler les tapis sur lesquels se détachent en saillie ces cordons. Cette taille prend une plus grande importance, en permettant de régulariser les lignes et les fonds de motifs, lorsque la corbeille est traitée en mosaïque.

Quelques plantes ornementales ont de longs rameaux et se ramifient peu. Elles gagnent à être palissées et crochetées sur le sol, qu'elles garnissent ainsi plus rapidement. On opère ainsi pour les gnaphaliums, les géraniums-lierres, les verveines, parfois pour les achyrantes, lorsqu'on emploie ces plantes pour faire des bordures.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 294