Alors qu'en génétique animale le terme hybridation est
réservé à la fusion d'individus appartenant à des espèces différentes et qu'on
emploie celui de croisement ou de métissage lorsque la parenté est moins
éloignée, en matière végétale cette distinction n'est pas de mise, et on
appelle hybride le produit du croisement de plantes différentes, quel que soit l’ordre
des différences qui existent entre elles : variété, race ou même
individus.
Ce mode de reproduction a pour effet de donner des produits
différents des géniteurs et, toutes conditions semblables, sensiblement
identiques entre eux, tout au moins à la première génération. Par la suite, la
discordance est des plus variées, et c'est un travail long, délicat et minutieux
que de fixer une race nouvelle issue de croisements.
Sans s'attacher à ce résultat, qui est du ressort de
spécialistes, le praticien peut avoir intérêt à croiser des animaux dont les
produits seront destinés, s'il s'agit d'animaux, à la boucherie et non à la
reproduction, procédé couramment employé avec le mouton, par exemple, ou le
porc ; il permet, avec quelques géniteurs mâles améliorés, d'obtenir de
femelles de race commune des produits précoces, et bien conformés.
C'est ce qu'on appelle le croisement industriel ou de
première génération. Il a l'inconvénient d'obliger à élever, en dehors de cette
spéculation, deux troupeaux, un de mâles, un de femelles, dont les produits
serviront, eux, à la reproduction. Le plus souvent, on se contente du troupeau
de femelles et on achète les mâles à un autre éleveur.
Le procédé opposé est la consanguinité, qui rend de grands
services pour l'amélioration des races dont elle renforce les caractéristiques ;
mais elle tend à diminuer la fécondité, tandis que le croisement tend à
l'accroître, et ce phénomène se vérifie non seulement en matière animale, mais
en matière végétale.
C'est cette propriété que les méthodes américaines veulent
utiliser pour augmenter le rendement du maïs, lequel se prête bien au
croisement puisque, à l'inverse du blé qui est à fécondation directe (quand la
fleur s'ouvre et laisse apparaître les étamines, la fécondation est effectuée),
le maïs est à fécondation croisée. Bien mieux, les inflorescences mâles et les
inflorescences femelles sont distinctes.
À vrai dire, l'intérêt de ce croisement de première
génération entre deux maïs différents est connu depuis longtemps, et bien avant
1914 on le conseillait à l'École de Grignon. Mais les méthodes actuellement
préconisées systématisent le procédé. Elles bénéficient d'importants travaux de
mise au point et d'un effort de diffusion considérable en vue de les faire
connaître du grand public.
Poussant l'idée à la limite de ses possibilités, elles
cherchent la production d'un hybride double provenant du croisement d'un
hybride A x B avec un autre hybride C x D. L'obtention des
hybrides primaires se fait en cultivant les deux géniteurs côte à côte dans un
champ isolé de tous autres maïs. Suivant la puissance fécondante du mâle
choisi, on sèmera un rang de celui-ci pour deux, trois ou même quatre rangs de
la variété femelle dont on aura soin d'enlever les inflorescences mâles lors de
la floraison. Plutôt que de pratiquer l'écimage, il sera préférable de détacher
les fleurs mâles à la main.
On aura donc obtenu dans un champ des épis A et A x B ;
dans un autre, des épis C et C x D. Les hybrides primaires A x B
et C x D, semés à leur tour, côte à côte, donneront avec le maximum
de productivité un hybride secondaire (A x B) (C x D). Le
plus souvent, on mettra un rang de l'hybride A x B mâle pour trois
rangs de l'hybride C x D femelle, mais, là encore, il faudra
pratiquer la castration de l'hybride femelle. L'hybride secondaire, résultat de
ces opérations, ne sera pas utilisé pour la semence.
Tout ceci représente un travail assez complexe ;
pratiquement, il sera simplifié parce que les hybrides primaires seront
produits par les sélectionneurs et l'agriculteur se les procurera dans le
commerce. Il n'aura plus qu'à exécuter l'opération finale : l'hybridation
des hybrides.
Les frais de ces multiples opérations sont loin d'être
négligeables et la question qui se pose est de savoir s'ils sont en rapport
avec le profit à en espérer. L'augmentation de rendement serait de 10 à 15 p.
100, et peut-être davantage, par rapport à la production habituelle de maïs de
variétés pures, ce qui semblerait intéressant, mais, avant de généraliser le
procédé, il conviendrait de vérifier la réalité et la constance de ces
chiffres.
Il faudra aussi s'assurer de pouvoir se procurer des
hybrides primaires adaptés à notre sol et à notre climat, faute de quoi on
s'exposerait à de sérieux mécomptes. Le problème vaut la peine d'être étudié,
d'autant plus que le maïs ne manque pas de débouchés, et qu'il serait
souhaitable de voir augmenter sa production.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
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