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En attendant le coup du soir

Pêche au maïs tendre

Aucune pêche ne remplacera, pour nous, la pêche à la mouche ; mais, en attendant l'automne, que faire pendant les heures mortes des journées d'été ? Pêcher au maïs tendre permettra d'arriver sans ennui aux heures si agréables du fameux « coup du soir ».

Depuis quelques années, jeunes ou vieux, citadins ou paysans, pèchent au maïs. Les jeunes y dépensent leur activité, les vieux se reposent confortablement, assis sur leur gros panier : tous prennent du barbeau.

Le chevesne et la vandoise sont réservés aux plus habiles.

Choix du maïs.

— Il faut savoir choisir les épis de maïs. Au début de la saison, on les trouve dans tous les champs de maïs. En septembre, il faut les chercher dans le maïs fourrager plus tardif. Avant de le couper, il faut l'ouvrir avec l'ongle et vérifier que le grain n'est ni trop tendre ni trop dur. Si en pressant avec l'ongle il jaillit une goutte de lait (on dit aussi maïs en lait), il est parfait. Ensuite, au bord de l'eau, vérifier qu'il « plombe », c’est-à-dire que, lancé à l'eau, il ne reste pas à la surface, mais va au fond. Cette condition est essentielle.

Le barbeau a deux façons de prendre le maïs : quand il est gros, ou quand ça mord bien, il avale le grain en entier jusqu'aux tripes ; mais souvent il grignote le grain en commençant par la partie inférieure, celle où n'arrive pas toujours l'hameçon. Dans ce cas, la pêche est plus difficile, mais, pour un pêcheur à la mouche habitué à d'autres finesses et aux relâchers, ce n'est pas désagréable.

Quand vous aurez choisi vos épis (il en faut de trois à cinq pour une séance), vous les égrainerez. Il ne faut pas détacher les grains un à un de l'épi, mais les couper au couteau au ras de ce qu'on appelle en langue d'oc le « coucaril », c'est-à-dire la partie interne de l'épi dans laquelle sont incrustés les grains.

Vous en remplissez vos deux grandes poches : celle de gauche (plus à portée) pour amorcer, celle de droite pour agrainer (même raison).

Les armes.

— Chaque méthode coulée ou pose exige des armes différentes (suivant les moyens du pêcheur) appropriées à ces méthodes, au savoir, au goût de chacun et au rendement que l'on veut obtenir. Prendre 1 ou 2 kilogrammes de barbeaux est à la portée de tous avec n'importe quel équipement, mais 15 ou 20 kilogrammes ne l'est pas avec une canne quelconque.

Pour la coulée, que les Anglais appellent Sheffield style, d'autres « suivie », une canne ordinaire tiercée de 5 à 6 mètres ou plus, si vous êtes « costaud », avec anneaux et moulinet. Le scion doit être parfait. Pour la grosse pêche, il faut une canne appropriée au coup, percée dans toute sa longueur, scion compris. Ce dernier sera fort, non pas rigide, mais presque. Pourquoi ? parce qu'il ne faut pas perdre de temps quand ça mord, à sortir un poisson avec l'épuisette. Il faut pouvoir sortir de l'eau rapidement et d'autorité un poisson d'une livre, le prendre à la main à hauteur de ou sur son ventre. (Il ne bouge pas.) Dans ce cas, on pêche presque toujours en étant dans l'eau, muni d'un grand sac en serpillière ou d'un sac de minoterie plongeant dans l'eau. Ce sac est noué à une corde. On fait une « oreille » au sac qu'on introduit dans le nœud en l'y passant deux fois avant de le serrer fortement. On fixe ensuite le sac à sa taille à l'aide de la corde tenant lieu de ceinture. Ainsi paré, on y introduit facilement et rapidement le poisson, qui s'y conserve vivant. Quand le sac est trop plein, qu'il devient gênant, on le transvase dans un panier ou une réserve près de la berge, dans l'eau.

Il faut aller vite quand ça mord. Le barbeau ne mord que par passées, il reste quelquefois de longs moments où il semble bouder, puis il se remet à table : il faut en profiter. Si votre équipement ne vous permet pas une manœuvre rapide, vous perdez du poisson : le rendement diminue.

Canne à lancer léger.

— On peut utiliser à la pêche à la coulée la canne à lancer léger. Cette méthode sera plus sportive, beaucoup moins fatigante, mais beaucoup moins productive aussi. Elle peut être agréable à ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se mettre à l'eau. Elle est aussi plus élégante, et travailler au tambour fixe un gros barbeau est plus amusant, plus sportif, plus moderne surtout que de le noyer avec une longue canne. Les amateurs de « pumping » auront là l'occasion de s'exercer. Un gros barbeau ou un gros chevesne ne quitte pas le fond facilement, le moulinet siffle, resiffle et ne ramène pas toujours aisément un poids lourd, et on pêche avec du 16/100. Le flotteur devra soutenir une plombée d'environ 3 grammes (petit chapelet de plombs n°4) en étant presque totalement immergé. Il faudra chercher des courants, des remous convenant à cette plombée et dont le fond ne dépasse pas la longueur de la canne afin de pouvoir lancer. Une longue canne de 3 mètres en bambou ordinaire en deux brins, fabriquée par soi-même, est préférable aux cannes courtes.

Pêche à la pose.

— On peut utiliser à la pose diverses cannes ordinaires en bambou, en roseau, avec anneaux ou percées, avec scion souple pour avoir des touches très sensibles à la vue pour vous et le moins possible pour le poisson, mais nerveux permettant de lancer facilement un poids de 3 à 5 grammes. Avec moulinet ordinaire, il suffira de lover à terre ou dans l'eau quelques mètres de fil. Avec tambour fixe, la canne à lancer est très agréable malgré le ferrage plus difficile. Dans les deux cas, on pose la canne sur une pierre ou une fourche avant l'arrivée du plomb sur le fond ; se méfier au moment où le plomb le touche, ensuite rester sur le qui-vive en fumant une bonne pipe : très agréable en vacances dans un joli coin pittoresque frais et à l'ombre ...

Pas de flotteur à la pose, la pointe du scion vous parle et raconte ce qui se passe au fond. Permet la pêche dans les grands fonds.

Lignes, hameçons, amorçage.

— Moulinet garni de nylon 18 ou 20/100, bas de ligne 16 ou 18/100. Plombée variable selon les coups, en général brutale ; 3 ou 4 grammes de grains n°6 ou 4, espacés légèrement, à 60 centimètres de l'hameçon. Petit plomb n°8 à 40 centimètres de l'hameçon. Si le parcours est court, l'eau profonde et rapide, augmenter la plombée. Hameçon variable, doré de préférence, du 14 au 10, selon la grosseur du grain. Si les grains sont petits, en mettre deux, mais pêcher avec un seul est préférable. Il est souvent inutile de cacher la palette de l'hameçon et même une partie de la hampe, mais il vaut mieux pousser l'hameçon avec l'ongle jusqu'à disparition totale de la palette dans le grain. La pointe de l'hameçon doit sortir très légèrement.

Coups.

— Le barbeau ne se tient que dans les remous et les courants. Les gouffres rocailleux et profonds se terminant en gravier à fond remontant sont les meilleurs endroits, constituant souvent des réserves naturelles. Le barbeau mord à toute heure du jour, très souvent au milieu du jour, malgré le soleil ; il suffit d'avoir un peu le sens de l'eau pour trouver un coup non péché, il y en a toujours, à l'abri des néophytes inconscients ou de certains chevronnés un peu trop sans gêne.

Méthodes. Pêche à la coulée avec relâcher à fin de ligne.

— Méthode classique ordinaire. Mais ce relâcher, tout le monde n'en a pas le savoir-faire. C'est presque un art, sûrement un doigté que beaucoup ne peuvent obtenir : il ne faut pas ramener à soi le flotteur, mais, le bras tendu, laisser tendre la ligne et, au moment précis où le grain de maïs passe en aval du plomb et se relève par la force du courant — ce qui est intuitif puisque on ne le voit pas, — ferrer.

Quand le poisson ne mord pas franchement, qu'il semble rassasié, qu'il grignote le bas du grain en évitant l'hameçon, il faut retenir le flotteur dès le début du parcours en tenant la canne immobile. La ligne se tend, le flotteur s'arrête : vous avez la touche, ferrez immédiatement ; vous n'avez pas de touche : laissez repartir le flotteur — la touche peut se produire à ce moment ; ferrez, sinon laissez courir un peu et recommencez ainsi jusqu'à la fin du parcours avec relâcher final.

Pêche au toc.

— La pêche au toc donne de bons résultats au maïs. L'employer aussitôt que la pêche au flotteur ne rend pas. Dandiner est aussi très bon. Ces deux modes donnent des poissons plus gros.

Quelques observations.

— Sur une amorce immobile, cas de la pose, à fond, le barbeau ne mord pas toujours. Si possible, choisir alors un fond plat dans un remous où la plombée de 3 à 5 grammes pourra se déplacer, tournoyer dans le fond sous l'action du courant sans accrocher. Plombée coulissante en forme d'olive aplatie arrêtée par un plomb n°4, à 60 centimètres de l'hameçon, petit plomb de 8 à 40. La pose ne dispense pas d'agrainer. Dans toutes ces pêches, le succès dépend de l'agrainage, qui doit être judicieusement fait. Se rendre compte que le grain passe bien sur la coulée. Quand les touches commencent à se modérer, ne jeter que quelques grains, mais à chaque coup de ligne. Si le courant oblige de lancer en amont à une trop longue distance pour le faire à la main (pêche au lancer), se servir d'un tire-pierres d'enfant.

Agrainer dix minutes avant le premier lancer assure deux ou trois bonnes touches dès le début.

Vandoise, chevesne.

— C'est par hasard que l'on prend parfois sur un coup à barbeaux un chevesne ou une vandoise. Les coups à chevesnes et à vandoises ne sont pas les mêmes. Ce sont, en général, des coulées sur gravier à courant lisse et régulier ou, au contraire, quelquefois pour le chevesne un remous très aéré, vif et rocailleux, où il n'est pas nécessaire de pêcher avec le plus grand fond. Allonger la distance entre plombée et hameçon.

On peut utiliser des lignes plus fines pour cette pêche. C'est surtout pour le chevesne et la vandoise qu'il faut agrainer peu, mais souvent.

À la pose et canne à lancer, on prend de gros chevesnes parce qu'on peut poser son amorce en des points tranquilles où il se réfugie et n'est pas dérangé. Amorcer avec un gros grain, agrainer avec la fronde. Dans sa défense, le gros chevesne se colle souvent au fond au milieu de la rivière, donnant l'impression que l'on est accroché. Attendre qu'il reparte

Le mois d'août est le mois de vacances et des congés payés ; il fait chaud, on va au bord de l'eau, on se baigne, on nage et, puisque le barbeau mord : on pêche. Ce sont les mêmes pêcheurs qui, en juin, si c'est toléré, pêchent la sophie et la truite à la mouche de mai. Ainsi, le « Carnaval de la pêche » continue jusqu'en octobre où, la rivière enfin désertée, les purs se retrouvent ... à la mouche !

P. CARRÈRE.

Le Chasseur Français N°640 Juin 1950 Page 342