Seul groupe montagneux entièrement situé en France, le
Massif Central donne naissance à un grand nombre de rivières orientées dans
toutes les directions. Elles présentent généralement des caractéristiques
communes : nées au pied des plus hauts sommets, et souvent formées par la
rencontre de nombreux ruisseaux au point qu'il est parfois difficile
d'identifier la source principale, elles serpentent d'abord sur le plateau au
milieu des pâturages.
Peu à peu elles vont emprunter une vallée, contourner une
crête, forcer un éperon rocheux ; la pente s'accentuant et fortifiées par
l'apport de nombreux affluents, elles se ruent à l'assaut des obstacles,
creusent leur lit et s'enfoncent profondément au fond de gorges réputées.
Puis, arrivées à la limite de la montagne, elles débouchent
dans la plaine, et la transition est généralement instantanée. Il semble que,
brusquement satisfaites de l'effort accompli, elles en ressentent d'un coup
l'écrasante fatigue et éprouvent le besoin de se détendre en courant
paresseusement au milieu d'un calme paysage.
C'est dans la partie située entre le plateau et la plaine,
là où la rivière coule en gorge, que le canoéiste trouve les plus beaux joyaux
de notre réseau nautique. Le lit est rocheux et les rives d'un abord délicat,
mais les parois sont généralement couvertes de végétation et de forêts ;
il faut parfois parcourir une longue distance avant de trouver un emplacement
suffisant pour camper.
La route ou la voie ferrée suivent parfois les gorges ou les
étroites vallées du Massif Central sans que leur présence soit une gêne pour le
canoéiste, qui trouve partout la solitude dans un cadre sauvage que seul le
pêcheur de truites parvient à atteindre par de rares sentiers.
Ces rivières, outre l'attrait des sites et des régions
qu'elles traversent, offrent au canoéiste la gamme complète des difficultés
qu'il recherche. Cependant, quelle que soit l'importance des obstacles, leur
caractère les apparente aux rivières du Jura précédemment décrites. Sauf en
période de forte crue, il est rare de rencontrer un volume d'eau très
important, engendrant des rapides ininterrompus à fortes vagues.
Le lit présente généralement l'aspect d'un escalier
irrégulier, provoquant des rapides rocheux, parfois très rapprochés dans les
sections à forte pente, mais, le plus souvent, séparés par des planiols, ou
zones d'eau calme, qui facilitent l'arrêt ou la reconnaissance. Il est rare que
les rives soient accores ou encombrées au point d'interdire un éventuel portage
ou un passage à la corde pour éviter un obstacle jugé infranchissable.
De cette remarque, il ne faudrait pas déduire cependant que
les rivières du Massif Central sont accessibles à tous et s'y engager à la
légère en pensant contourner les passages difficiles.
La meilleure époque pour descendre les rivières du Massif
Central s'étend d'avril au milieu de juin ; plus tard, sauf en période
très pluvieuse, il est rare de trouver une hauteur d'eau favorable.
Les rivières du versant nord ne présentent pas de
difficultés sérieuses ; elles sont d'un accès assez facile pour les
canoéistes parisiens, qui consacrent deux ou trois jours à descendre la partie
sportive. La plus fréquentée est la Creuse, avec un cours de 75
kilomètres du Busseau à la retenue du barrage d'Éguzon, de classe 2, sauf les
gorges d'Anzême (cl. 3). Son affluent, la Gartempe, peut être
descendu avec intérêt pendant 90 kilomètres, de Bersac-sur-1'Ardour à
Montmorillon, avec des difficultés de même ordre.
La Tardes et le Cher, en amont de Montluçon,
constituent une croisière plus sportive (cl. 3-4).
Affluent de l'Allier, la Sioule est une fort belle
rivière de classe 3 dans la partie haute de Pontgibaud au barrage des Fades ;
elle reste intéressante (cl. 2) pendant 50 kilomètres jusqu'à Ébreuil.
À l'ouest, nous trouvons une rivière, la Vienne, très
sportive en amont d'Eymoutiers, mais il est rare de trouver une hauteur d'eau
favorable. En aval, navigation encore très plaisante jusqu'au confluent du
Taurion. La Maulde, petit affluent de la Vienne, peut être descendue
pendant 28 kilomètres, à condition de profiter d'une crue appropriée
(cl. 3).
Sur le versant sud-ouest, nous ne pourrons que citer pour
mémoire la Dordogne et ses affluents ; ces rivières ont, en effet,
payé un lourd tribut au progrès, et l'industrie hydro-électrique s'est emparée
de leurs eaux. La Dordogne a été, la première, touchée en 1936 par la mise en
service du barrage de Marège, noyant une gorge magnifique et une partie de
rivière réputée parmi les plus difficiles à l'époque. L'oeuvre fut complétée,
en 1943, par la construction du barrage de l'Aigle et demain elle sera
définitivement terminée avec l'achèvement des ouvrages de Chastang et Bort.
Conjointement ont été rayés ou vont disparaître de notre carte nautique les
affluents de la Dordogne : le Chavanon, la Rhue, la Luzège,
la Maronne, toutes rivières de grand sport.
La Vézère a été moins touchée, et la partie haute est
sportive jusqu'à Restivaux (cl. 3-4), mais il faut être renseigné sur le
jeu des barrages et les parties infranchissables avant d'en entreprendre la
descente. En aval et jusqu'à la Dordogne, la Vézère, pendant 100 kilomètres,
est une rivière touristique sans difficultés (cl. 1-2). La Corrèze
(cl. 2-3) peut être descendue en même temps que la Vézère si les eaux sont
assez hautes.
L'Auvézère est un affluent de l'Isle : classe 4
en amont de Genis, classe 2 en aval.
Nous devrons consacrer une prochaine causerie aux versants
sud et est tant les rivières du Massif Central sont nombreuses. Pourtant, bien
que les citant toutes, nous n'avons mentionné que les parties accidentées que
recherche le canoéiste sportif. Les plus importantes de ces rivières présentent
encore, en aval, un grand intérêt touristique, et leur descente charmera tous
ceux qui recherchent dans la pratique du canoé autre chose que de fortes
émotions. Le plus bel exemple nous est fourni par la Dordogne. Après avoir été,
entre Bort et Argentat, l'une de nos plus impétueuses rivières, elle reste, en
aval de cette ville et jusqu'à la Vézère, soit pendant 200 kilomètres, une
rivière vivante, aux belles falaises rocheuses, arrosant de vieux villages et
toute une région réputée par ses châteaux, ses grottes et ses richesses
gastronomiques.
G. NOËL.
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