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Élevage des dindonneaux

orsque certaines conditions sont requises, l'élevage du dindon peut être très rémunérateur. Beaucoup de fermières le savent, mais nombreuses aussi celles qui sont rebutées par la crise « du rouge », entraînant la mortalité des jeunes lorsqu'ils sont âgés de huit à dix semaines.

Il faut malheureusement en convenir, les pertes sont souvent élevées, dans les fermes, parmi les jeunes dindonneaux. La moitié de l'effectif peut ainsi disparaître en quinze jours. L'on considère alors l'élevage comme impossible, en mettant tout sur le compte d'une maladie aussi incurable que mystérieuse, contre laquelle poudres et remèdes achetés dans le commerce ne peuvent rien.

Or « la crise du rouge » n'est pas une maladie, c'est simplement une période difficile de la croissance, caractérisée extérieurement par la coloration carminée que prennent les caroncules de la tête ; c'est la transformation du jeune en adulte, période qui, comme chez l'adolescent, nécessite une certaine résistance du corps pour se dérouler sans conséquence funeste. Et si la mortalité est souvent élevée, c'est que les jeunes manquent de robustesse, par suite de conditions d'alimentation défectueuses. Si la nourriture distribuée pendant les deux premiers mois d'élevage est suffisamment riche en matière azotée et fortifiante, il n'y a rien à craindre ; de même, si on a eu soin de distribuer abondamment persil, orties, fenouil, salades, et de laisser un parcours assez étendu pour que les jeunes puissent trouver vers, larves et insectes. C'est un mauvais calcul que de trop vouloir économiser sur la nourriture du jeune âge, qui entraîne l'hécatombe à coup sûr, et c'est l'éleveur qui est la cause directe des pertes subies : il n'y a rien de mystérieux là-dessous.

Mais cette affection est-elle incurable ? On comprend facilement, par ce qui précède, à quel point il est malaisé de sauver des dindonneaux mal nourris de la « crise du rouge » au moment où celle-ci apparaît. Étant uniquement la conséquence d'une déficience organique, on doit essayer de « doper » ses oiseaux en leur donnant des toniques et des fortifiants pour les sauver. On peut éviter la mortalité par ce procédé, mais on doit être persuadé que, sans l'apport d'une alimentation particulièrement riche, cette amélioration est factice ; elle prolonge, elle ne guérit pas. Et, alors que, dans des conditions normales d'élevage, au bout de quinze jours les oiseaux ne se ressentent plus de rien, on se voit obligé, avec des sujets malingres, de les nourrir abondamment pendant un mois ou deux, pour réparer les conséquences d'erreurs pourtant faciles à dépister. Comme tonique, on se trouvera bien de l’utilisation du gingembre, de la gentiane en poudre — certains utilisent le café comme excitant. Quelques fortifiants vétérinaires, vendus par des établissements sérieux, seraient d'un effet certain.

Au moment de la crise du rouge, mes dindonneaux étant bien nourris dès leur naissance, je n’ai pas de pertes à déplorer supérieures à 5 p. 100. Je me contente d'augmenter les distributions d'orties, de fenouil, d'oignons ; toutes les pâtées sont humectées au lait écrémé et j'augmente la proportion d'aliments fortement azotés entrant dans la composition des pâtées ; quinze jours de ce régime me mettent à l'abri de tout ennui. Après cette période, les oiseaux trouvent alors une-grande partie de leur nourriture au dehors, tout en profitant à vue d'œil.

Soignez donc bien vos dindonneaux pendant les deux ou trois premiers mois, vous n'aurez pas à craindre ce « rouge » qui vous effraie. Là comme ailleurs, « mieux vaut prévenir que guérir ».

E. DE JEANAY-CHALENS.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 300