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La vie sur les mondes

Les soucoupes volantes sont à la mode; et l’on assure même qu'elles nous ont apporté quelques Martiens !

Tout cela ressemble fort au vieux roman de Wells — La Guerre des mondes : arrivés sur terre au moyen de « cylindres » dont ils dévissaient, de l'intérieur, le couvercle, les Martiens étaient rapidement détruits par le microbe de la putréfaction, inconnu sur Mars dans l’esprit de l’écrivain anglais.

Les Martiens existent-ils ? Les planètes sont-elles habitées ? Questions souvent posées dès que l'on parle étoiles, astronomie. Les données actuelles de la science permettent d'affirmer que les planètes du système solaire possèdent des atmosphères, différentes de la nôtre évidemment ; et nous allons tenter de répondre aux deux questions.

Mars la rouge dont on a tant parlé, à tort et à travers, est un monde certes fort énigmatique, très observé quoique à quelque 60 millions de kilomètres de nous ; nous savons que les prétendus canaux des Martiens, destinés à irriguer les « déserts » de leur planète, ne sont formés que d'alignements, plus ou moins bien visibles, de taches ou de tons matérialisant la flore et le relief du sol martien et dont la réunion, sous faible grossissement, donne un tracé géométrique à contours flous, qui subit de lentes modifications, tout en conservant une stabilité d'ensemble telle que des cartes de Mars très détaillées existent, dont la plus célèbre — et la plus décriée aussi — est celle de l’Américain Lowell ; Toile d’araignée, terreur des mouches, en disait-on, tant il avait bariolé le disque du dieux de la guerre de traits rigides, étroits et défiant la perspective.

Les variations saisonnières de Mars, alliées aux changements de tons des continents (?) (jaune rouge) et des mers (?) (vert sombre) s'expliquerait par des modifications de la teneur chimique (hydratation) ou de la cristallisation des minéraux couvrant le sol martien.

Cette planète, vouée aux saisons, serait encore fort habitable : nous voyons les cercles polaires — si blancs, — fondre ou s'élargir ; mais, située loin du soleil et deux fois plus petite que la terre, elle s’est refroidie très rapidement, et les températures, très basses, varient très vite. Des poussières de sable sont observées, qui masquent à nos yeux de grandes étendues. On a pu mesurer que l’air martien contient deux fois plus d'anhydride carbonique que le nôtre ; il est donc moins pur et, de plus, ne contient pas de vapeur d'eau : les neiges polaires seraient formées d'eau glacée à fort basse température.

Les régions rougeâtres désertiques, sans doute semées de roches ignées, peuvent être peuplées d’une végétation réduite à quelques lichens ou mousses, comme il en existe dans l'extrême-Nord de notre globe ; sur Mars, lentement la vie, telle que nous la concevons, s'éteint !

Et sur les autres planètes ? direz-vous.

Parlons tout d'abord de la pluralité des mondes habités, c'est-à-dire de la possibilité générale de la vie à leur surface. Déjà Fontenelle, en 1687, dans ses Entretiens, plaçait des êtres partout, mais différents des hommes par suite de la « diversité infinie que la nature doit avoir mise dans ses ouvrages ».

Remarquons que toutes les étoiles sont des soleils, sources de chaleur, de vie et centres de mondes perdus dans leur rayonnement ; il est difficile d'admettre que, parmi ces milliards de planètes, il n'y ait que la terre d'habitée, et d'autre part, si nous ne limitons pas la fantaisie de la création, chaque globe peut être le séjour d'êtres adaptés aux conditions de la surface, êtres qui nous sembleraient monstres ... et réciproquement. En fait, la théorie évolutionniste semble plus sage : la cellule, à peu près identique pour tous les êtres vivants, animaux ou végétaux, réclame certaines conditions pour subsister (chaleur, pression, lumière, humidité).

L’homme s'adapte à des températures extrêmes variant lentement : 40° de part et d'autre du zéro, et peut supporter des pressions de 5 à 6 atmosphères. Les microbes, eux, résistent à -250° et +120°.

Une pression d'air trop faible diminue nos forces vitales : d'où les nacelles stratosphériques pour les vols au-dessus de 6.000 mètres. Au delà de 9.000 mètres, l'homme est voué à la mort. À cette hauteur, la pression passe à 15-20 centimètres, l'oxygène est réduit au quart : c'est le mal des montagnes à son degré dangereux.

La lumière ne semble pas aussi indispensable, quoique la vue s'atténue avec la nuit, mais les abîmes océaniques, ou jamais le soleil ne pénétra, sont peuplés ...

Seule l'eau est un élément prépondérant, occupant dans les tissus 60 p. 100 de leur poids. Pourtant quelques rotifères et tardigrades (espèces inférieures) peuvent se dessécher sans périr : une goutte d'eau les ranime ensuite.

Ensuite, certes, l’oxygène et l'azote sont indispensables, assimilés par la cellule soit à l'état libre, soit indirectement par les plantes.

Nous connaissons donc les conditions de vie sur la terre ; transportons-nous par la pensée — en attendant de prendre un billet aller et retour dans une fusée à réaction, nucléaire, — sur les quelques planètes de notre système et voyons si vivre y serait possible.

Sur la lune, si proche, les moyens optiques permettraient de déceler visuellement toute trace de civilisation, routes, monuments, masses d'eau et de verdure : de cela, rien n'existe ; le spectroscope indique que c'est un monde privé d'air et d'eau, domaine du silence, ou les variations de température, par suite d'absence d'atmosphère, sont de l'ordre de centaines de degrés. Il ne subsiste, au-fond des crevasses que des traces de gaz raréfiés comme ceux existant sur terre, au dessus de la stratosphère (méthane, protoxyde d'azote, ammoniaque).

Abordons Vénus, étoile du berger, si flamboyante soir ou matin, terre analogue à la nôtre et de même âge. Plus chaude, environnée d’une épaisse atmosphère vaporeuse qui ne laisse pas voir la surface, monde de vents et de pluies perpétuelles — image de la terre à l'époque diluvienne, — la douce Vénus ne paraît pas propre à entretenir la vie, mais, comme pour Mars, la réponse est évasive ...

Mercure, petit monde à peine plus gros que notre lune, étant aussi, comme elle, trop près du soleil, carbonisé le jour, a perdu toute eau ; le rayonnement, la nuit, apporte des froids interplanétaires (-200°).

Quittons les abords de la fournaise solaire, allons vers la nuit et le froid, et, 500 millions de kilomètres parcourus, posons le pied sur le sol mouvant (?) de Jupiter. Énorme globe, onze fois plus gros que la terre, pas encore formé, Jupiter est l'image de la terre il y a 10 millions d'années. Il ne semble pas être convenable pour des êtres organisés. Même conclusion pour Saturne, où le froid est encore plus vif.

Les atmosphères de ces planètes, épaisses, sont divisées en bandes animées d'inégales vitesses et contiennent beaucoup de méthane (délétère), d'ammoniaque et probablement, assez d'hydrogène ; les nuages, énormes, seraient formés de gouttes d'ammoniaque. Il est très possible que la vapeur d'eau glacée y abonde et que l'anneau de Saturne soit couvert de gelée blanche ...

Dès que nous allons vers Uranus, Neptune et Pluton, il convient de signaler qu'à ces distances fantastiques, de 1,5 à 6 milliards de kilomètres le soleil n'existe plus en lumière et en chaleur. Sur Pluton, dernière planète décelée en 1930, l'air, s'il existe, doit être liquide, tant le froid est absolu.

Nous voyons donc que, à part Vénus et Mars, pour lesquels nous ne pouvons décider, las autres planètes ne sont pas habitables pour des êtres qui nous ressembleraient physiquement, pathologiquement ; mais la vie peut exister à leur surface, s'y témoigner d'une autre façon que chez nous, car il ne faut pas oublier que déjà, sur terre, elle s'adapte à des conditions contradictoires, même absolument opposées.

R. MIETTE.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 314