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Les lapins angoras

Un élevage de rapport.

— Nombreux sont les lecteurs du Chasseur Français qui s'intéressent aux petits élevages pouvant être entrepris en famille, sans grands débours, dans le but d'augmenter les ressources d'un budget parfois à l'étroit.

Au nombre des petits animaux susceptibles de fournir les meilleurs résultats pécuniaires, chez les ruraux limités par la place, il faut citer l'élevage des angoras, orienté du côté de la production du poil à filer, ou encore pour les livraisons aux mégissiers de belles fourrures au poil long et soyeux. La viande ne vient qu'en troisième lieu.

Les soies d'angora disposent d'un champ d'applications multiples, dans la fabrication des tissus hygiéniques, à l'usage des aviateurs, des explorateurs, des rhumatisants et à toutes les personnes sensibles des bronches (plastrons, tricots, genouillères, casquettes, chaussettes, gants, ceintures, etc.). Bien que le poil d'angora soit sujet à des variations saisonnières quant au prix, la mévente n'est guère à craindre et un élevage de lapins à épiler restera toujours rémunérateur, à condition de le bien conduire et de nourrir convenablement ses pensionnaires.

Choix de la race.

— Le bon choix des reproducteurs destinés au peuplement d'un clapier d'angoras influe considérablement sur la qualité et le rendement en poil, ce qui modifie le bilan de l'élevage.

Pour cette raison, on devra adopter des sujets à la toison dense, soyeuse, dont la bourre a une longueur de 15 centimètres au moins, le jarre étant toujours très court.

Il existe des angoras de toutes couleurs, des blancs, des gris, des bleus, des noirs, des havanes, etc., mais les plus appréciés des filateurs et des éleveurs sont à poil long, d'une teinte immaculée, dont les toisons, dites « boule de neige », ne sont jamais laineuses ni cotonneuses.

Le poids moyen des sujets adultes devra être maintenu entre 3kg,500 et 4 kilogrammes, de manière à pouvoir fournir à chaque plumée, effectuée tous les trois mois, entre 75 grammes au minimum et 100 grammes par tête, ce qui représente un rendement annuel de 300 à 400 grammes de soies.

Certains éleveurs, dans le but d'augmenter la finesse des poils, préconisent l'angora de Saint-Innocent. Malheureusement, ce lapin est de petite taille. Son rendement étant inférieur à 75 grammes, on ne l'adoptera jamais à l'état pur, mais on pourra l'employer pour le croiser avec l'angora blanc amélioré, dans le but d'obtenir des sujets de poids moyens pourvus d'une toison serrée, longue et fine. Dans tous les cas, il est prudent de ne pas pousser le croisement au delà des métis de première génération.

Installation des clapiers.

— Les angoras, étant soumis à des déshabillages trimestriels, sont naturellement frileux, surtout pendant la saison froide. Aussi leurs clapiers seront-ils toujours installés sous couvert, jamais en plein air. On pourra utiliser à cette intention les granges, les remises, les celliers, les soupentes, les appentis, etc., garantis des intempéries, de la chaleur et du froid, ainsi que de l'humidité.

D'autre part, si les lapines portières doivent disposer de niches spacieuses et indépendantes, pour les besoins de la nidification et de l'allaitement, les poiliers seront toujours logés en commun, par groupes de 12 à 24, dans des parquets grillagés pourvus d'un râtelier-chevalet, permettant l'affouragement à la fourche, comme chez les moutons.

Ce dispositif simplifie considérablement la main-d'œuvre et il empêche le gaspillage de la nourriture, si le râtelier est tendu de grillage à mailles de 52 millimètres. Toutefois, pour le bon accord, le peuplement des parquets se fera avec des sujets du même âge, appartenant au même sexe, les mâles ayant été castrés entre trois et quatre mois.

Pour créer un élevage de 100 poiliers, par exemple, il suffit de réserver un mâle et deux lapines de choix, auxquels on fera produire annuellement le tiers de l'effectif, de manière à pouvoir effectuer la réforme des angoras lorsqu'ils sont âgés de trois ans environ, après avoir fourni une douzaine de plumées. Les deux premières, ayant peu de valeur marchande, ne rentrent pas en ligne de compte. Les angoras âgés de trois ans donnent une viande qui, sans être de première qualité, n'en est pas moins comestible.

Nourriture, soins, épilage.

— De même que les autres lapins, les angoras recevront à chaque repas des fourrages verts et des fourrages secs. Pendant la belle saison, le vert est représenté par toutes sortes de verdures provenant des prairies naturelles et artificielles, ou encore du jardin, du verger, de la cuisine, etc. Durant l'hiver, on distribue des choux fourragers et surtout des betteraves, des carottes et d'autres racines ou tubercules, toujours crus et entiers. À cela on ajoutera, en toute saison, un petit supplément d'avoine pour activer la croissance du poil.

La litière sera fréquemment renouvelée pour éviter que les toisons se salissent et perdent de leur valeur. Enfin, on donnera un coup de démêloir dans la fourrure pour empêcher la formation des mèches ou catons, environ tous les quinze jours.

Quant à l'épilage, il s'effectue rapidement et sans douleur sur les adultes. Mais, s'il s'agit de jeunes lapereaux, lors des deux premières plumées, il faut opérer avec douceur, par très petites pincées, dans le sens du poil, en les tirant de la main droite et en retenant la peau avec la main gauche.

Vente et conservation du poil.

— Aussitôt leur épilage, la soie des angoras est expédiée le plus vite possible aux intermédiaires, ou directement aux filateurs, l'emballage se faisant dans des caisses ou des paniers, sans tassement.

Le poil de lapin étant sujet à des fluctuations de prix assez importantes, on fera bien, en cas de dépréciation anormale, de mettre sa marchandise en réserve, en attendant le relèvement des cours.

Mais, pour éviter que les soies s'altèrent et se déprécient, on devra distribuer le poil dans des tonnelets ou des jattes en grès, sans le tasser, par couches de 20 centimètres d'épaisseur environ. Les couches stratifiées sont séparées par des rondelles de papier imbibées d'essence minérale. Si la mise en dépôt devait durer plus de trois mois, il faudrait stratifier les soies dans d'autres récipients, de la même manière, entre des rondelles de papier. Par ce procédé, on empêchera les mites et le feutrage.

Mondiage D'ARCHES.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 300