Le Salon des Sports a fermé ses portes depuis plusieurs
semaines, et nous pouvons, aujourd'hui seulement, en dégager la leçon et
dégager des perspectives sereines sur les horizons qu'il nous a ouverts.
Jusqu'à cette année, les « Salons » étaient l'apanage d'arts
picturaux, ou des industries de luxe.
La plupart étaient devenus des rites annuels, comme le Salon
d'Automne ou celui de l'Automobile.
Le fait que, pour la première fois, une manifestation de cet
ordre et de cette envergure s'applique à l'ensemble des sports est
particulièrement riche d'enseignements. Il confirme tout d'abord l'importance
exceptionnelle du phénomène social considérable qu'est devenu le sport
dans la société moderne. Nous savions déjà que les grands meetings sportifs
suscitaient un déplacement de foule plus vaste que n'importe quelle autre
manifestation, religieuse, politique ou artistique. Le seul athlétisme aux Jeux
de Wembley a pu compter un million de spectateurs. Et, selon Gallup, 88 p. 100
des Français s'intéressent au Tour de France cycliste.
Mais le Salon des Sports comportait relativement peu de
spectacles sportifs susceptibles d'attirer le grand public. Il était d'abord un
étal du matériel moderne de toutes les variétés de sports individuels et collectifs.
Il était aussi prétexte à initier le public aux progrès réalisés dans
l'équipement et dans la parure, au rôle de la technique et du progrès
scientifique dans la fabrication des armes, des instruments et des accessoires
du sportif moderne.
Sur ce plan, l'effort réalisé par la Chambre syndicale des
détaillants a été couronné de succès. Mais, au delà de l'infinie variété des
devantures, au delà des trouvailles ingénieuses et des savantes présentations,
le fait capital pour l'initié comme pour le profane résidait peut-être dans l’universalité
des arts et des sciences représentées dans le haut pavillon du bord de Seine.
On découvrait côte à côte des éventaires de lainages et des boutiques de
libraires, des journaux illustrés auprès des instruments de pêche en haute mer,
des tableaux et des fusils sous-marins, des hélicoptères et des barres
parallèles, des statues et des scaphandres, des piolets et des hors-bord. Ce
mélange bariolé, artistement disposé au cœur de cette tour de Babel, avait
attiré un public aussi divers et aussi complexe que ce qu'on proposait à sa
curiosité. Toutes les classes sociales se mélangeaient au long des comptoirs,
des ouvriers et des snobs, des manœuvres et des intellectuels, des artisans et
des aristocrates ; ils étaient venus là, sinon mus par la même passion, au
moins unis par la même curiosité.
Ils témoignaient tous des mêmes facultés d'émerveillement
enfantin devant les spectacles et les trouvailles qu'on leur présentait. Les
hommes grenouilles dans l'aquarium géant, la lutte du pêcheur contre le poisson
humain qui se débattait longuement avant d'être ramené au rivage par le fil
inexorable, le sauvetage par hélicoptère, les rythmes savants des élèves
d'Irène Popard ou les envols puissants des gymnastes aux agrès suscitaient en eux
les mêmes réflexes, les mêmes visages aiguisés, les mêmes marques d'attention,
les mêmes éclats d'admiration. Ce Salon, aux mille devantures, aux spectacles
savamment variés, justifiait le mot de Shelley : « L'homme n'est
vraiment homme que lorsqu'il joue » (ou regarde jouer). Et, au delà de
cette vérité éternelle, il illustrait le précepte d'Aldous Huxley : « Le
sport est sans doute la découverte majeure des temps modernes. »
Que Mme et M. Barville et le Syndicat des
détaillants et fabricants de sports, organisateurs de cette grandiose
manifestation, trouvent la gratitude de tous les gens de sports pour cette
initiative qui, dans les années à venir, sera un des événements majeurs de la
saison parisienne.
Gilbert PROUTEAU.
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