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Sur la route d'Extrème-Orient

Canal de Malaisie.

— Quand on regarde une carte de géographie du golfe de Bengale, on remarque tout de suite que les lignes maritimes d'Extrême-Orient à partir de Colombo descendent sur Singapour en s'infléchissant de plus de 500 miles (1). D'un autre côté, on constate que la ligne directe du cap nord de Ceylan va rejoindre le nord de la presqu'île malaise. En même temps, on distingue que l'isthme qui relie la presqu'île au continent (isthme de Kra ou de Kiwa) ne mesure que 15 kilomètres environ dans sa partie la plus étroite, séparant le golfe de Siam du golfe de Bengale.

Dans ce golfe de Siam, et de cette partie de la presqu'île au cap extrême-sud de l'Indochine, on remarque que la ligne ne s'infléchit que de 200 miles, alors que la ligne actuelle de Singapour remonte vers le nord pour longer la côte d'Annam vers Hong- Kong à près de 500 miles de différence.

Ce détour obligataire oblige les courriers d'Extrême-Orient à effectuer de deux à trois jours supplémentaires de voyage.

De plus, dans cette partie la plus étroite de l'isthme, une rivière débouchant dans le golfe de Bengale traverse presque de part en part cette bande de terre en territoire thaïlandais (Siam). On a donc pensé, et les Japonais n'étaient pas les derniers à cette époque (1936), de construire un canal maritime reliant les deux golfes. La taxe qui, en pareille circonstance, serait perçue laisserait encore une large marge d'économie aux compagnies de navigation. D'autre part, Singapour, en .cas de conflit (le cas s'est présenté à la dernière guerre), ne serait plus une clef de communication unique et, par conséquent, trop fragile.

La présence de la rivière de Kwa (même nom malais) aiderait énormément la construction du canal comme cela s'est présenté pour Panama avec le Rio Chagres et dont la distance était plus grande (près de quatre fois), augmentée de la différence de niveau des deux océans qui a obligé la construction d'écluses (Gatum et Miraflore).

La construction du canal de Malaisie serait donc d'une utilité stratégique et économique et formerait la nouvelle porte de l'Extrême-Orient.

Port de Camranh.

— Parallèlement à la construction du canal de Malaisie, une nouvelle escale s'impose sur la route d'Extrême-Orient.

En effet, Saïgon, le port d'escale entre Singapour et Hong-Kong, est situé au fond d'un estuaire de la rivière de Saïgon, à plus de 50 kilomètres à l'intérieur des terres en partant du cap Saint-Jacques. Pour obvier à cet inconvénient, on a songé à utiliser la magnifique rade de Camranh.

Camranh est donc appelé à être un port important de l'Indochine méridionale. Il est situé à 4 et 5 milles (2) de la route suivie par les long-courriers d'Extrême-Orient, à moitié route entre Hong-Kong et Singapour (1.400 milles), à 700 milles de Manille et des Indes néerlandaises. Le mouvement du port atteint 100.000 tonnes actuellement. Les facilités de la baie sont telles qu'en trois heures un paquebot peut entrer à Camranh, débarquer, prendre ses passagers et sortir pour continuer sa route, alors que, pour une seule escale aussi courte à Saïgon, il lui faut vingt-quatre heures au-moins en raison du long estuaire de la rivière à partir du cap Saint-Jacques. L'entrée de Camranh ne pourra être obstruée comme le sera la rivière de Saïgon. Le port possède maintenant une gare maritime et les marchandises peuvent être transportées à Saïgon en moins de temps qu'il n'en faut aux paquebots pour atteindre le cap Saint-Jacques et remonter la rivière de Saïgon.

De plus, les dimensions des paquebots de l'avenir seront certainement supérieures et Saïgon deviendra alors inaccessible à beaucoup d'entre eux. Dès que les installations portuaires seront érigées, Camranh transitera une bonne partie du tonnage de Saïgon. Il est donc à conseiller d'acquérir des terrains dans les environs du port pour y établir des commerces qui ne tarderont pas à prendre de l'extension au fur et à mesure du développement du port, mais, évidemment, lorsque la situation dans ces régions sera redevenue plus normale.

La rade de Camranh est une des cinq grandes rades du monde (San Francisco, Sydney, Rio-de-Janeiro et Diego-Suarez).

R. GÉRONIMI de SAINT-PÈRE.

(1) Mile anglais : 1.609m,30.
(2) Mille français : 1.851m,85.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 311