De combien de soins et de vigilance n'avons-nous pas besoin
pour le bon entretien de notre jardin ! Un des facteurs de réussite à
notre disposition est l'élément eau, indispensable à la plante puisqu'elle
entre pour une grande part dans sa composition, aliment en même temps que
véhicule des principes nutritifs puisés dans le sol, lesquels pénètrent par les
racines et circulent dans les tissus sous cette forme de solution légère ou sève.
Dans un potager, l'eau est donc un élément de première nécessité et, sans elle,
aucune culture n'est possible.
1° Choix de l'eau d'arrosage.
— L'eau idéale doit être aérée, douce, très peu
calcaire, et d'une température de 18 à 20°.
L'eau de pluie est en premier lieu la meilleure des eaux
d'arrosages en raison des fertilisants précieux qu'elle contient. Ces
fertilisants donnent à la végétation une vigueur incomparable et un aspect des
plus luxuriants, aussi recommandons-nous vivement l'usage des tuyaux de
gouttière, afin de réunir dans les réservoirs, simples bacs ou tonneaux, le
plus possible de cette eau.
L'eau de source doit être employée avec beaucoup de
précautions : d'abord à cause de sa grande fraîcheur, ensuite parce
qu'elle porte en elle-même des principes minéralogiques recueillis dans les différents
terrains qu'elle a traversés. Ces principes peuvent être bons pour les
végétaux, mais ils peuvent aussi leur être très nuisibles : aussi, avant
d'utiliser cette eau, il sera bon de rechercher ses qualités et de tenir compte
de l'influence qu'elle peut avoir sur les végétaux. Il faudra, tout au moins,
avant de l'utiliser, la réchauffer dans des tonneaux exposés au soleil.
L'eau de puits présente encore plus d'inconvénients que
l'eau de source, car elle cuit mal les légumes, ne dissout pas le savon, nuit
quelquefois aux végétaux à cause des carbonates et des sulfates calcaires
qu'elle contient. Pour remédier à cela, on abandonnera cette eau quelque temps
à l'air et on la remuera énergiquement à l'aide d'un bâton, afin qu'elle puisse
emprunter le plus possible d'éléments à l'atmosphère, qu'elle revienne à une
température plus douce et qu'elle se débarrasse de la chaux qu'elle contient.
L'eau courante est à vrai dire formée d'un nombre infini de
sources dont les eaux sont inégalement chargées de principes minéralogiques,
mais les propriétés de chacune d'elles se trouvent neutralisées par ce mélange.
Après un certain parcours, l'eau courante peut être considérée comme favorable
à la végétation.
L'eau stagnante ou de mare serait très bonne pour la
culture, mais les inconvénients nombreux qu'elle présente au point de vue de
l'hygiène doivent la bannir totalement.
2° Quand faut-il arroser ?
— Deux sortes d'indications nous sont fournies :
- l'état de la surface du sol peut renseigner partiellement à cet égard :
si, dès le matin, la terre de votre jardin est sèche à une dizaine de
centimètres de profondeur, il est nécessaire d'arroser. Il faut examiner la
fraîcheur à cette profondeur, car la surface peut être desséchée par les fortes
chaleurs ou par les grands vents pour former croûte, alors que le sol reste
frais à une faible profondeur ;
- les plantes seront le meilleur indicateur : lorsque les plantes ont une
tendance à se faner, qu'elles arrêtent de pousser, que leur vigueur diminue et
que leur verdeur est moins brillante, il est nécessaire d'arroser.
3° À quelle heure faut-il arroser ?
— Pour arroser avec le maximum d'effet, il faut tenir
compte à la fois de la saison et de la nature des cultures. S'agit-il de
primeurs ? L'heure favorable est vers dix heures du matin. S'agit-il de
côtières ou de cultures hâtées ? Arrosez vers onze heures, afin que
l'humidité ait disparu avant la nuit, surtout si des gelées sont encore
possibles.
Mais, par contre, en culture de pleine terre, et en été,
mieux vaut arroser de bon matin ou mieux encore, le soir, afin que l'humidité
demeure plus longtemps. Mais les arrosages effectués en été, aux heures chaudes
de la journée, sont plus nuisibles qu'utiles : l'eau provoque un brusque
refroidissement du sol chaud et simultanément des racines, qui ne peuvent plus
absorber tant que ce dernier ne s'est pas réchauffé, alors que les feuilles
transpirent avec abondance sous l'influence du soleil, et il en résulte que,
peu après l'arrosage, certaines plantes viennent à flétrir.
4° Quels légumes faut-il arroser ?
— Il n'est guère de légumes auxquels les arrosages ne
soient pas profitables, et cependant tous n'ont pas les mêmes exigences :
les uns, en raison de leur développement foliacé, réclament d'abondants et
fréquents arrosages : salades, choux-fleurs, épinards, etc. Aussi, par
surcroît, aura-t-on réservé à ces plantes les carrés du jardin les plus riches
en terreau, qui, outre sa grande valeur nutritive, retient le mieux l'eau, et
ne les aura-t-on pas trop éloignées des points d'eau.
Les légumes-racines (carottes, asperges) et ceux pourvus
d'un feuillage réduit (ail, oignon, etc.) se contentent de peu d'eau et
réussissent bien dans les terres sèches.
5° Modes d'arrosages.
— Ils sont fort nombreux et dépendent de l'installation
dont on dispose : depuis le modeste arrosoir, en passant par l'arrosage à
la lance, les mouilleurs rotatifs ou tourniquets (à hélices, à billes), les
mouilleurs horizontaux, les hydro-tracteurs, etc. Considérons tout simplement
l'amateur muni de son modeste arrosoir à pomme.
1° L'arrosage au goulot ou au bec convient pour les plantes
espacées les unes des autres, à condition qu'elles puissent supporter la chute
de l'eau sans déracinement. Nous recommandons vivement non pas le jet droit,
mais celui en filet d'autant plus faible que la plante à arroser est d'autant
plus fragile : il suffit, dans ce cas, de baisser le bras et l'arrosoir le
plus possible près de la terre.
2° L'arrosage en pluie convient aux semis, aux planches
venant d'être sarclées, aux pelouses, car le précédent serait trop violent. On
utilise la pomme de l'arrosoir et, aussi paradoxal que cela puisse paraître de
prime abord, on ne le met pas dans sa position normale, mais inversée : le
jet est plus semblable à la pluie, car plus vertical et non oblique au sol.
Mais, dans un cas comme dans l'autre, on procédera à un
arrosage de fond : pour être bien assuré que le sol possède une réserve
d'eau suffisante et capable de résister à une période sèche et de satisfaire
aux exigences des légumes, il ne suffit pas d'arroser quotidiennement un peu,
en mouillant la terre superficiellement : il faut arroser jusqu'à ce que
l'eau reste à la surface. Mieux vaut donc ne pas tout arroser chaque jour, mais
convenablement une ou deux parcelles.
D'ailleurs comme corollaire de ce qui précède, nous
recommandons vivement de pair arrosage et binage. Binons un jour, peu après
l'arrosage, et arrosons le lendemain, et ainsi de suite. Ces façons d'opérer
produiront leur maximum d'effet en évitant que la terre ne soit battue et ne
forme croûte nuisible à l'aération et à l'évaporation.
6° Précautions importantes à prendre lors de l'arrosage.
— 1° L'excès d'eau peut nuire aux semis : les
arrosages multipliés noient les graines et provoquent la fonte et le
développement de la mousse et la formation, de « la toile », maladie
très redoutable des semis ;
— 2° L'excès d'eau nuit au développement des organes de
reproduction, fruits et graines : ainsi des pois arrosés pendant toute la
durée de leur végétation poussent sans cesse, s'allongent extraordinairement,
mais ne fructifient guère ;
— 3° L'excès d'eau peut même nuire au développement des
légumes-racines ; ainsi des carottes poussent en feuilles et ne
fournissent qu'une faible racine lorsqu'elles reçoivent trop d'eau ;
— 4° Un arrosage mal pratiqué à des légumes réclamant
beaucoup d'eau peut amener certaines maladies : ainsi la tomate contracte
le mildiou et le melon l'oïdium ; ne pas arroser le feuillage, mais
alimenter ces plantes en eau en arrosant dans une cuvette creusée autour du
pied ;
— 5° Un arrosage avec une eau trop froide amènerait
aussi des maladies: ainsi la tomate contracte la gangrène du fruit ;
— 6° Enfin l'excès d'humidité dû à des arrosages
continus aide à la production des limaces, limaçons, escargots, grands ennemis
de nos potagers.
Rationnellement pratiqué, l'arrosage ne pourra produire que
des effets heureux, et nous nous souviendrons toujours que « le sage
arrose » et que « l'insensé inonde ».
BOILEAU.
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